Histoire en Pays Dolois  

Quelques pages d histoire locale

Dol, occupation, libération, 1939-1945

 

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Le maquis de Broualan

Source : Le Rouget de Dol. Cahier n° 1 – 1946

Le bois de Buzot en Broualan fut, pendant la guerre, le cœur de la résistance au Pays de Dol. Les Allemands et leurs aides n aimaient pas ce maquis, naturellement, mais certains Français en ont dit du mal. Nous le défendrons : on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs ; un maquisard qui vole une poule en passant est comme un oiseau utile qui croque des cerises pour se récompenser lui-même et ce réfractaire est cent fois plus honorable que le mouton qui ne faisait rien : il a cherché à paralyser l'ennemi et à hâter la victoire. Honneur aux braves insurgés ! Contre la tyrannie, la révolte est le plus sacre des devoirs.

Dès l'été de 43, beaucoup de réfractaires de la cote se réfugient au château de Landal

En avril 44, le commandant Fabien, chef de la Résistance de 1’Ouest organise à Rennes, le 1er Régiment Mobile Breton. Les groupes F.T.P. de la région malouine doivent se replier sur le bois de Buzot pour y former une plateforme de harcèlement et de liaison en vue du prochain débarquement des Alliés. Les chefs de Saint-Malo, Jouan, Marguerite, Delaigue et Rolland installent le nouveau maquis. Auguste Delaigue, réfugié au village de la Lopinière, offre sa maison pour servir de cuisine, et Mme Delaigue sera le cordon bleu des réfractaires.

Rolland, Brune, Boulain et Steiss, de Paramé, s'occupent du ravitaillement.

Tout un groupe, avec Bernard et Hucet, avec des armes, est cueilli en rejoignant le maquis et la matraque joue. Le Commissaire de St-Malo le sauve en téléphonant que ces hommes sont en mission spéciale.

D'autres groupes gagnent le maquis : les Francs-Tireurs et Partisans de Saint-Malo, Dol, Cancale, Miniac, Saint-Méloir, Pleurtuit, Dinard, Dinan, Saint-Briac, Ploubalay, ouvriers, marins, étudiants, toutes classes confondues dans la même insurrection.

La discipline se relâchant, l'adjudant Lambert, de Cuguen, boulanger à Broualan, prend le commandement. On s'organise.

Guérin, le forgeron d'Epiniac, ravitaille le camp en vêtements, matériel et spirituel, puisqu'il donne les nouvelles de la radio libre.

Un brave.

Les copains de Combourg promettent des armes. Eu attendant, on garde le camp pendant trois semaines avec des bâtons.

On fait des cabanes, des lits de branches, des chemins de rondins.

A Antrain, le commandant Adam et le capitaine Anger veillent sur les maquisards et leur fournissent bien des choses pour subsister.

Un mal peigné, un peu chapardeur, Nic, dont le vrai nom est.Havel, entraîne les hommes par tous les temps. C'est un original que tous respectent. Il porte un grand christ sur la poitrine.

Parmi les gas du maquis, citons le sergent-chef Toggourt, Raymond Savouré. Celui-ci savait « emprunter » un vélo même dans une gendarmerie.

Loulou, le commandant Pétri, de Rennes, un gas qui n'a pas froid aux yeux et qui commande à Rennes les insurgés de six départements envoie ses ordres par une charmante agent de liaison, Josette, pour les beaux yeux de qui les Allemands balourds transportent par galanterie de lourdes valises pleines de... mitraillettes.

Vient le débarquement. Du 10 au 12 juin, une cinquantaine de francs-tireurs évacuent Broualan pour Lignières, dans la Mayenne, où l'on se bat. Savouré rentre à Broualan.

Le sang coule. Un soir, un milicien est abattu.

 

Et le 20 Juin c'est le drame de Cuguen. Deux imprudents tuent un Allemand. L'alerte est donnée et une section ennemie survient fait évacuer le bourg, entasse tout le monde dans l'église. Les femmes et les enfants criant attendent d'une minute à l'autre l'incendie, comme à Oradour... Par bonheur, les Allemands ne brûlent que l'école. Quel soupir de soulagement poussent les malheureux terrorisés à l'ouverture des portes. Un boucher de Saint-Léonard déclare : « II y a bien longtemps que je n'avais pas prié le Bon Dieu !... »

 

La ruche essaime. Auguste Delaigue fonde le maquis de la forêt de Haute-Sève, à Saint-Aubin-du-Cormier.

Fin juin, le rassemblement des cent maquisards de Buzot est considéré comme dangereux et il faut décrocher rapidement vers la Mayenne. Quelques éléments restent sur place.

 

Le 6 juillet, à 9 heures, un inconnu insiste pour avoir la liste des hommes que l'adjudant Lambert refuse de donner.

— Bien ! Je vois que ce n'est pas la peine d'insister. Je vais aller trouver le chef...

Tous les papiers sont remis au sergent Georges Rivière, de passage, pour être transmis aux chefs d'Antrain. C'est ce Rivière, qui tombera glorieusement le 1er Août, à la libération d'Antrain et Saint-Ouen-la-Rouerie.

A midi, quatre hommes suspects sont signalés au bourg de Broualan et le camp est mis en alerte par Lambert. Mais on ne croit pas au danger. Le chef et trois hommes Doré, Rouillet et Pasquet couchent au bourg.

Peu après minuit, des coups de feu partent dans la direction du camp. Les cuisiniers et ravitailleurs de la Lopinière se tiennent sur le qui-vive. Les munitions, des grenades tenues en réserve ne sont plus là ; la veille on les a cachées.

A la pointe du jour, deux hommes vont aux nouvelles au camp du bois, à 1 kilomètre. Personne ! Les gas attaqués à la grenade se sont replies sur Antrain. Et un homme de Plerguer, père de cinq enfants, est interpellé par des civils armés qu’il prend pour des maquisards

Que viens-tu faire ici ?

Je viens avec les copains, pour tuer les Boches !

Les policiers s'emparent du pauvre diable qui paiera pour les disparus.

La ferme a été surprise par les miliciens, comme le bourg de Broualan. Ils sont au moins 150 contre quelques hommes désarmés, dont une vingtaine en uniforme allemand, armés de mitraillettes, revolvers et mousquetons.

Il y a là de beaux échantillons de la collaboration : Roger le Neuf, de Neuville, 32 ans, inspecteur de la Milice, ancien chef de centaine au groupe de Constanzo ; Jacques André, 29 ans, chef de l'Intendance à la direction régionale de Rennes et franc-garde de la milice chargé de la propagande et du recrutement ; le bourreau et pillard Schwaller ; René Guindé, 29 ans, chef de dizaine et instructeur à Rennes ; le milicien Lemaréchal, 29 ans, de Pleine-Fougères.

Le Neuf interroge, cravache à la main, les habitants du bourg. Le Bellier abat Jean Lebois, Joseph Hue. Madame Billet, sœur de Lebois, qui est en situation, est blessée grièvement et souffrira quinze jours avant de mourir.

A la Lopinière, la cuisine et la ferme Legrand sont incendiées et les bandits satisfaits font un bon repas dans une ferme voisine.

Les bourreaux multiplient les interrogatoires des maquisards, avec la brutalité de règle.

Vers midi, l'adjudant Jean Lambert, Maurice Couriol, Armand Pasquet, Joseph Lemonnier, René Hucet, René Capitain, Michel Renaud ainsi qu'un parachutiste canadien sont traînés, torturés, emmenés en car à Saint-Remy-du-Plein où les brutes, après de nouvelles cruautés, surtout pour le malheureux Capitain, de Saint-Malo, les tuent et les précipitent dans une carrière sur la route de Bazouges.

 

Un cri d'horreur s'élève de toute la contrée. Les témoins des crimes de Saint-Rémy, Bourdet père et fils, Guelet Louis et Albert Lair, relâchés parce qu'ils ne figuraient pas sur la liste des maquisards trouvée par les miliciens, donnent des détails du drame sanglant. La belle figure de René Aucet qui souffre et meurt sans une plainte, drapé dans sa couverture, entre déjà dans la légende.

Le 20 juillet 45, une première cérémonie du souvenir a lieu à Broualan, présidée par le commandant Pétri, et le ministre Diethelm.

 

En 45 et 46, les principaux bourreaux de Broualan ont reçu le châtiment de leurs crimes : Claude Garavel, le radio-électricien normand, militant du Groupe d'Action du P.P.F, de Rennes, ce mouchard qui avait dirigé l'enquête de détection du maquis est condamné à mort avec Le Neuf de Neuville et Schwaller, par la Cour de Justice de Rennes. Le pleine Fougerais Lemaréchal, inculpé d'intelligences avec l'ennemi est condamné aux travaux forcés à perpétuité et à l'indignité nationale à vie. Et ce marseillais René Guindé, qui par crainte ou remords, déserte la Milice après l'expédition de Broualan et veut s'engager dans les spahis pour se réhabiliter un peu, échappe ainsi à la peine de mort.

Le 18 juillet 46, le brave commandant Pétri réunit à La Boussac les militants F.F.L, F.N. et F.T.P. des cantons de Dol, Antrain et Pleine-Fougères pour organiser la Fête du Maquis, destinée à rappeler la mémoire des héros.

Et le dimanche 28, dans le petit bourg de Broualan, pavoisé, la cérémonie commence par une messe à la mémoire des morts dans la vieille église historique. Puis sur la place, deux sections du 4le d'infanterie commandées par l'adjudant-chef Bernard, ancien maquisard de Buzot, rendent les honneurs autour du Monument pendant que le glorieux commandant Pétri décore de la croix de guerre : Brafait Pierre, Delaigue Auguste, Provost Guy, Brûlé Henri, Beaulieu Joseph, Constant Pierre, Lemarchant, Jehan René, Thomas Charles, Guillot Jacques, cités à l'Ordre de la Division ; Marguerite Jacques, Mme Delavigne, Legrand Albert, Genouvrier Jean, Fouglé Emile Subie, Logeais Eugène Briand Serge, Béranger René, Davy Jean, Lourmais Joseph, Le Quellec Antoine, Guelé Gérard, Moncel Romain, Fenice William Porcher Jean, Bellier, Letertre Pierre, Allain André, Boulay Louis, Thomas Charles, Gys Robert, Legendre André.

Puis c'est le cortège vers le bois de Buzot où une plaque de marbre porte en lettres rouges l'inscription suivante

 

EN CE LIEU, SUR LES ORDRES DU COMITE MILITAIRE

FRANÇAIS DES FRANCS-TIREURS ET PARTISANS

FRANÇAIS, SE CONSTITUA EN MAI 1944, UN MAQUIS

SERVANT DE PLATEFORME AUX GROUPES MOBILES

DES FRANCS TIREURS QUI ONT COMBATTU EN

NORMANDIE POUR LA LIBÉRATION DE LA FRANCE

 

La capitaine Anger, le commandant Pétri, le Sous-Préfet de Saint-Malo Savreux, et les représentants des ministres de l’Armement et des Combattants rappellent l’histoire du maquis, exaltent le souvenir des héros et parlent de concorde.

Une foule de mille patriotes assiste à l'inauguration de la plaque;

 

Un haut-parleur automobile diffuse sous les futaies du bois les airs de la Marseillais et du Chant des Partisans :

 

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur la plaine

Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu'on enchaîne

Ohé partisans, ouvriers, paysans, c'est l'alarme'

Ce soir, l ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes'

 

L’après midi des milliers de personnes visitent ce lieu historique et le soir, dans la nuit claire, s’élèvent des gerbes de fusée, symbole de la flamme du souvenir.

 

Source : Dol indomptable et rebelle, Tony Le Montreer, 1946.

 

Déportés et résistants du Maquis de Broualan

BOHON Eugène. Né le 13 juin 1918 à Betton (35). Il entre dans le groupe FTP de Louvigné-Dingé et participe à différentes missions aux maquis de Broualan et de Haute-Sève. Il est chargé de convoyer les éléments F.T.P. et assure le transport des armes parachutées et récupérées. Nommé chef de groupe à Dingé, il participe à une action dirigée contre les soldats allemands garde-voies, dont l'un est tué (région de Combourg). Il est arrêté à Rennes par la gestapo le 27 juillet 44 à Rennes. Déporté le 2 août 44 de Rennes vers Belfort (Train dit de Langeais).

BOHUON Francis. Né le 26 juin 1911 à Servon-sur-Vilaine (35). Membre depuis août 1943 du réseau de résistance F.T.P. Après avoir fait partie des maquis de Broualan, puis de Saint-Marcel, il est arrêté par la Gestapo, au domicile de sa soeur, 9 rue Hoche, à Rennes le 22 juin 1944. Interné à Jacques Cartier, après avoir été interrogé par la Gestapo. Il est fait partie du dernier convoi qui quitte Rennes le 3 août 1944. Arrivé à Belfort, il est libéré au Fort-Hatry le 26 août 1944.

CONHUET Louis. Né le 16 octobre 1898 à Dol-de-Bretagne, il entre dans la Résistance, activité à Dol-de-Bretagne et rejoint le maquis de Broualan. Il participe à la propagande anti-allemande. Il est arrêté par la milice le 7 juillet 1944, dans les bois, aux environs du maquis de Broualan, après l'investissement du maquis; il est libéré le 3 août, rejoint le secteur de Dol-de-Bretagne, où il participe aux opérations de nettoyage. Surpris par l'ennemi, il est tué à son poste de combat.

LELOSTEC André. Né le 3 juillet 1924 à saint-Servan. Il fait partie de la Résistance de juin 44 à août 44. Il rejoint le maquis de Broualan en juin 1944. Il participe à des actions de guérilla dans le nord de l'Ille-et-Vilaine. Volontaire pour les missions dans les lignes allemandes, il trouve la mort au cours d'un engagement à Saint-Armel en Ille-et-Vilaine.

LENEVETTE Roger[2], retrace son engagement dans la Résistance dans le groupe de Vieux-Vy-Sur-Couesnon. Il participe aux premiers parachutages et vit les journées de la Libération dans le pays. Il raconte son baptême du feu, l'arrestation d'Yvonnick Laurent, la traque des Allemands, la poursuite du combat dans les F.F.I.


 

mise à jour : 11/08/2008