Généalogie et Histoire en Pays Dolois  

La commune de Cherrueix (35)

 

 

 

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Réflexions sur l’origine du nom de la commune de Cherrueix

 

Introduction

 

Lorsque j’ai commencé à étudier, il y a une dizaine d’années,  l’origine du nom de notre commune, j’étais parti sur l’hypothèse CARRUCA suggérée par le père Joseph Lemarié et tout me semblait simple

Au fil du temps et à force d’accumuler des renseignements les plus divers sur ce  thème , les choses me paraissaient de moins en moins évidentes. De sorte qu’aujourd’hui je n’arrive plus à choisir une solution parmi celles proposées ci-dessous.

Je remercie donc d’avance ceux qui voudront bien m’aider par leurs critiques, documents ou idées les plus diverses à percer cette énigme.

 

Sommaire

1 – Formes anciennes

1.1          – « Le Bossard »

1.2          - « Le parcellaire breton »

1.3          - Anciennes cartes marines de Bretagne

2 – Hypothèse « CARRUCA »

3 – Hypothèse « cannabis »

4 – Hypothèse patronymique

        4.1 - Latine

        4.2 - Noblesse française

5 – Hypothèse bretonne 

6 – suggestion « Cherrueis »

7 – Conclusion

Remarque préliminaire.

            Le nom de "Cherrueix" peut être prononcé de trois façons différentes :

-         "Ché-ruaï" en parler local,

-         "Cher-ué" qui est la prononciation officielle,

-         "Cher-uexe" pour les personnes « étrangères » ou qui rencontrent pour la première fois ce nom et qui s'attachent à prononcer le "X" final.
 

Ceci permet, lorsque quelques personnes discutent à quelques pas derrière vous, de savoir s'il s'agit d'un ancien cherrulais, d'une personne habituée au pays ou y habitant, ou d'un « étranger » de passage dans la commune. Il s’agit en somme d’un véritable schibboleth[1] cherrulais.

1 – Formes anciennes

            Toute étude toponymique[2] commence par la recherche des formes anciennes car au cours du temps l’orthographe aussi bien que la prononciation peuvent avoir considérablement varié[3].

            Différentes sources nous ont permis de rencontrer de très nombreuses variantes du nom de notre commune mais avec une crédibilité variable comme on va le voir.

1.1  « Le BOSSARD »[4]

- concernant la commune de Cherrueix

- In Villa que vocatur Cheri, IXème s. (Bibli. vita sancti Maclovii, II, C, XIV)
   (Identification contestée).

- Elemosina de Queruer, 1170, (Bibl. Nat., lat. 5430A, f° 184).

- Thomas de Cherruers, 1183, (ibid., 5476, f° 89).

- Cherrue, Cherrues, Charruers, 1190, (ibid.).

- De feodo Hervee de Charruiers, 1217, (arch. de la Manche, H).

- Charruel... et Cherruel, 1208, (Bib. Nat., lat. 5476, f° 132).

- Cheruyers, 1247, (G 281).

- Johannes de Chairuers, 1259, (Bib. Nat., lat. 5430A, f° 65).

- Cherruyes, 1355, (nécr. de dol).

- Cherruiers, 1226, (Bib. Nat., fr. 22329, f° 1 et ss.).

- Féodum as Charruylrens, 1226, (ibid.).

- Paroesse de Charruées, 1471, (ibid. B 2110).

- Rolland de Charrueix, 1513 (Bib. Nat., fr. 22321, f° 24).

- Charruuis, 1294-1303, (Bull. Soc. Archéol. d'I.-&-V., II, 204).

- Localisation de toponymes locaux de forme voisine issus du « Bossard »

- Cherrière (la...) : lieudit, commune de Melesse, 1409, (arch. de la L.I., B, 2128)

- Cherrière (la...) : Maison ruinée, commune de St Onen, 1513,
          (Bib. Nat., fr, 22320, f° 869).

- Cherrières (les...), f, Commune de St-Méloir-des-Ondes.

- Cherronnais (la...), village, commune de ST-Rémy-du-Plein. La chêne-
          ronnaye
, 1541  (arch. de la L.I., B, 1366).

- Cherruel, village détruit, commune de Bruz. "Bailliaige de Charruel", 1494
          (arch. de la    L.I., B, 2112).  Cherual, 1652, (Bib. Nat.; fr, nouv. acq.
           5116).

- Cherruez (les...), lieudit, commune de Pleurtuit, 1547, (arch. de la L.I., B 1274).

- Chertais (la;..), éc., commune de Pleurtuit.

- Cherublais (la...), hameau, commune de Bain.

- Chérulais (la...), village, commune de Bazouges du Désert.  Fe de la
            cherrulaye
, 1400, (arch. de la L.I., B 1336).  La Cherruléie XIIIème s. (H,
             cartul. de Fougères). La Charrueleie, XIIIème s. (Bib. Nat., fr, 22320, f°
             12 et ss.).

- Cherulais (la...), hameau, commune d'Épiniac. La Cherrulaye, 1414 (arch.
          de la L.I.,  B, 1274).

1.2  Parcellaire Breton[5]

          Si, à priori il semble difficile de distinguer, en parler local,  si le nom de notre commune se prononce « ché-ruaï » ou « chér-uaï », par contre, pour la prononciation officielle le « r » apparaît dans les deux phonèmes (chèr-ruê). Il semble que l’orthographe ait hésité pendant un certain temps entre un seul ou deux « r » du fait que le mot chariot n’en possède qu’un seul 
          Une extraction a donc été faite, dans le Parcelleaire Breton pour étudier la répartition et les fréquences d’apparition des formes avec un seul ou deux « r ». Le résultat figure ci-dessous.

           Noms avec la racine « CHERU »  (avec un seul "R")

LA GRANDE VILLE CHERUEIX / 22 Brehan

LE CLOS CHERUEL /22 Brehan

COURTIL CHERUYER / 22 Lantic

LA TERRE AU CHERUYER / 22 Lantic

LE PRE CHERUEL /22 Le Plemy

PETIT CHERUEL /22 Le Plemy

PETIT PRE CHERUEL / 22 Le Plemy

PRAT CHERU / 22 Plesidy

COURTIL CHERUYER / 22 Plouagat

MARE DU CHERUYER / 22 Plouagat

LE CLOS CHERUE / 22 Saint-Alban

CLOS CHERUYER / 22 Tregomeur

LE CLOS AU CHERUYER /22 Tregomeur

LE CLOS CHERUYER /22 Tregomeur

CHERUET AR BIEN / 22 Tregrom

LE COURTIL CHERUEL / 35 la Baussaine

CHEMIN DE LA BASSE CHERULAIS / Bazouges du désert

CHEMIN DE LA CHERULIERE / Bazouges du désert

CHEMIN DE LA HAUTE CHERULAIS / Bazouges du désert

LA BASSE CHERULAIS / Bazouges du désert

LA CHERULIERE / Bazouges du désert

LA HAUTE CHERULAIS / Bazouges du désert

CLOS CHERUEL / 35 Cardroc

CLOS CHERUEL / 35 La Chapelle Chaussée

LE CHERUBAULT / 35 Domalain

LE CHERUBIARD /35 Domalain

LA CHERUBAIS / 35 Épiniac

LANDE DE LA CHERUBAIS /35 Épiniac

PATIS DE LA CHERUBAIS /35 Épiniac

LA CHERUIERE /35 Ercé en lamée

LA GRANDE CHERUIERE / 35 Ercé en lamée

RUELLE DE LA CHERUIERE /35 Ercé en lamée

LE CHERUAU / 35 Luitré

COURTIL DE LA CHERUERE / 35 Marcillé Robert

LA CHERUERE / 35 Marcillé Robert

LES SECHERUES / 35 Médréac

CHATAIGNERAIE DU PATIS CHERUEL / 35 Muel

LE PATIS CHERUEL /35 Muel

LE CHAMP CHERUE / 35 Saint Georges du Chesne

LE GRAND CHAMP CHERUE /35 Saint Georges du Chesne

LE PRE CHERUEL /35 Saint Ouen des Alleux

CHAMP CHERUE / 56 Malensac

PRE DE CHERUE /56 Malensac

LA CHERUDIERE / 56 Neant sur Yvel

CHALANDIERES LES PRES Cheruels / 56 Peillac

Noms avec la racine « CHERRU » (avec 2 " R")

LE Gd PRE CHERRUE / 22 Gausson

LE PRE CHERRUE / 22 Gausson

LA CHERRUE / 22 Gommene

LA NOE DE LA CHERRUE /22 Gommene

LA CHERRUE /La Prenessaye

LA CHERRUE / 22 Quessoy

CHERRUEIX / 35 Cherrueix

LA CHERRUERE / 35 Domalain

LA CHERRUE / 35 Lourmais

LE CHERRUAIS / 35 Retiers

LA COUR CHERRUEE / 35 Sainte-Anne

LA LANDE CHERRUEE / 35 Val d’Izé

CHERRUAU / 44 Casson

CHERRUAU DE LA HACHERIE / 44 Casson

PRE CHERRUAUD / 44 Isse

LES CHERRUELLES / 44 Le Pin

LE PRE CHERRUE / 44 Villepot

 

1.3  - Cartes anciennes de Bretagne

Les formes ci-dessous sont issues de cartes marines anciennes éditées entre 1582 et 1800 et réunies par l'éditeur "COOP BREIZ" sous forme d'un atlas de 75 planches.

Pour interpréter ces données il faut se rappeler que pour réaliser ces cartes, il n'y eut qu'un très petit travail de collecte. A  l'époque on faisait des cartes à distance pour compléter un album complet de cartes. On faisait des emprunts à d'autres cartes sans en vérifier les sources. Un examen attentif des formes ci-dessous illustre parfaitement cette remarque.

-          Planche N° 8      : 1630   "Cheruez"

-          Planche N° 9      : 1634   "Cheruez"

-          Planche N° 12    : 1635   "Cheruez"

-          Planche N° 15    : 1635   "Cheruez"

-          Planche N° 23    : 1690   "Cherveux"

-          Planche N° 26    : 1693   " Cherveux"

-          Planche N° 27    : 1693   " Cherveux"

-          Planche N° 28     : 1694  " Cheru(x ?)"

-          Planche N° 29    : 1695   " Herves"

-          Planche N° 30    : 1700   " Cher(veu ?)x"

-          Planche N° 31    : 1702   " Cherveux"

-          Planche N° 32    : 1703   " Cherveux"

-          Planche N° 34 bis : 1711 " Herves"

-          Planche N° 37    : 1716   " Cherveux"

-          Planche N° 40    : 1736   " Herves"

-          Planche N° 43    : 1750   " Herves"

-          Planche N° 45    : 1751   "Chervé(e/s)"

-          Planche N° 49    : Cassini "Herves"

-          Planche N° 50 & 50 bis : 1760 "Chervée"

-          Planche N° 57    : 1768   "Cherveix"

-          Planche N° 61    : 1771   " Cherveix"

-          Planche N° 62    : 1799   "Cherv(eu ?)x"

Nous observons donc que pendant 5 ans on a recopié le nom CHERUEZ, puis est venu CHERVEUX (8 occurrences) pour arriver à herves (5 occurrences) et aboutir à CHERVEIX au moment de la Révolution.

2        Hypothèse CARRUCA.

Dans une série d’articles parus dans les années 1970 dans le bulletin paroissial de Cherrueix le père Joseph Lemarié suggère la nom latin CARRUCA (charrue) comme origine possible du nom de notre commune.

Cette hypothèse permet de suivre aisément l’évolution de ce mot depuis l’origine romaine jusqu’à nos jours comme l’indiquent les paragraphes qui suivent :

- Transformation du « c » initial en « ch ».

Dans son dictionnaire historique de l’orthographe française , Nina CATACH signale que le « c » initial latin  que l’on prononçait alors « k » avait évolué en « tch »[6] lorsqu’il était suivi d’un « a ». Au VIème siècle la prononciation de carruca avait évolué en « tcharruca ». Par la suite le « t » initial finit par disparaître et à partir du  XIIème siècle la prononciation devint « charruca ».[7]

Transformation du 1er « a » de carruca en « e ».

       Dans le même ouvrage on mentionne qu’au XVIème siècle  « pour se distinguer , les courtisans et femmes de la cour transformaient les « a » en « e ». Ainsi en 1529 G. Tory signale que les dames de Paris disent « Mon mery est à la porte de Peris »[8].

C’est de  cette époque que doivent dater nos prononciations locales de « chérue » pour charrue et « cherte » pour charrette.

Origine de l’X final de Cherrueix.

        Toujours dans le même ouvrage, Nina Catch mentionne qu’à partir du XIIème siècle, on prit l’habitude, pour les mots se terminant par « z » ou « s » de remplacer ces lettres par un « x ». Exemple, c’est de cette époque que  le mot initial nombreus a donné notre « nombreux » actuel … tout en gardant le féminin nombreuse !. De même l’ancien  « geus » (féminin actuel : geuse) a donné en Français gueux. L’examen du nom figurant dans le paragraphe 1.2 ci-dessus à propos des cartes anciennes confirme bien ce passage du « z » en « x ».

Origine du « v » apparaissant parfois à la place du « u »

        Jusqu’au 16ème siècle on rencontrait le « v –consonne » et le « V-voyelle » qui est devenu notre  « U ». La graphie actuelle de notre « u » a été « inventée » en 1548 par Ervé Fayard qui le premier eut l’idée d’affecter systématiquement le caractère U (arondi) à la voyelle V ( pointu) à la consonne car jusqu’alors notre mot actuel « vue » s’écrivait « vve »[9]. La généralisation ne fut que très progressive. Ce qui explique la présence du V à la place du U dans certaines graphies citées dans les paragraphes précédents.

 

Par ailleurs le Dictionnaire historique de la langue française au mot charrue précise :

« Issu (1180-1200) du latin carruca, dérivé de carrus chariot[10] qui a d’abord désigné un type de char luxueux, un carrosse puis simplement une voiture quelconque à deux roues (fin IIème, début IIIème siècle). Le mot s’est spécialisé en Gaule au IXème siècle pour désigner l’instrument de travail agricole , lui aussi à deux roues, importé par les francs, distinguant ainsi cette innovation technique d l’instrument sans roues des Romains et supplantant le représentant latin aratrum[11] qui a donné araire ».

            Le dictionnaire de latin-français Gaffiot confirme ce qui est dit ci-dessus à savoir que « carruca » chez les latins désignait un carrosse. On y trouve aussi les termes dérivés « carrucarius » pour cocher, « carrulus » pour petite voiture et « carrus » ou « carrum » pour chariot.
              Ce même ouvrage nous apprend aussi que la charrue chez les romains est désignée par « aratrum » (en français araire) qui avait produit les dérivés : « aratus » labourage, « aratro » labourer de nouveau, « arator » laboureur et « aratio » labour.

              Dans le « Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé »[12], on trouve pour le mot Charruée les définitions suivantes :
                     - surface labourable en un jour
                     - surface qu’un attelage peut travailler tout au long de l’année. (En pays Chartrain, au XIIème siècle cette surface équivaut à 12 ha)..
                   Ainsi que les dérivés : charruier/charruyer  pour valet de charrue. (Dans le Saumurois, au XIIème siècle ce mot désigne aussi le propriétaire d’un charrue.)

Chérue jusqu’au XVIIème siècle désigne (comme encore aujourd’hui en parler vernaculaire cherrulais ) la charrue.

Mentionnons qu’au XIVème siècle existait le terme « ROMPEÏS » qui désignait une terre nouvellement défrichée[13].

Le passage pour CARRUCA de la notion latine de carrosse à notre charrue actuelle s’explique par le fait que dans, le concept de carrosse, on n’a retenu, au cours du temps, que la notion de roues de sorte cette racine a fini par engendrer des mots assez différents comme charrette, charrue, char et dont le point commun est de posséder des roues.

En conclusion l’hypothèse « carruca » s’explique assez bien par l’évolution jusqu’à nos jours de ce terme puisque le mot charrue apparaît justement à l’époque où semble avoir commencé un peuplement sédentaire de la baie.

De plus il faut souligner que la prononciation locale a toujours une grande importance en toponymie. Or en Cherrulais, le nom de la commune se dit « ché-ruaï » c’est à dire littéralement : terre labourée avec une charrue ; exemple « vla un’ tér qué bin chéruaï » pour voici une terre bien labourée. Ce dernier point renforce notoirement cette hypothèse CARRUCA.

Néanmoins et en toute rigueur rien ne nous permet d’affirmer avec certitude que Cherrueix est bien issu de « Carruca » . Il est par conséquent nécessaire d’examiner avec soin les autres hypothèses.

3        Hypothèse « cannabis »

Si l’on relève les noms de communes de nom voisin de Cherrueix nous trouvons Cherveix-Cubas, Cherves, Cherves-Chatelard, Cherves de cognac, Chervettes, Cherveux et Chervey.

Après enquêtes auprès de personnes de ces communes s’étant intéressées à l’origine du nom de leur commune (voir ci-dessous) il apparaît que la plupart viennent du latin CANNABIS chanvre. Or le chanvre, comme le lin, a bien été cultivé jadis à Cherrueix (comme il l’était presque partout). Cette hypothèse, mis à part le « V » que l’on trouve à la place de notre  « U » , ne peut donc être écartée à priori.

Rappelons que Cherves désignait jadis la seconde qualité du chanvre. Au XVIème siècle on distinguait la première qualité appelée « le brin » qui était utilisée pour la lingerie et l’étoupe qui était la plus grossière.[14]
    Voici, suivant les dires des personnes contactées les origines des noms de ces communes.

 

CHERVEIX-CUBAS en Dordogne près de Périgueux; 800 habitants; formée de la réunion au XIXème siècle des communes de CHERVEIX et de CUBAS. A propos de CHERVEIX, Monsieur Raynaud de l'Âge, professeur à la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand écrit dans la Revue Internationale d'Onomastique de mars 1958 : "CHERVEIX signifie: village entouré de plantations de chanvre; en patois, chanvre se dit : "charbé", d'où charvex ou charué, lieu entouré de champs de chanvre. Cette récolte peu rémunératrice fut abandonnée vers 1910. Il y avait encore quelques champs de chanvre, en 1914, pour les derniers tisserands du pays". On a trouvé, pour cette commune de Cherveix, les formes anciennes suivantes: CHARVES (XIIème siècle); CHARVÈS en 1489 et 1513; CHARVEYX en 1455, 1619,et 1688 et CHERVIEIX en 1780.

Ce CHERVEIX écrit exactement avec la même orthographe que notre CHERVEIX de la carte de Cassini, laisse perplexe. Certes il n'est pas impossible que deux toponymes d'origines différentes puissent avoir, à un moment donné, des orthographes identiques, mais c'est quand même ici un hasard inattendu.

CHERVES dans la Vienne, près de Poitiers, 780 habitants. La forme vicaria kanabinsis en 936-937 et charva en 1161 permettent d'affirmer que ce nom vient de chanvre, qui en parler local se dit cannabus toujours charve. Le mot actuel "chanvre" venant du latin.

CHERVES-CHATELARD en Charente, 730 habitants. La forme ancienne Charviis montre que ce nom est encore issu de chanvre. Charve est le nom saintongeais du chanvre.

CHERVES de COGNAC (Charente), 1790 habitants

CHERVETTES en Charente-Maritime; 158 habitants).

CHERVEUX dans les Deux-Sèvres, près de Niort, 1033 habitants

On a trouvé pour cette commune les formes anciennes suivantes: Carvium (110).- Cherveox, Cheveras (1243).- Cherveios, Chervex, Chervios (1243).- Charveios, Chervox, Cherveux (1244). - Chervio (1244).- Chervix (1244).- Charveos (1247).- Cherviex (1253).- Cherviox (1259).- Cherveos (1300).- Cherveaux (1363).- Chevreoux (1389).- Cherveus (1603).- St-Pierre de Cherveux (1782).
            Pour Dauzat, "les formes anciennes: Carvium (1110), cherveios, chervios, chervex (1243) font penser à cannab-osum ( de cannabis, chanvre) mais la forme de 1110 peut laisser supposer un nom d'homme gaulois CARVIUS".

CHERVEY dans l'Aube près de Troyes, 200 habitants.

            Formes anciennes: Chirriviacum (1117).- Cherreveium (1147).- Cherreve (1164).- Cherrivi (1206).- Chierreve.- Cherrevi (1219).- Chierevi (1222).- Chierrein (1229).- Cherrivei (1272).- Chervey (1379).- Chernay (1679).
Pour Dauzat, la forme initiale  de "Chirriviacum" fait penser, ici, à un nom d'homme romain.

 

Carte de la répartition des communes de noms voisins de Cherrueix

4 hypothèse patronymique.

4.1– Latine.

Madame Colette MARCHAND[15] m’a signalé  la présence dans l’Atlas Historique de Bretagne des Éditions Historiques de Bretagne d’une carte de Yann Poupinot intitulée l’Armorique romaine (voir ci-dessous)et représentant l’état de la Bretagne sous l’occupation romaine (de 56 av. J. C. à 400 ap. J. C.). Une zone centrée entre Aleth et Avranches (voir ci-dessous)  y figure sous le nom de CARRUACUM (du nom d’homme latin CARRUS et du suffixe ACUM c’est à dire, littéralement « terres appartenant à un dénommé CARRUS » ).

A cette époque il semble la baie n’était pas occupée d’une façon continue ni cultivée. Néanmoins nous ne pouvons à priori exclure qu’un certain CARRUS y ait possédé un certain espace qui lui permettait de faire payer des droits aux pêcheurs et saulniers venus s’installer près du rivage plus ou moins provisoirement. Déplorons néanmoins que Monsieur POUPINOT n’ait pas mentionné ses sources.

Carte de l’état de la Bretagne sous l’occupation romaine

4.2– hypothèse nobiliaire.

L’abbé LEGRAND, curé de Saint-Benoît-des-Ondes, m’a prêté un ensemble de notes qu’il a copiées lors de passages aux Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine. L’une de ces notes précise : « Au retour de la 1ère croisade, Jean de CHERRUEIX (compagnon de Foulques d’Anjou en Palestine en 1129) est nommé premier seigneur de Saint-Benoît. »

Ce qui surprend c’est que Cherrueix y est orthographié, dès cette date, sous sa forme actuelle au lieu des formes anciennes citées dans les cartes.

Signalons que l’on retrouve également au paragraphe 1.1 ci-dessus, en 1513 un certain Rolland de Charrueix.

Cette hypothèse ne peut être rejetée à priori du fait que selon les études actuelles le peuplement de la baie ait d’abord commencé sur la partie ouest (Hirel et Saint-Benoit) avant la partie centrale de Cherrueix qui était comblée moins vite par les sédiments. Ce seigneur a donc pu créer des zones de peuplement au niveau de notre commune et leur avoir donné son nom.

5 Hypothèse bretonne.

Monsieur LE GAC de Cherrueix m’a signalé qu’une annexe de son agenda breton mentionnait comme équivalent pour Cherrueix le nom « QUERUER ». Cette annexe a été publiée par l’Office de la Langue Bretonne. Pour la partie de la Bretagne où le breton n’a jamais été parlé l’on a pu que « bretonniser » les noms des communes ce qui n’a qu’une valeur très relative sur le plan toponymique.

A l’origine une étude avait été lancée par la section toponymie de l’Institut Culturel de  Bretagne pour transcrire en breton tous les noms des communes de Bretagne. Cette section toponymie a rejoint ensuite l’Office de la Langue Bretonne[16] où le responsable du patrimoine linguistique est Monsieur Marc COCHARD. Voici, communiqué par ce dernier, l’extrait du dossier de travail de leur commission toponymie concernant Cherrueix.

« CHERRUEIX. CHERRI au IXème siècle, QUERUER en 1170 et CHERUERS au XIIème siècle.

La graphie Cherri (La. Quadrivium « carrefour ») doit concerner un autre lieu. Le rapprochement avec  Cherveix (Dor.), supposé issu de *cannabarium, du La. Cannabus « chanvre », ou avec cherveux (Deux-S., Chervex en 1243), dérivé de –osum du même, ne nous convainc pas (ces hypothèses elles-mêmes sont-elles fondées ?). Un *Car(v)iarius gallo-romain est pure spéculation. La graphie –uer, -ver, constante, et le site sur la route-digue de la Baie du Mont-Saint-Michel, orientent vers un composé tel que Br. *kagion Riwori « digue de (Saint) Riwor » ou, à quoi nous nous rallions, un bas latin *caiu ripariu « talus du rivage » (A. J. R. ). Le Kerhuel de Jeusset étant sans objet, nous écrivons en  breton KERRUER »

Des études ayant montré que la limite maximale d’extension du breton, sur le rivage de la baie du Mont-Saint-Michel étant Saint-Georges de Gréhaigne, Cherrueix se trouvant à l’intérieur de cette ancienne zone bretonnante[17] on ne peut rejeter à priori cette hypothèse.

6Une proposition de modification de l’orthographe du nom CHERRUEIX.

            Lors de la réunion du conseil municipal du 28 novembre 1920 il fut lu une lettre du préfet signalant que le doyen de la faculté des lettres de Rennes avait pu établir, d’après des documents historiques authentiques[18], que le nom de la commune de Cherrueix devrait s’écrire « CHERRUEIS » et non CHERRUEIX. » et invitait le conseil municipal à délibérer  sur la modification proposée.

            Le conseil municipal décida alors de « conserver l’orthographe actuelle ».

7 Conclusion.

Dans l’état actuel, il m’est donc impossible, faute de preuves irréfutables, de choisir l’une ou l’autre de ces hypothèses.

Il se peut d’ailleurs que nous n’arrivions jamais à une certitude sur cette origine du nom de notre commune et devions nous contenter d’un classement de ces hypothèses par probabilité décroissante.

J’invite donc toute personne qui aurait des informations ou renseignements complémentaires sur ce sujet à m’en faire part afin de tenter de résoudre cette énigme.

Par avance je les en remercie.

Pierre Pétour

  Avril 2004


[1] Dans la Bible (Juges 12.5, 6) on raconte que lorsque Jephté eut battu les Ephraïmites, il reconnaissait les fuyards qui voulaient traverser le Jourdain pour retourner chez eux en leur faisant prononcer le mot Schibboleth qu’ils prononçaient sibboleth ( s au lieu de sch).

[2] toponymie du grec topos = lieu et onuma = nom donc la toponymie est la science de l’étude des noms de lieux.

[3] Exemple classique le mot « eau » provenant du latin « aqua ».

[4] Ensemble de 5 volumes manuscrits, bien connus des toponymistes locaux, en consultation libre aux Archives Départementales d'Ille-et-Vilaine et fournissant de très nombreuses formes anciennes pour les noms des communes et lieux-dits d'Ille-et-Vilaine.

[5] Ouvrage en 11 volumes réalisé par l'AAIEC (Association pour l'Application de l'Informatique aux Etudes Celtiques) et commercialisé par l'Institut Culturel de Bretagne / 6 rue Porte Poterne / 56000 VANNES / 02 97 68 31 10. Il comprend tous les mots (topons) entrant dans la composition des 1.533.390 microtoponymes de Bretagne et classés par ordre alphabétique et numérique au niveau de chaque département ainsi qu'un récapitulatif pour l'ensemble de la Bretagne. Une extraction des microtoponymes pour une commune ou un topon donnés peut-être obtenue auprès de P. Pétour / 02 99 62 00 37.

[6] Que l’on trouve toujours de nos jours dans certaines langues telles que le tchécoslovaque ou le russe.

[7] Signalons que le « ch » sert aussi, en français à transcrire le « khi » grec que l’on retrouve notamment dans les mots savants d’origine grecque. Les grammairiens hésitèrent longtemps, pour certains mots, entre le « c » et le « ch » ainsi colère s’écrivait cholère en 1542 et devint colère en 1694. Suivant qu’un terme est issu du latin ou ait été emprunté directement au grec nous pouvons avoir deux dérivés prononcés différemment pour une même racine initiale exemple : psychique/psychologie ou bronchite/bronchopneumonie.

[8] Toujours pour se distinguer, et lorsque le peuple les imita, la tendance s’inversa :.là où le peuple prononçait « e », la Cour prononçait « a ». D’où les erreurs étymologiques que l’on rencontre de nos jours telles que le mot serpe issu du latin sarpa.

[9] Notons au passage que ce son français « u » est une particularité du  français. Les anglais et les espagnols le prononcent toujours « ou » et prononcer correctement le mot « turlututu » constitue toujours un véritable exploit.

[10] Dans son dictionnaire du monde rural, Marcel LACHIVER signale que l’avant train moderne des chariots n’apparaît qu’à la fin du Moyen-Âge.

[11] Pour « araire » ce dictionnaire propose une racine indo-européenne ARA (aroun en grec et arathar en celtique) pour labourer. (Il est probable que notre actuelle unité de surface : l’are, ait pour origine, elle aussi cette racine « ara ».)

[12] par Marcel LACHIVER, aux éditions Fayard. Réf. Bibliothèque Municipale de Rennes : « 630 LAC ».

[13] Terme apparaissant dans le Dictionnaire Larousse du Moyen Français par Greima &Keane, (P. 562. ) et qui m’a été signalé par Jean-Yves LE MOIGN.

[14] Dictionnaire du Monde Rural.

[15] Collègue de la section toponymie de l’Université du Temps Libre (U. T. L.) de Rennes

[16] Office de la Langue Bretonne / 8 rue Félix FAURE/ 29270 Quimper/ 02 98 99 30 14 ou à Rennes : 10 rue Nantaise /02 23 44 04 30. Cette liste en breton des communes a permis a cet office d’éditer et vendre une curieuse et intéressante carte Michelin de la Bretagne où les noms des communes figurent en breton.

[17] En témoigne le toponyme actuel « bec à l’âne » issu du breton « beg ar lan » signifiant extrémité de la paroisse. Cet endroit, jouxtant le Vivier-sur-Mer constitue bien, en effet, l’extrémité de la paroisse ;

[18] Il est dommage que son argumentaire n’ait pas été joint au compte rendu. Sans doute se basait-il sur le fait que le « X » est une ancienne marque du pluriel  (un ail, des aulx ; un cheval , des chevaux) et que pour suivre la façon actuelle de former le pluriel il serait plus logique effectivement d’écrire CHERRUEIS.

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