| le Pas au Boeuf, port de mer
Par un arrêt de monsieur de La Bove, Intendant de Bretagne, du 8 juillet 1778, on voit qu'à cette époque, il existait au Pas au Bœuf, sur la rive bretonne du Couesnon, un petit port où s'opérait le chargement de bois de construction pour la marine royale. L'accès à ce port était difficile, il fallait avoir une parfaite connaissance de la rivière dont le lit changeait très souvent de place. Il n'existait pas d'installations portuaires et les matelots des bateaux et chalands venant à ce port avaient pris l'habitude de creuser de petites anses où ils mettaient leurs barques ce qui n'était pas sans inconvénients pour les prairies et les rives bordant le Couesnon qui, du fait de ces anses, se trouvaient dégradées et emportées par les eaux de la rivière. Déjà le 11 avril 1774 une faute fut commise par le sieur Picard de Saint Malo. L'intendant Caze de La Bove prit alors une ordonnance le condamnant à 60 livres d'amende et enjoignant à tous les conducteurs de chalands, barques, bateaux, de les fixer à l'ancré ou avec de fortes amarres et grappins, au milieu de la rivière de Couesnon, à marée montante et descendante, envers la côte de Normandie, de manière que lesdites amarres soient éloignées au moins de cinquante pieds des bords de la dite rivière. Monsieur de La Bove fut-aussi amené à prendre des mesures pour interdire ces pratiques. Il fit défense de couper et dégrader la rive de la rivière du Couesnon et d'y laisser amarrés les bateaux plus de temps qu'il n'en fallait pour charger leurs bois sous peine de cinquante livres d'amende et de trois mois de prison, pour la première contravention, et de plus fortes peines en cas de récidive. Le 31 août 1778, procès verbal fat dressé à deux chalands chargés de bois de marine attachés à des pieux qui sont tout au plus à trois mètres du bord de la rive. Ces chalands appartenaient à Monsieur de La Briantais de Saint Malo et étaient commandés l'un par Jean Nérambourg demeurant à Saint Georges de Gréhaigne et l'autre par Guillaume Guillée de Saint Georges également. Le sieur Marion de La Briantais avait donné un petit canot à ses conducteurs de chalands pour leur faciliter la mise à l'ancre de leurs embarcations soit au milieu de la rivière soit au bord touchant la Normandie lequel est plus sûr lorsque la mer monte ou descend. Jean Nérambourg et Guillée n'ayant pas appliqué ces règles sont condamnés à une payer la somme de 3 livres et la journée des deux cavaliers qui ont rapporté le procès verbal soit un total de 9 livres. A la suite de ce procès verbal, l'ingénieur Piou, chargé de l'entretien des digues, demanda à l'intendant, le 24 septembre 1778, que les cavaliers de la maréchaussée d'Antrain fassent au moins un voyage par semaine pour faire respecter l'ordonnance du 8 juillet 1778, A la date du 24 septembre 1778 il fat constaté qu'en deux mois 20 pieds de rives étaient emportées par la mer sur trente toises de longueur. Le 3 octobre 1778 un nouvel ordre de l'intendant dit qu'il est aussi défendu d'attacher avec des grappins mais bien à des poteaux éloignés de la rivière au moins de cinquante pieds, le tout sous peine de punition corporelle. Les propriétaires des bois abandonnés sur les digues seront condamnés chacun à 10 livres d'amende. Le premier novembre 1778 l'ingénieur Piou signale que beaucoup de marchands de bois font leur embarquement aux Quatre Salines lequel endroit est plus commode, plus sûr et moins dispendieux. Parce qu'au Pas au Bœuf la mer ne vient qu'au grandes marées. Les marchands trouvant plus pratiques l'embarquement de leurs marchandises aux Quatre Salines en faisaient 1' enregistrement au bureau de l'amirauté établi au Pas au Bœuf puis voituraient ensuite ces marchandises en empruntant les digues. "Entre le 6 et le 22 décembre 1774, le bâtiment Le Hibou appartenant au sieur Picard et commandé par le nommé Guy Rouault de Saint Servan est venu aborder avis des Quatre Salines chargé d'environ cent barriques de vin qui est à ce que l'on dit pour le compte du sieur Harivel de Fougères. Le dit bâtiment à pendant le même temps rechargé du bois de construction qui est pour le compte du sieur Lemaître et Des Rabinnes de Saint Malo. Le vin a été voiture par des charrettes depuis les Quatre Salines jusqu'au Pas au Bœuf et les dits bois ont estes aussi voitures par charrettes depuis le Pas au Bœuf jusqu'au Quatre Salines par sur tout le long des digues de la mer. Les harnois ont causés des grands dommages aux digues ". Les arrêts de l'Intendant furent peut être appliqués avec rigueur, mais, un certain relâchement se fit vite sentir au fil des ans. Au cours d'une inspection faite, pour contrôler l'état des digues par Messire Hyppolite du Margaro, chanoine de l'église de Dol, et Messire Julien François Blanchart de La Buharaye, le 12 mars 1789, ils devaient constater : " Qu'on a déposé sur les glacis des digues, vers la mer, des bois de construction pour être embarqués, lesquels bois par leur position sur les talus des digues sont très préjudiciables a leur solidité et sûreté et comme ces dépôts sont proscrits par différentes ordonnances, nous sommes d'avis qu'elles doivent être renouvelées et qu'il soit défendu de déposer des bois de construction ou de toute autre nature sur les glacis des digues sous peine de cent livres d'amende pour chaque contrevenant et confiscation des bois au profit de l'entretien des digues ". Trafic portuaire. Voyons quel pouvait être le trafic de ce port et quels bateaux le fréquentaient. Aux archives départementales d'Ille et Vilaine, dans la sous série 9B, amirauté de Saint Malo, existe un cahier intitulé : Registre des rapports et déclarations des maîtres de bâtiments ; qui couvre une période de cinq ans ; du 16 octobre 1773 au 29 avril 1778. Ce registre est ainsi paraphé : " Le présent registre contenant cinquante feuillets, le présent et le dernier compris, pour servir au greffe ..... du siège Royal de l'amirauté de Saint Malo établi au Pas au Bœuf a recevoir les déclarations des maîtres de bâtiments qui entreront dans le port, cité, chiffré et millésimé par nous Maître Thomas Rusiac Amelot sieur du Haut Manoir conseiller au dit siège, le premier septembre mil sep cent soixante treize . signé : Amelot ". Ce registre nous indique que pendant quatre ans et six mois, 395 bateaux sont entres au port du Pas au Bœuf. Les plus importants de ceux ci furent " L'Aimable Charlotte " et La Marie des Guais ", tous deux du port de Saint Malo et jaugeant chacun 50 tonneaux. Le trafic de ce port se faisait essentiellement avec Saint Malo mais aussi avec Paimpol, Saint-Brieuc, Cancale et Granville. Nous avons examiné ce registre en détail du 16 octobre 1773 au 18 octobre 1774. Durant cette période soixante huit bateaux sont entrés au port, voici la copie de l'acte d'enregistrement n°1 : " Pierre Picart maître du bateau Le Georges de Saint Malo du port de vingt six tonneaux est entré au port du Pas au Bœuf chargé de vingt barriques de chaux, une barrique eau de vie, une barrique bray, une barrique sardine et trois cent livres étoupe et clous de fer, et retourné à Saint Malo chargé de bois de construction et est entré en ce port le jour d'hyer ce qu'il a affirmé véritable. A payé cy 2 livres 19 sols 10 deniers ". Le tonnage des bateaux enregistrés sur ce cahier s'échelonne de neuf à cinquante tonneaux1 et les droits de port étaient les suivants : Jusqu'à trente tonneaux : 2 livres 19 sols 10 deniers, A l'exportation vers Saint Malo il y avait principalement du bois de construction puis des planches, du bois à feu, du cidre et du bois d'orme. A l'importation venant de Saint Malo nous trouvons de la chaux, sardines, étoupe, clous de fer, barriques vides, moulage et plâtre, pierre de tuffeau, bouteilles de verre vides et hardes usagées. Venant de Granville du moulage. Le plus souvent ces bateaux ne restaient au port que le temps d'une marée, rentrant à la marée du jour d'arrivée, repartant à celle du lendemain. Parfois ils restaient deux à trois jours, on a même vu le " Marie Joseph " restant quatre jours au mois d'avril 1774, le " Dauphin Royal " de Saint Malo douze jours, le " Marie Suzanne " de Paimpol quatorze jours au mois de novembre 1773. Certains bateaux repartant sur lest faisaient escale à Cancale avant de rentrer à Saint Malo ou Granville. 1) Mesure de capacité pour le jaugeage d'un navire valant 1m3 440 et adoptée en France depuis 1681 par Colbert. La fin du port En février 1791, Michel Augustin Hamon, curé de Saint Broladre, assisté de deux commissaires, Simon Louairie et Poinçon Blanchardière, lut un mémoire en forme de pétition à la Convention Nationale demandant des secours pour la réparation des digues de Dol et dans lequel il déclare : " Depuis plus de quinze ans que la navigation du Couesnon est interrompue. Saint Malo,Granville, Cherbourg, Brest même, qui tiraient par cette voie leurs bois de construction des quatre forêts nationales qui nous avoisinent, sont privées de cet avantage ". Cette déclaration nous apprend que depuis longtemps déjà il n'y avait plus aucune navigation sur le Couesnon, c'était bien la fin de ce port breton du Pas au Bœuf. Quelques bâtiments ayant fréquenté le port du Pas au Boeuf : Entre le 16-10-1773 et le 18-10-1774 d'après le registre des rapports et déclarations des maîtres de bâtiments :
Du 15 octobre 1773 au 18 octobre 1774, 68 mouvements de bateaux furent enregistrés à l'entrée au port du Pas au Bœuf. Du 16 octobre au 29 avril 1778, 395 mouvements furent enregistrés. Le port de Moidrey. Après les grands travaux de canalisation du Couesnon on a pu revoir quelques bateaux naviguer sur le Couesnon et remonter jusqu'au port de Moidrey situé en face de Saint Georges de Gréhaigne mais en Normandie. Du 7 novembre 1862 au 1er mars 1864, le mouvement de ce port fut tant à l'arrivée qu'a la sortie, de 47 navires dont 42 chargés de 3963 tonnes de marchandises. De mars 1864 au 1er janvier 1870, le mouvement fut de 529 navires dont 415 chargés de 32328 tonnes de marchandises. De janvier 1870 au 1er juillet 1875 le mouvement fut de 253 navires chargés de 15104 tonnes, soit une moyenne de 4 navires et 230 tonnes par mois. En même temps, un chantier naval s'ouvrait à Pontorson. Le premier navire de 180 tonneaux fut lancé près du pont le 30 juillet 1863 ; le dix septième de 400 tonneaux le 25 avril 1872. Les dix sept navires jaugeaient ensemble 2900 tonnes. Le courant dans le canal rendait le mouillage difficile. On était obligé de veiller à ce que les navires présentent toujours exactement leur avant ou leur arrière au courant ; autrement, si la mer les prend plus ou moins de flanc, ni chaînes ni amarres ne sont capables de les maintenir. Chaînes et amarres se rompent et les navires partent à la dérive. Le trafic se faisait entre les îles anglaises et la Bretagne ; on expédiait de la tangue et on y recevait surtout de la houille. Les navires ne remontèrent jamais jusqu'à Pontorson, en 1881 c'était trop tard, la concurrence du chemin de fer avait tué ce port.
Grandeur et décadence du Port de Pontorson
Demande d'enlèvement de la grue du Port de Moidrey.
Le lieutenant des Douanes constate le mauvais état de l'ancien poste de surveillance de Moidrey. Le conseil décide de n'y rien faire.
Le
conseil demande la détaxe du tronçon de la ligne « Pontorson-Moidrey » (toujours
la crainte du prolongement vers le Mont).
De nouveau, le conseil demande le maintien de Pontorson-Moidrey. Le 20 décembre, l'état veut supprimer la gare « Ce n'est pas au moment où les travaux de canalisation sont à peu près terminés, qu'il y a lieu de supprimer la seule gare susceptible de desservir le port.
Même décision que ci-dessus.
Service maritime en Pontorson et les îles anglaises. Une
bisquine de Cancale vint vers 1900 apporter un chargement d'os de seiches au
père Lemonnier, herboriste et « homme de Droite ». Cette précision est utile car
il s'agissait d'empêcher Fontenier, avocat et Maire de Beauvoir, conseiller
général (?), radical socialiste de réaliser le port de Beauvoir, lequel comme la
ligne du Mont et le port de la Caserne devait « ruiner » le commerce local de
Pontorson. Mais Fontenier pour répondre à l'objection de la Bisquine, fit
transformer sur le projet, une des travées du Pont, un pont tournant qui ne
tourna jamais.
Bibliographie : Archives départementales d'Ille et Vilaine : Mairie de Dol de Bretagne : Nos ancêtres pendant la révolution : Pontorson sur les bords du Couesnon. Michel Pelé |
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