LA BANDE DES
DÉGUISÉS EN FEMMES
Parmi les bandes de Chouans ou de Faux-Chouans de la région, celle qui a
fait le plus parler d'elle, c'est la bande dont certains des membres étaient
déguisés en femmes pour parcourir les campagnes.
Aux Archives Départementales d'Ille-et-Vilaine existe, dans la Série L une
importante correspondance relative à cette bande et à ses méfaits,
retenons-en simplement la partie qui a trait à la commune de LA FRESNAIS.
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Lettre du Maire de LA
FRESNAIS au Sous-Préfet de l'arrondissement de SAINT-MALO, du 29 messidor an
VIII (28 guillet 1800)
Nous apprenons tous les jours avec douleur qu'il se répand dans notre
commune comme dans les circonvoisines des hommes déguisés sous le costume
féminin qui se répandent dans les bleds et attaquent les voyageurs sur les
chemins, leur prennent leur bourse et les menacent de péril s'il en parlent.
Nous qui sommes tous les jours exposés à subir leur fureur en continuant les
travaux agricole dans nos champs et à être la proie de leur rage. Je vous
prie donc. Citoyen Sous-Préfet, de nous seconder dans nos besoins en faisant
passer chez. nous quelques collones de troupe nous leur donneront quelques
renseignements à cet égard mais il faut du secret et ne faire point faire
paraître leur arrivée de jour, nous sommes très décidés surtout un certain
nombre de notre commune à ne point souffrir de pareils brigands chez nous,
car nous avons dé. à trop éprouvés, le temps passé.
J'attends de vous les
secours et les mesures les plus promptes pour la destruction de ces
scélérats.
Salut et Fraternité.
PELE Maire.
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22 juillet 1800
SAINT-MALO, le 3 thermidor an VIII de la
Republique.
Le Sous-Préfet de
l'arrondissement de Saint-Malo au Préfet du Département d'Ille-et-Vilaine.
Citoyen Préfet,
Une bande composée de
12 à 15 brigands parcourent tes communes de La Fresnais, Hirel, Le Vivier et
Mont-Dot situées dans le Marais de Dol. Depuis quinze jours je tiens la
gendarmerie en mouvement avec un détachement de 40 hommes de troupe de ligne
mais jusqu'ici leurs recherches ont été inutiles. Ces scélérats trouvent une
retraite assurée dans la grandeur des bleds ou ils se cachent le jour. Ils
attaquent, volent et maltraitent les voyageurs plusieurs sont déguisés en
femmes, ils n'ont qu'un ou deux fusils entre tous: ils inspirent la terreur
parmi les habitants. Dans la nuit du 29 au 30 messidor, ils voulurent
enfoncer la porte du maire de Hirel et un coup de fusil qu'il
lâcha les fit prendre la fuite.
D'après de nouveaux renseignements que je me suis procuré, j'attends demain
quelques personnes de La Fresnais que je me propose d'employer comme espions
et de les donner pour guide à la gendarmerie qui demain partira déguisée en
paysans avec des pistolets et des briquets, je ne, connais que ce moyen
d'atteindre les brigands avant la coupe des bleds, mais je ne dois compter
sur les espions qu'autant qu'ils seront grassement payés.
Veuillez nous mettre de suite une somme quelconque à ma disposition.
Il est d'autant plus
urgent de détruire ce noyau qu'on présume que quelques émigrés s'y sont
réunis.
Salut et Fraternité
BOULLET.
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4 thermidor an VIII
(83 juillet 1800).
Lettre du Sous-Préfet
as Saint-Malo
au citoyen D'HENEIN, lieutenant de gendarmerie commandant les brigades de
l'arrondissement de Saint-Malo.
La sûreté exige la deffection de douze ou quinze brigands qui parcourent les
communes du marais de Dol attaquent volent et maltraitent tes voyageurs.
Jusque......?........
les mouvements que nous nous sommes donnés pour atteindre cette bande de
scélérats ayant été infructueuse, je pense qu'il convient de changer
de forme. Peut-être qu'en organisant la gendarmerie et les militaires qui
coopèrent à la poursuite et aux recherches réussirons-nous mieux ; mais
alors, il faudra être bien sûr des hommes qu'on emploiera.
Vous pouvez les assurer ainsi que les citoyens qui vous seconderont que je
ferai récompenser généreusement leur zèle..
Je vous invite donc, citoyen, et autant que besoin je vous requiert de
prendre les mesures qui vous paraîtront les plus propres à vous assurer des
personnes de ces brigands s 'en rapportant à votre prudence sur les
moyens d'exécution.
Vous trouverez ci-joint une note instructive sur la marche des brigands et
les lieux qu' ils fréquentent...........
NOTE : Lieux soupçonnés
pour les rendez-vous des douze ou quinze brigands qui parcourent déguisés,
partie en femmes, les communes de La Fresnais, Hirel, Mont-Dol et
Baguer-Pican,
chez Henri LEPINAI à la
Ville Huet au Haut Pont
chez Jean DUPUIS, au
village es DUPUIS en Hirel
à la métairie des
RIVIERES, commune du Vivier
au Vivier, chez Jacques
GRARD, cabaretier
chez la veuve de Jean
PINSON, au Feudeuil, près la Brüere en Hirel..
Marche que tiennent te
plus fréquemment les brigands: prendre depuis Hirel jusqu'au Haut Pont en
suivant le chemin du bas marais, ils s'arrêtent au Haut Pont chez LEPINAI
ils traversent ensuite la grande route, de Saint-Malo à Dol, (route du
Vivier à Dol) s'engagent dans le chemin conduisant au pied du tertre de
Mont-Dol y de là,ils côtoient le pied de la montagne vers midi et se rendent
à la métairie du Portail.........ensuite ils gagnent Baguer-Pican ou
Pontorson.
Les points de réunions sont dans les maisons ci-dessus désignées sur les
heures du soir.
Les creux de fossés étant à sec, ils marchent dedans sans être vus on y
trouve les traces de leurs
pas. Quelques fois ils vont
coucher avec les gardiens de chevaux dans les
près, le jour ils se cachent dans les bleds ; ils n'ont qu'un ou deux fusils
mais des pistolets pour toutes armes.
Le plus sur moyen de les atteindre ce serait de travestir les militaires et
gendarmes en paysans.
Le Sous-Préfet de Saint-Malo: BOULLET.
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28 Juillet 1800
Le Sous-Préfet de l'arrondissement de Saint-Malo
au Maire de Dol
du 9 thermidor an VIII.
Je ne connais d'autres moyens efficaces d'atteindre la bande de brigands
qui parcourent les communes du marais que de détruire le noyau à l'instant
ou il se forme que d'organiser un espionnage indispensable.
En conséquence, j'écris au Préfet de mettre quelques fonds à ma disposition.
Si vous pouviez m'indiquer quelques personnes propres à ce genre de service,
vous m'obligeriez.
Je ferai payer généreusement, surtout si nous pouvons réussir à faire
arrêter ces coquins.
Demain, j'attends quelques personnes des communes infestées, sur laquelle on
m'assure que je peux compter et de suite je mettrai la gendarmerie en
mouvement sous un costume qui vous sera connu.
J'ai déjà transmis à l'officier l'itinéraire de leur marche, mais il faut
absolument qu'ils soient guidés par quelqu'un du pays.
BOULLET.
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11 thermidor an VIII
(30 juillet 1800)
Sûreté générale au
général WIRION, inspecteur de la Gendarmerie
Citoyen général
Je m'empresse de vous faire part d'une lettre que je viens de recevoir du
Sous-Préfet de Fougères par laquelle il m'apprend que le rassemblement qu'on
avait cru voir aux environs de Dol n'est autre chose que quelques militaires
qui ont traversé le marais avec des filles de mauvaise vie pour se rendre
dans le département de la Manche. C'est ce qui a fait dire que les brigands
étaient déguisés en femmes.
Ceux qui ont commis quelques vols dans ce canton ne sont qu'au nombre de
trois ou quatre.
Vous voyez, citoyen général,qu'il est souvent dangereux de juger les choses
sur les premiers rapports.
signé: illisible.
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31 juillet 1800
Au quartier général de Rennes, le 12 thermidor an VIII de la République
française une et indivisible.
BERNADOTTE, Conseiller d'Etat, Général en ohef
au Citoyen BORIE Préfet du Département d'Ille-et-Vilaine.
On vous a trompé, citoyen Préfet lorsqu'on vous dit que les prétendus
brigands déguisés en filles n'étaient autres que des soldats déserteurs. Les
rapports qui me sont parvenus, ceux du sous-préfet de Saint-Servan et du
Maire de Mont-Dol, l'assassinat commis sur la personne d'un vieillard
octogénaire habitant de Cherrueix attestent qu'il existe réellement une
bande de scélérats dans les environs de Dol.
La voix publique accuse le Maire de la commune de Mont-Dol; il a exercé dans
la malheureuse affaire qui vient d'avoir lieu des cruautés dignes d'un
cannibale.
Veuillez me mander, citoyen Préfet si vous avez donné des ordres nécessaires
pour la poursuite de ce délit car dans le cas contraire, j'en remettrai de
suite la connaissance aux tribunaux compétents.
Je vous salue fraternellement J.
BERNADOTTE.
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Toutes ces lettres sont extraites de la Série L des Archives Départementales
d'IIle-et-Vilaine.
Cette histoire se terminera par la tragique méprise du Mont-Dol avec
plusieurs morts et blessés.
BRIÇAUD, 128..........
"en 1800, plusieurs
assassinats furent commis dans les communes de La Fresnais, Le Vivier,
Cherrueix, Hirel.
La terreur fut grande dans les campagnes riveraines de la baie du Mont Saint
Michel, dans un pays s. favorable aux embuscades, les marais offraient de
faciles retraites.
L'été de 1800 était vraiment torride et la chaleur accablante de thermidor
(juillet) dans cette région difficile rendait toute poursuite rapide fort
difficile.
Les troupes se déguisent en paysans et ce fut la méprise du Mont-Dol, où le
maire tira sur une bande les prenant pour des chouans, plusieurs furent tués
ou blessés........,"
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