Le 6
juin 1944 à l’aube débutait la plus gigantesque opération militaire de
tous les temps, celle que l’on attendait sans trop y croire : l’opération
Overlord . Les forces alliées débarquent sur les plages normandes. La
bataille de Normandie commençait. Ce fut l’apocalypse et la désolation.
Apocalypse tombée des forteresses volantes dont on croyait qu’elles
apporteraient le salut avec un espoir infini et la joie au cœur.
Ils
ont débarqué et avec eux l’enfer des combats.
A
l’entrée de la Bretagne, à Saint-Georges de Gréhaigne ou Francis Pelé
s’était réfugié, dans la ferme de sa mère, ce matin là on entend des coups
sourds très lointains, tout vibrait : les lits, le sol des polders
semblait bouger, on aurait cru un tremblement de terre et tout le monde
est éveillé. Cette fois c’était sur, depuis le temps que l’on attendait ce
ne pouvait être autre chose, tout le monde fut vite debout, et dehors dans
la cour, ils s’interrogeaient, ce roulement de bruits sourds que l’on
continuait à entendre en direction de la Normandie. Son beau-père qui
avait fait la guerre de 14-18 dit : « Cette fois çà y est, c’est le
débarquement ».
Quelques instants plus tard, avec le lever du jour paraissaient dans le
ciel des avions, sillonnant les routes et les voies de chemin de fer.
Cette
fois c’était bien certain : la délivrance approchait ; mais l’inquiétude
se lisait sur chaque visage.
Aussi
le travail de la ferme se borna t’il seulement aux soins du bétail, car
tous les hommes valides se mirent à creuser des abris.
On
écoute la radio : les alliés débarquent sur la côte normande.
Il
était attendu depuis si longtemps ce débarquement, qu’allait-il se
passer ? Il était temps, car la situation devenait impossible et
périlleuse, il avait fallu reprendre la clandestinité depuis quelques
mois, car vivre à Dol pour un jeune c’était dangereux.
Avec
Louis Legros et Auguste Boutrouel des polders, ils avaient organisé un
service d’écoute de radio qui leur permettait de connaître l’avance des
alliés sur le front de Normandie.
Dans
une vieille maison, il avait installé une dynamo sur une meule à main et
il fallait que l’un d’entre eux tourne la manivelle pour produire
l’électricité nécessaire au fonctionnement de cette radio.
Ils
écoutent cette radio de Londres avec un poste de radio caché dans le
grenier de la ferme «blount», dans les polders. Cette radio sur laquelle
on pouvait entendre ce message : « Ici Londres, les Français parlent aux
Français ».
Il se
consacre au sabotage des lignes de communications téléphoniques et des
câbles, mais il n’eut pas de chance dans le secteur de Pleine Fougères.
Dans le secteur de « Bollande », il était déjà grimpé dans un poteau
téléphonique en vue de couper les câbles quand il aperçut un soldat
allemand qui dormait tout à coté. Une autre nuit, il entreprit de couper
le câble souterrain Brest-Paris, enterré dans le bas côté de la route ; il
était minuit environ et à un endroit dit « la côte du caillou », il avait
déjà dégagé une portion du dit câble se trouvant à un mètre cinquante de
profondeur, se préparant à le scier – cette ligne pouvait transporter une
quarantaine de communications - , c’est alors qu' íl perçut le roulement
continu d’une vague d’avions qui filaient dans la direction de Rennes ; et
sitôt après, trois camions allemands on stoppé, moteurs arrêtés, juste
devant lui. Les allemands sont descendus de leurs véhicules, ont scruté le
ciel, se faisant, marchant sur ses outils, le frôlant de leurs pieds ! ...
La vague d’avions passée, les allemands sont remontés dans leurs camions.
Il a vécu là si fort en pensée son dernier quart d’heure, qu’il n’eut plus
la force de couper ce câble (il l’a toujours regretté). Il apprit quelques
jours plus tard qu’une équipe de Plerguer avait réussi, elle, a couper ce
câble dans la région de Vildé-Bidon. Le plus médusé fut sûrement le
cantonnier de service, Jean Bigrel, qui ne comprit pas pourquoi quelqu’un
avait fait cette tranchée dans la « banquette ».
En
Normandie, la quatrième division américaine met le cap sur Avranches
qu’elle atteint le 30 juillet. L’avantage est poussé jusqu’au pont de
Pontaubault. La porte de la Bretagne est ouverte.
Renard, l’un des chefs de la résistance de Plerguer lui demande d’envoyer
un message afin de faire venir un hydravion sur l’étang de Beaufort pour
récupérer un aviateur anglais caché à Baguer Morvan. Malheureusement il
fut impossible de passer ce message, ce qui lui valu d’être traité de
« dégonfleur » par Renard.
Sortant de chez Renard, alors qu’une locomotive se trouvait près du
passage à niveau, un avion allié les survola, Renard lui fit de grands
signes avec son mouchoir, l’avion vire et revient, mais ils n’ont que le
temps de se coucher le long de la voie, les rafales pleuvent sur la
locomotive. Lorsqu’ils se relèvent ils constatent que le chauffeur et le
mécanicien sont grièvement blessés : Chenu et Rétif. Chenu devait mourir.
Francis rentre alors par le sentier longeant la voie et prévient madame
Rétif que son mari était blessé.
Il
retourne alors à son refuge de Saint Georges, pas pour longtemps, car à
Plerguer un groupe de résistants le demande, l’abbé Cohu et Francis Douard
viennent le chercher. Il repart donc à Plerguer avec sa femme sur le cadre
de son vélo. L’abbé Cohu, lui, roulait sur un vélo à pneus pleins, une
selle qui n’avait plus que les ressorts et sans freins passe au travers
d’un troupeau de vaches en descendant la cote de sains et, miracle, il ne
plonge pas dans l’étang.
Par
les petites routes ils arrivent à Plerguer où un travail important les
attendait. Il s’agissait de construire des postes de radio fonctionnant
sur piles, puisqu’il n’y avait plus d’électricité, et avec du matériel de
récupération. Ils s’organisent et la classe de l’école devient vite un
atelier de radio, quand tout à coup apparaît dans la cour un groupe
d’allemands venant réquisitionner les lieux. L’abbé Cohu les apercevant se
rend au devant d’eux et parlemente tout en passant dans les poches
arrières de sa soutane deux grandes piles anglaises.
Pendant qu’il retient les Allemands dans la cour Francis Douard et Francis
Pelé camouflent sous l’estrade, dans le bureau, dans le poêle, toutes les
pièces de radio qui se trouvaient sur les tables puis ils firent semblant
d’étudier comme de grands écoliers.
De
cette opération Francis Pelé ne rentra pas « bredouille », le menuisier
Francis Douard lui ayant donné un fusil MAS 36, l’un de ceux qui furent
récupérés en plongeant dans l’étang du Rouvre où ils avaient été jetés par
les Polonais, combattants dans l’armée française en 1940 et qui s’étaient
retranchés à Dol, avant d’être faits prisonniers.
Ces
armes, après un gros travail de restauration, furent remises en service
Avant
de retourner à Saint Georges, il rend visite au boulanger Coquelin de
Plerguer, celui là qui ravitaillait le maquis de Broualan, qui sans
hésitation lui dit : sert toi.
Pour
atteindre le grenier ou étaient cachées les munitions, il fallait monter
sur les chariots des allemands qui se trouvaient juste au-dessous. Sans
hésiter, Coquelin grimpant au nez des allemands lui remet un paquet de
détonateurs et de cordon bickford qu’il glisse sous son chandail.
Il
reprend alors la route de Saint Georges, sa femme sur le cadre de son
vélo, en suivant le sentier de la voie de chemin de fer.
Le
père Renard, distillateur, avait constitué un petit réseau autour de lui.
Son mécanicien Jean Riquet fabriquait des explosifs : au pont de
Lantrichet, sur la voie Dol-Dinan, il dynamita les rails... un grand
morceau vola au loin, mais manque de chance, le train continua sa route
sans dérailler ; Francis Douard, pour sa part, tournait les panneaux
routiers en sens inverse. Les allemands, à la fin surexcités, ont alors
décidé de prendre comme otages le maire, Pierre Romé (originaire de Dol),
et le mécanicien Pichon ; ils les ont emmenés, baïonnette au canon, dans
le coin d’un champ. Là, le maire Pierre Romé dit à son compagnon : « Ils
vont nous fusiller, ces cons là ! » Le père Pichon, très calme et d’une
voix de stentor, rétorqua : « On va bien voir ! »
Aujourd’hui encore, à Plerguer, lorsque l’on n’est pas sûr d’une chose,
l’on dit : L’on va bien voir ! »
Dol.
Depuis
que les alliés ont débarqué en Normandie, Dol nœud ferroviaire important
est devenu un point stratégique qui voit transiter par sa gare, matériel
et renforts vers le front.
Les
raids de l’aviation alliée se multiplient, deviennent même incessants.
Rares sont les jours où les bombes ne viennent détruire voies ferrées,
locomotives du dépôt, trains de munitions ou de soldats. Dol sous les
bombes est en alerte permanente, les sirènes hurlent sans fin. Les raids
sur la gare n’épargnent pas le bourg de Carfantin où plusieurs maisons
sont détruites.
La
ville de Dol se vide petit à petit. Les autorités ont fait évacuer le
quartier de la gare puis c’est la rue de Paris et la place Chateaubriand.
L’eau devient rare, les coupures d’électricité sont fréquentes.
Des
renforts allemands montent vers le front de Normandie, manquants de
moyens, ils réquisitionnent chevaux et charrettes. Souvent le fermier ou
aussi le charretier sont réquisitionnés pour le transport de munitions
vers le front. Ce fut le cas du charretier de la grand-mère de
Saint-Georges qui ramena son cheval mais dut abandonner sa charrette prise
sous le feu de la bataille. Beaucoup revinrent seuls laissant sur place
chevaux et charrettes.
A Dol,
le mardi 1er août, l’ordre est donné aux habitants de quitter
la ville avant 2 heures du matin en laissant portes et fenêtres ouvertes.
Ceux qui resteront seront considérés comme francs tireurs et abattus sans
sommation. La plupart des habitants fuient la ville.
Certains se cachent comme ils le peuvent, un voisin cheminot se cache dans
une armoire, un autre se cache dans l’épais laurier qui se trouve au fond
du jardin.
A
Saint-Georges, le beau-père de Francis a creusé un abri antiaérien dans
son jardin où l’on se met à l’abri à la moindre alerte.
Libération de
Dol.
Le
premier août, un groupe de chars américains sort de Pontorson, passe le
Couesnon sur un pont de fortune, surgit à Ville-Cherel et apparaît sur les
hauteurs de Pleine Fougères.
Au
clocher de Baguer-Pican, des guetteurs surveillent l’horizon.
Ordre
est donné à tous les civils d’évacuer la ville avant deux heures du matin,
le tocsin sonne et c’est une émigration lamentable de gens chargés de
bagages par les seules routes qui restent libres : celle de Dinan et celle
du Mont-Dol. Un très grand nombre de dolois avec parmi eux leur curé
cherchent asile au Mont-Dol. Plusieurs veulent quand même rester, mais, au
matin du 2 août, l’exode est imposé sous la menace du revolver.
Quelques-uns uns arrivent à se cacher, tandis que les boches fouillent les
maisons, fermées ou ouvertes, et s’emparent de tout ce qui leur plaît,
surtout les bicyclettes.
Le 2
août on voit quelques éléments avancés à Baguer-Pican, jeep de
reconnaissance, camions et auto mitrailleuses, un sérieux accrochage a
lieu avec les Allemands qui fait des victimes des deux bords.
Venant
de la Touche en Epiniac, une jeep prend la direction de Dol avec quelques
hommes. Elle essuie des coups de feu venant d’un détachement allemand se
trouvant dans les carrières de Pont Limier. Une heure plus tard elle est
de retour au cantonnement, un homme est blessé à la tête. On le dépose au
P.C. de la ferme Pichon en Epiniac. Le blessé placé sur un brancard en
travers de la jeep portait une étiquette au poignet, serais-ce ce
militaire qui fut soigné à l’hôpital de Pontorson.
Ce
jour là, Cohuet était tué à coups de baïonnette à Ringlins.
Le 3
août, une petite formation américaines s’arrête au bourg, des accrochages
ont lieu, une jeep et un char sont touchés et prennent feu. Les occupants
sont tués.
Vers
20 heures, de grosses unités américaines prennent position, à 22 heures
tout le dispositif est en place pour l’attaque de Dol qui se déclenchera
le lendemain à l’aube.
Des
avions américains survolent Dol continuellement.
Dans
la nuit du 3 au 4 août, tous les Allemands quittent Dol à la faveur de la
nuit.
Pour
la libération de Dol, Francis Pelé se trouve sur les hauteurs de
Baguer-Pican pour accueillir les Américains. Avec d’autres résistants du
pays de Dol il leur fournira de précieux renseignement. Francis Pelé qui
se trouve alors tout près de sa terre natale du Petit-Mesnil observe ces
soldats qui, après avoir monté très lentement la côte des tertres de la
Claie, s’arrêtent au Loup Pendu et creusent des trous individuels pour y
passer la nuit.
Francis pelé de rend chez une cousine qui habite à proximité, au Petit
Mesnil, et passe la nuit dans une meule de paille, le temps était très
beau.
Au
milieu de la nuit de violentes détonations se firent sentir, tellement
fortes que chaque coup vous soulevait de terre.
Cette
nuit là, des fermes de la Lande de Sains et de l’Angevinière et plusieurs
de mont Rouault brûlaient ; les allemands envoyaient des engins
incendiaires pour essayer d’arrêter l’avance des alliés. Déjà dans la nuit
du 1er août, à sains, le château de l’Angevinière avait été
incendié par les S.S., là étaient entreposés tous les postes de radio qui
avaient été requis et des munitions en grandes quantités.
Par
quels engins destructeurs les Allemands avaient-ils fait tant de dégâts,
ils pensaient que l’ennemi avait détourné se rampes de lancement en vue
d’arrêter la percée d’Avranches. Un seul avion allemand en flamme fut
aperçu qui alla s’écraser vers la Normandie.
Le
vendredi 4 août 1944, vers 4 heures du matin, les soldats sortent de leurs
trous individuels et chacun s’affaire fait sa toilette, change de linge,
précaution utile en cas de blessure.
Francis Pelé sort de sa meule de foin.
A
Baguer-Pican, Progression des fantassins, les hommes ont quitté les
camions. Photographie Tony Vaccaro.
Tout
autour d’eux un matériel considérable était rassemblé, dans chaque champ
des batteries de tous calibres, mais surtout dans les champs du Motais, là
où se trouve actuellement le camping, un nombre important de canons de
gros calibres, tout était en place, braqué sur Dol, les hommes à pied
d’œuvre et approvisionnant les obus. Il ne suffisait que donner l’ordre et
Dol devenait Saint-Lô.
Du
Loup Pendu deux jeeps vont en reconnaissance vers Dol, peu de temps se
passe lorsque se fait entendre une mitraillade et des coups de canon de
petit calibre puis le silence. Un char part en reconnaissance jusqu’à la
cote des Bégauds en avant de Dol. Ce char tire alors un obus de 75 sur une
batterie allemande qui répond par un tir et ils voient revenir à son point
de départ ce char qui vient s’arrêter dans un champ voisin. De ce char
éventré, on sortit un américain ayant la cuisse arrachée au niveau du
tronc, il était encore vivant. Ses compagnons quittent le char et y
mettent alors le feu pour le détruire, une chenille étant rompue, afin
qu’il ne puisse tomber aux mains des allemands en cas de repli.
La
libération de Dol s’annonçait mal, l’armée Patton avait bien progressé
dans le pays de Dol puisque de Pontorson une partie de cette armée avait
pris la route de Pleine Fougères, La Boussac, Lanhélin et la foret du
Mesnil ; D’autres éléments se rabattent vers Baguer Morvan, Dol était
encerclé.
L’artillerie américaine est en position à la hauteur de Baguer-Pican prête
à entrer en action. L’infanterie et les blindés sont prêts à foncer sur
Dol et le Mont-Dol. Vers 8 heures, tous les hommes sont dans les jeeps,
les canons « débraqués » pris en remorque, un ordre discret est
communiqué, l’équipe de combat du 330ème commandé par le
colonel Forster reçoit l’ordre de pousser immédiatement sur les côtes, de
foncer vers Dol et d’en déloger l’ennemi. L’attaque doit être lancée pour
10 heures. Une première colonne d’infanterie précédée de quelques chars
s’ébranle. Le 323ème bataillon de campagne doit se tenir prêt
aux priorités de tir d’artillerie du QG à 10h00, en support général du
régiment ainsi que la Cie C du 86ème. La Cie C du 802ème
blindé en support rapproché doit rester disponible pour des missions de
tir direct sur le clocher de l’église de Dol et sur les barrages routiers.
A 9
heures 10, le Général Macon Commandant de la 83ème division
d’infanterie recevra le message suivant du Brigadier Général Ferenbaugh :
«Vous pouvez considérer la ville de Dol comme à vous et vous pouvez
planifier depuis ce point».
Une
Jeep arrive à la Croix de la Feuillade, sur les hauteurs les fantassins
sont déployés. Confirmés du départ des Allemands, ils s’engagent sur deux
rangs, à la file indienne, les véhicules au milieu, dans la rue de Paris.
A 11
heures 50, le 2ème bataillon du 330ème traverse Dol,
à 12 heures 45, le 330ème annonce que son objectif est atteint,
l’opération de nettoyage est encours, à 16 heures 10, Dol est nettoyé.
Francis pelé et quelques autres civils se trouvant là qui avaient hâte de
rentrer dans leurs murs suivent cette troupe aussitôt le terrain libre.
Pas de fumée sur Dol, pas de canonnade. Arrivés à la côte des Bégauds, sur
le bas côté de la route, une grande quantité de bouteilles et de boites de
conserves vides les impressionne.
Les
soldats américains avancent avec prudence mais sans s’arrêter. Encore
quelques centaines de mètres et ils découvrent deux jeeps encore fumantes
entièrement calcinées qui sont dans l’entrée d’un champ. A peu de
distance, à la croix de la Feuillade, un avion de reconnaissance américain
encore fumant gisait disloqué.
S’avançant vers l’une des jeeps il découvre les deux servants restés
calcinés comme des momies, le chauffeur avait son casque percé par un obus
en plein front, son compagnon tenait encore son fusil entre ses mains.
Un
américain passant sur la route descend de sa jeep, et regarde les noms
figurant sur les plaques que chacun de ces militaires possédait, attachée
par une chaîne, autour du cou.
En
rentrant dans la rue de Paris et passant devant le mur antichar , il
regarde les bâtiments que les Allemands avaient incendiés, puis il arrive
au pont de chemin de fer que les Allemands ont fait sauter. Déjà les
hommes de la Cie B du 308ème bataillon du génie étaient sur
place avec un important matériel et commençaient à jeter de grosses
poutres de fer et de bois au-dessus de la voie pour rétablir le passage.
Ils vont rétablir les deux ponts, faire sauter deux barrages routiers et
commencer un enclos pour les prisonniers de guerre.
Deux
colonnes de G.I. progressent dans la ville et passent devant le magasin
Electric-Radio au 50 Grande rue.
Les
derniers allemands venaient de quitter Dol et Francis Pelé réussit à leur
récupérer un vélo.
L’ordre n’a pas été donné à l’artillerie d’entrer en action car il semble
que l’état major U.S. ait été informé que la nuit même les Allemands
avaient quitté Dol.
Dol
est libéré, et dans l’après-midi, les habitants regagnent leurs logis,
heureux d’en être quittes à si bon compte, alors que le pire était à
craindre.
Dol
pouvait, en effet, être un gros obstacle à l’avance de l’armée américaine
en direction de Saint-Malo. En cas de résistance, étant donné les cinq
cents canons braqués sur la ville sur les hauteurs de Baguer-Pican et les
trois cents avions prêts à intervenir, cet obstacle aurait certainement
été anéanti.
Plusieurs personnes pensent avoir été par leurs démarches à l’origine de
cette décision. Il est probable que les Américains furent prévenus en même
temps par plusieurs personnes en des endroits différents. Ce qui est
certain c’est que les archives américaines font état de nombreuses
informations données par des civils au Q.G. du 330ème le 4 août
à Baguer-Pican ainsi que d’un rapport de la police française de Cancale,
policiers guidés vers le P.C. américain par mon beau-père monsieur
Constant Nicolle.
La
libération, c’est le départ des allemands mais aussi la fin de
l’oppression, la fin des contraintes et des privations, de la peur et des
angoisses quotidiennes. C’est aussi le sentiment d’être, d’exister et
l’espoir d’une vie nouvelle.
C’était la liesse sauf pour quelques collaborateurs se faisant huer ou
quelques filles se faisant tondre les cheveux.
Quelques jeunes gens dont Francis Robillard hissent le drapeau tricolore
au sommet de la cathédrale et sonnent les cloches à toute volée. On fête
les libérateurs.
Francis pelé retrouve sa maison dans un désordre épouvantable, en effet,
la veille jeudi 3 août, des troupes venant du front de Normandie et
arrivées les jours précédents à Dol se sont livrées au pillage, mais
c’était la fête. Il s’empresse d’aller chercher sa femme et ses enfants et
sort les drapeaux aux fenêtres pendant que l’armée américaine défilait
sans arrêt prenant la direction de la Bretagne.
Les
bonnes bouteilles cachées que les occupants n’avaient pu découvrir sont
débouchées, tout le monde est ivre de joie et l’on fête les libérateurs.
Sur la
porte de la mairie les Américains affichent que toute personne détentrice
d’un poste émetteur de radio doit le remettre immédiatement aux autorités.
S’exécutant immédiatement il prend sous son bras l’émetteur en sa
possession et montant vers la mairie, passant devant le petit café près du
porche, il se fait héler par un grand gaillard blond qui l’accompagne
jusqu’à la mairie où il dépose son émetteur.
Cet
homme qui se faisant appeler Léo ne lui inspirait pas confiance et il le
remmena dans son café.
L’après midi, il se rend place Toullier au P.C. de la Military Police
installé hôtel des Trois marchands où le Dr Stairmann avait installé son
P.C. de F.F.I. lorsqu’il voit passer cet homme qui l’avait tant intrigué.
Il
fait alors signe au P.M. de faction qui le comprend et va interpeller
l’homme qui était en possession d’un gros revolver.
Son
intuition ne l’avait pas trompé, l’homme en question n’était pas un
aviateur américain comme il le laissait entendre et comme le lui avait
assuré la personne qui l’avait recueilli.
En
effet, vers le mois de juin, la patronne du café est venue lui demander de
réparer un poste de radio et lui confie « j’ai recueilli un aviateur
américain ». Chez cette dame dans la cuisine il voit en effet un grand
gaillard blond avec des vêtements d’aviateur se tenant près de l’appareil
à dépanner ; C’était un magnifique meuble radio phono qui le choqua par sa
présence insolite dans une si modeste maison. Il fait son diagnostic et
dit en allemand « Schouen Spal Kaput » guettant une réaction de ce soi
disant aviateur. Il prévint la dame de sa méfiance et elle le rassura,
l’homme lui montra des photos qui étaient vraiment américaines.
Le
samedi 5 août, c’est la fête qui continue, il y a des passages intenses de
matériel roulant vers Saint Malo. A la mairie on reçoit les vainqueurs,
des fleurs sont déposées au monument aux morts.
Quelques jours après la libération de Saint Malo, se rendant au P.C. des
F.F.I. avenue du 47ème, il entend sous les fenêtres un
questionnaire assez brutal, regardant, il aperçoit son soi-disant aviateur
attaché sur une chaise et subissant la question. Il devait avouer avoir
tué à coup de sabre le grand-père Pansart des autocars de Saint Malo et
avoir cambriolé sa villa.
La
guerre n’est cependant pas terminée, l’Allemagne ne capitulera que le 5
mai 1945.La date officielle de la cessation des hostilités fut le 1er
juin 1945.
La
résistance aida au nettoyage des forêts en capturant les groupes
d’allemands isolés puis continua quelques temps, non plus la lutte contre
les Allemands, mais contre les collaborateurs et contre les ennemis du
peuple.
Des
cérémonies patriotiques exaltèrent la mémoire des disparus, des fêtes
religieuses nombreuses furent suivies par les foules, de nombreuses
statues de la vierge furent érigées en reconnaissance de sa protection.
Les
anniversaires de la libération de la ville furent bien entendu fêtés tous
les 4 août, messe, défilé, cérémonie patriotique avec hommage aux morts,
défilé de chars fleuris pendant les premières années.
Francis Pelé recevra la croix du combattant le 10 mai 1970 à l’occasion du
25ème anniversaire de la libération
Certificats :
Pour
la remise d’un poste émetteur, la Mairie de Dol de Bretagne délivrera un
reçu ainsi libellé :
Le 4 août 1944, reçu de M. Pelé, un poste
émetteur.
Signé : F. Roptin
Maire de Dol.
A l’occasion d’une exposition
sur la résistance, ce poste émetteur sera emprunté à la sûreté nationale :
République Française, Ministère de
L’intérieur,
Direction Générale de la Sûreté Nationale ;
SN/STR/6 N° D. 2.334/6.143.
RENNES, le 23 août 1946.
Note pour M. Pellé :
Le poste émetteur appartenant à M. Pellé Francis, demeurant à Dol de
Bretagne, 50 Grande Rue, est confié à l’intéressé pendant une période de
dix jours, pour lui permettre de le présenter dans une exposition d’objets
ayant servis au maquis.
Ce
poste est actuellement placé sous scellé, sera retourné au C.E.R. par les
soins de M. Pellé.
Rennes, le 23 août 1944
Henri Gremet
Commissaire de Police, chef du G.E.R.
Destinataire : M. Pellé. ( Dossier 6143).
Depuis
personne n’a pu revoir ce poste émetteur et malgré plusieurs demandes de
recherches, il fut impossible de savoir ce qu’il est devenu.
Sources : Archives familiales, notes
manuscrites Francis Pelé.
En savoir plus : Francis Pelé, Un Dolois
raconte la libération, Le Rouget de Dol, n° 46, 2 eme semestre 1984. |