Généalogie et Histoire en Pays Dolois

Quelques pages d histoire locale

Les anciennes familles de Pleine-Fougères.

Histoire de Pleine-Fougères

Les Anciennes Familles.

L'histoire que nous avons entrepris de relater serait incomplète si nous ne disions au moins quelques mots des anciennes, familles de Pleine-Fougères,

Déjà, au sujet des Seigneuries nous ayons eu l'occasion de parler de quelques-unes d'entre elles, mais ces familles de Seigneurs n'étaient qu'une minorité ; nous voulons maintenant présenter celles qui formaient l'ensemble de la population.

Cet article intéressera d'autant plus, nous l'espérons, que la plupart de ces familles ont encore des descendants dans la paroisse.

Nous commencerons par celles qui nous, semblent les plus anciennes et dont nous relevons les noms aux dates les plus lointaines dans les documents qui sont à notre disposition.

La famille Lambert était très nombreuse, au temps jadis, dans la paroisse. Elle y possédait d'importantes propriétés notamment à Champlambert, à Villevrard, à Beaurepaire. Cette famille comptait un grand nombre de branches que l'on distinguait chacune, suivant la coutume du temps, par un surnon ou sobriquet, tiré ordinairement des propriétés qu'elles habitaient, mais quelquefois aussi de leurs vertus, de leurs prétendus défauts ou de leurs métiers ou commerce. La grande situation des Lambert leur valait de la considération, et les châtelains du pays ne dédaignaient point de rechercher leur alliance. Ainsi, en 1680, Gabriel du Breil du Plessix, demanda la main de Catherine Lambert, et, bien avant, Georges Lambert avait obtenu en mariage Perrine de Saint-Gilles.

Parmi les principaux membres de cette famille nous remarquons Guillaume Lambert, sieur de Champlambert, avocat et sénéchal du Plessix en 1651, puis quelques prêtres : Gilles, qui était vicaire de la paroisse en 1673 ; Julien, de Beaurepaire, qui chanta sa première messe le 19 avril 1654 ; et Gabriel qui devint recteur de Cendres et mourut à Villevrard. en 1786.

La famille Bienvenu ne semble pas moins ancienne sur notre sol. Elle fit plusieurs fois alliance avec des familles nobles, notoirement avec les De la Noë et les de La Boue-xière. Nous trouvons chez les Bienvenu des prêtres, des cultivateurs, plusieurs notaires et sénéchaux. Pierre fut ordonné prêtre vers 1580 ; Gabriel fut recteur de Pleine-Fougères en 1613 et devint ensuite notaire apostolique à l'êvêché de Dol. Parmi les magistrats issus de cette famille nous remarquons : Mathurin, sénéchal de Montrouault, marié en 1654 à Françoise Bienvenu, puis à Jeanne Guerche en 1679, et qui eut seize enfants dont François qui fut prêtre, et Félix qui devint également sénéchal de Montrouault. Thébaut, fils de Félix, fut lieutenant de Dol et avocat au parlement.

Les registres paroissiaux mentionnent aussi comme établies à Pleine-Fougères à la fin du xvie siècle les familles; Bouvier, Palluel, Duines, Gaslain, Barbot et Richard.

Robert Bouvier épousa Jeanne Richard en 1607. Ils eurent pour fils Laurent, avocat, qui mourut à l'âge de 24 ans. Sa pierre tombale que l'on peut voir dans, l'église auprès de la balustrade du chœur porte encore lisiblement cette inscription : « De par nobles personnes Robert Bouvier et Jeanne Richard sur L. Bouvier, leur fils, avocat à la Cour-»

Un Robert Palluel, prêtre, célébra sa première messe le2 octobre 1575. Guillaume Palluel était greffier, procureur et notaire lorsqu'il épousa, à 24 ans, le 16 février 1676, Marie Bienvenu.

BPPF, janvier 1923, (A suivre).

La famille Duînes, elle aussi très ancienne dans la paroisse, eut le grand honneur de donner à l'église un saint prêtre dans la personne de Jean Duines, recteur de Roz-sur-Couesnon en 1631. C'est lui qui accueillit et reçut dans son presbytère le Vénérable Jean de Saint-Samson, lorsque celui-ci vint évangéliser et sanctifier cette contrée. Jean Duines fut lui-même un modèle de grandes vertus ; il fonda un hospice auprès de sa demeure et, avec sa sœur, il soignait les malades, il pansait leurs plaies en même temps qu'il sanctifiait leurs âmes. Il mourut le 4 septembre 1656, laissant une grande réputation de sainteté. — Guillaume Duines épousa noble personne Perrine de la Nôë vers 1665, dont il eut un fils Gilles qui fut « officier de juridiction inférieure. » Suzanne Duines fut mariée à Jacques, de Sceaux, seigneur de Villebermont ; elle mourut en 1769, âgée de 61 ans.

Guillaume Gaslain appartenait à une famille déjà très répandue au xvie siècle. Il épousa Jeanne Palluel en 1598. Parmi ses descendants nous relevons le nom de François, notaire et procureur en 1685. Pierre, également notaire et procureur, mourut en 1740, âgé de 38 ans. Cette famille donna aussi des prêtres, parmi lesquels. Jean, cité dans un acte en 1578, et Guy, mort en 1685 et inhumé dans l'église auprès de son oncle G. Gauthier.

Originaire de La Boussac, Guillaume Barbot s'établit à Pleine-Fougères en 1598, et sa descendance s'y est perpétuée. Elle se glorifie d'avoir donné noble Maître Guillaume, avocat à la Cour, mort le 5 mai 1685, laissant de nombreux garçons qui ont étendu le nom de la famille.

Les Richard sont une autre grande famille de la paroisse. Ils étaient nombreux et considérés, et aussi bien nommés, car ils possédaient de nombreuses propriétés qui portent encore leur nom. Ils descendaient de Guillaume Richard, sieur de la Croix, marié à Jeanne Dalimier en 1598. Parmi les membres de cette famille on compte, au cours des xvire et xviiie siècles, un grand nombre de notaires, et des prêtres réputés pour leurs vertus et leur charité. Pendant l'époque de la Révolution, un Julien Richard fut colonel de la Garde.

Il est fait mention, vers la fin du xvie siècle, d'un prêtre originaire de la paroisse nommé Gabriel Gauthier. Un autre prêtre de la même famille et portant ce même nom de Gabriel fut longtemps vicaire à Pleine-Fougères. Il mourut en 1675 et fut inhumé sous la tour, devant l'autel
de Saint-Sébastien « où il avait fait placer sa pierre tombale où étaient ses ancêtres. » Cette famille Gauthier donna encore deux autres prêtres et aussi un avocat, Jacques, dont il est question en 1655. Jean Gauthier est dit arpenteur royal en 1660.

BPPF, février 1923, (A suivre).
 

II est question de la famille Renault, en 1602. Me Gilles Renault, prêtre, légua, par son testament daté du 28 août 1608, au profit de l'Eglise une pièce de terre contenant environ un journal et demi, située dans la Champagne de Coquerel et nommée la charrière. D'après les dispositions du testateur, ce champ devait toujours appartenir à l'aîné de la famille, à charge pour lui de faire acquitter les messes des fondations qu'il avait faites à l'église. A cette époque la famille Renault se composait de deux branches principales, celles de la Croix, représentant la branche aînée, et celle de Villemarie. C'est une preuve que cette famille était déjà depuis de longues années dans le pays.

La très ancienne famille Brune, dont une branche, croyons-nous, fut anoblie et obtint la seigneurie de Montlouet, donna aussi un prêtre dont il est question en 1660.

On a déjà parlé de la famille Leloup, très ancienne également à Pleine-Fougères. Julien y avait épousé, vers 1570T Roberde Lebreton. Robert, sieur de Villebermont, fut marié à Jeanne Bouvier en 1590. Parmi sa nombreuse descendance nous relevons le nom de Georges, ancêtre de la branche du Val-aux-Bretons, puis les noms de deux prêtres et d'un clerc tonsuré. Les Leloup firent plusieurs fois alliance avec les familles de Cherrueix, de la Noë et de Camprond. La plupart de leurs, mariages furent célébrés dans la chapelle du Val qui leur appartenait.

BPPF, mars 1923, (A suivre).

La famille des Le Breton, venue de Saint-Georges, posséda à peu près seule, jusqu'au commencement du xvue siècle, le village du Val, qui d'ailleurs a conservé leur nom. Leur fortune passa ensuite par alliance dans la famille des Leloup.

Maître Pierre Olivier, sieur de La Lande et de Villevrard, épousa, vers 1625, Jeanne Gaslain. Il eut pour fils Jean, marié à Julienne Guerche en 1651, qui fit construire le manoir et la chapelle de Villecunan et fonda la branche de ce nom. Parmi les Olivier de Villecunan nous relevons le nom d'Hyacinthe, sénéchal du Chatellier, qui eut dix enfants. L'un de ceux-ci, Jean, fut prêtre ; une fille, Georgine, se maria en 1700 avec Malo de Saint-Gilles ; un autre, Jacques, né en 1688, épousa Anne Grohan et continua la branche de Villecunan. Ce Jacques eut un fils nommé Malo, né en 1717, et qui devint avocat.

Nous trouvons encore parmi les Olivier deux autres branches ; celle de Villevrard, fondue dans la famille Lambert, et celle de la Sauvagère, éteinte à la fin du xviiie siècle.

La famille Pigeon, venue de La Boussac, s'établit à Pleine-Fougères au xvn° siècle et sa descendance s'y est perpétuée.

Gilles Busnel, prêtre, est mentionné en 1578. Un autre membre de la même famille. Jean, fut prêtre aussi et célébra sa première messe à Sains, le 12 mai 1619 et devint recteur de Pleine-Fougères, en 1631. Au siècle suivant, quelques membres de cette famille se fixèrent dans notre paroisse.

Quelques autres familles apparaissent au cours des xviie et xviiie siècle dont les noms se sont conservés jusqu'à nos jours, notamment les familles Jenouvrier, Auvré, Lemaréchal, Guyon, Bigot, Jan, David et Jus. Citons les principaux personnages qu'elles ont donnés.

Marin Lemaréchal fut chirurgien à Pleine-Fougères vers 1680. Jean Bigot, sieur du Léez, sénéchal du Plessix et de Montlouet, épousa Denise Richard et mourut en 1751, laissant une nombreuse postérité. Toussaint Jan du Vaudemaire, originaire de Saint-Broladre, s'établit chez nous en 1745 et de son mariage avec Jeanne Jus naquirent plusieurs enfants. Les David étaient originaires de Normandie, ils vinrent à Pleine-Fougères au cours du xvme siècle. En 1598 on les trouve à Saint-Senier-de-Beuvron. Chez nous cette famille donna noble Maître Hyacinthe David, sieur de Villée de Saint-Georges, avocat au Parlement et l'un des volontaires qui se trouvèrent à l'affaire de Saint-Cast, combat où fut repoussée une descente anglaise, en 1758.

Quant à la famille Jus, elle donna M. Jus, premier maire de Pleine-Fougères, pendant la Révolution, (Guillaume Jus, prêtre, originaire, fut cité en 1579-1588).

BPPF, juillet 1923
 

Histoire de Pleine-Fougères

CHAPITRE III

L'Époque Révolutionnaire

Nous sortirions du cadre de notre récit si nous voulions énumérer toutes les causes qui ont amené la Révolution.

Disons seulement que le besoin général de réformes qui se
faisait sentir par toute la France pesait également chez nous. ]La dîme, le champart, la chasse et les colombiers (Les corvées, le champart, les garennes et les colombiers, les obligations de services militaires) étaient surtout l'objet de continuelles réclamations. Ces charges, en effet, étaient devenues plus lourdes par suite de l'augmentation des impôts royaux et de plusieurs années de disette.

Un malaise régnait entre les différentes classes de la société. Deux faits, passés à cette époque a Pleine-Fougères, montrent jusqu'où en étaient arrivés certains (quelques) esprits.

Un soir d'hiver un cultivateur de Rolande, armé d'un fusil s’en alla par le marais se poster devant le château de Montlouet et par une fenêtre tira sur le seigneur occupé à son bureau de travail. La balle éteignit seulement la lumière et alla se perdre dans les lambris. Faute de preuve le coupable ne put être arrêté. L'autre fait fut provoqué par les prétentions orgueilleuses du seigneur du Plessix. Ce châtelain exigeait, paraît-il, que ses vassaux, lorsqu'ils venaient payer leurs redevances, se missent à genoux en disant : « Seigneur du Plessis, recevez vos rentes. ». C'était là un simple acte de déférence, conforme à l'esprit du temps, et, il faut l'avouer, si les sujets du Plessix n'avaient d'autres reproches à adresser à leur seigneur, cela ne les aurait pas empêchés de vivre heureux. Un certain Jean Renault, de la Louvrie, avait refusé de se plier à cet usage. Le châtelain s'apprêtait à lui faire donner la correction lorsque Renault, montrant le gourdin qu'il tenait dans la main, déclara qu'il allait se défendre. On le laissa alors aller tranquille.

Ces faits marquent l'état d'esprit de quelques (ces deux) exaltés, non celui de la population en général qui en voulait aux privilèges et non pas à la personne des nobles. D'ailleurs la noblesse, comme le clergé, était généralement respectée et aimée. Dans nos campagnes ces deux ordres qui vivaient au milieu des paysans, partageant souvent leur gêne et leur pauvreté, se montraient disposés à faire droit aux réclamations de ces derniers. Les paysans savaient qu'ils pouvaient compter, parmi leurs prêtres et leurs nobles, de chaleureux partisans.

On ne pouvait prévoir dans nos pays, les années troublées et sanglantes qui allaient suivre, lorsqu'un beau dimanche le recteur, M. Plaine, annonça du haut de la chaire la convocation des Etats Généraux pour le mois de mai 1789, en faisant ressortir les motifs d'espérance qui en découlaient. Ce prône lie fut pas le moins écouté ; il délia les langues et tout le reste du jour fut l'objet des conversations.

Une agitation fiévreuse anima tous les esprits pendant les élections des députés et les travaux des Etats. On sait quels furent ces travaux.

Dans la nuit du 4 août, un noble, le vicomte de Noailles, plaida lui-même pour l'abolition des privilèges. Sa proposition fut accueillie avec enthousiasme et, dans une sorte de délire de désintéressement, clergé et noblesse renoncèrent à tous leurs avantages. Cette nouvelle se répandit dans nos campagnes comme une traînée de poudre et y produisit partout une explosion de joie. Pour nos paysans la grande œuvre était accomplie, ils allaient enfin recueillir seuls les fruits de leur travail, amasser pour les années de vieillesse ou former pour leurs enfants un héritage légitimement acquis.

Ce premier vote resserra les liens, qui unissaient la population avec le clergé et ses anciens maîtres, car, selon qu'elle l'avait prévu, c'est parmi eux qu'elle avait trouvé ses plus ardents défenseurs ;Mgr Le Parc, l’abbé Seyes, le comte de Mirabeau, le vicomte de Noailles.

L'Assemblée vota encore deux autres lois répondant aux désirs exprimés dans les cahiers : l'une limitant le pouvoir du roi, l'autre établissant une assemblée législative permanente.

Malheureusement, après les sages réformes, cette assemblée inexpérimentée et dominée bientôt par un groupe d'exaltés, vota aussi pour l'Eglise de France une constitution nouvelle, en contradiction avec les principes catholique, qui fut justement condamnée par le Pape, et qui allait bientôt jeter le trouble dans les consciences, déchaîner les haines les plus sauvages et mettre le pays à sang.

BPPF, septembre 1923, (A suivre).

La Constitution civile pour le clergé de France avait été préparée dans les loges maçonniques. Le but cherché était la ruine du catholicisme en France. On pensait que le meilleur moyen était de rompre le lien qui unissait le clergé au Siège Romain et de créer un schisme ; l'Église de France, privée de cette union qui faisait sa force, serait ainsi plus facilement réduite et dominée.

Dès lors la Révolution entre dans une nouvelle phase, à peu près exclusivement religieuse, et les faits; qui suivront ne sont que les épisodes de la grandie lutte entre l'Église de France et ses ennemis.

Comme le clergé dans son ensemble refusait de se soumettre à la nouvelle organisation, le gouvernement révolutionnaire décida d'exiger de tous les prêtres exerçant le ministère un serment de fidélité à la Constitution.

Le clergé du district de Dol, dont Pleine-Fougères faisait partie, devait prêter ce serment le dimanche 30 janvier 1791. Quelques prêtres étaient encore perplexes. Mais la veille, un humble frère Eudiste, du Séminaire d'e Dol, répandit à profusion dans la contrée une lettre de Mgr de Hercé, évêque de Dol, portant condamnation de la nouvelle constitution. Cette lettre parvint à Pleine-Fougères dans la soirée.

Le clergé paroissial se composait alors de MM. Plaine, recteur, Egault et Dory, vicaires. Tous les trois décidèrent de s'abstenir de prêter serment. Le lendemain, du haut de la chaire, le prédicateur (prêtre) leur fit connaître la décision qui avait été prise et les raisons qui la justifiaient ; il invita ensuite les paroissiens a rester toujours unis a leur clergé, leur évêque et le Souverain Pontife.

La population, venue, nombreuse à la grand-messe, fut émue et se montra résolue à garder cette union et à défendre sa foi envers et contre tous .C'est qu'à cette époque la paroisse de Pleine-Fougères était des plus chrétiennes. Elle avait quelque peu perdu de sa grande ferveur du siècle précédent, mais elle avait encore une vie religieuse intense, entretenue par ces retraites annuelles d'hommes et de femmes qui se donnaient dans; la paroisse.

C'est justement pendant une de ces retraites que les ennuis commencèrent.

A partir du 30 janvier tout prêtre non jureur (1) était déclaré inapte à remplir le ministère. Le dimanche gras, deux Eudistes, appelés par M. Plaine, commencèrent une retraite d'hommes dans l'église. Or, ces prêtres n'avaient point non plus prêté serment. Cette retraite se passa cependant sans incident et dans une grande ferveur. Le dimanche 27 mars, on commença une autre retraite pour les femmes. Mais immédiatement une dénonciation contre les deux prédicateurs fut portée aux administrateurs du district qui prirent aussitôt l'arrêté suivant :

(1) on appelait prêtres jureurs ceux qui avaient prêté le serment à la Constitution civile, et prêtre non jureurs ceux qui avaient refusé le serment.

29 mars 1791.

« Sur ce qu'il a été appris que des prêtres qu'on dit être Eudistes, ont commencé dimanche dernier, 27 de ce mois, une retraite de femmes dans, l'église de Pleine-Fougères ;

« Considérant que suivant les dispositions du décret du 5 février dernier, la prédication n'est permise qu'à ceux qui ont prêté serment et qu'il est à présumer que les directeurs de ladite retraite ne l'ont point fait ; considérant qu'il pourrait être dangereux de laisser à la tête d'une retraite, et surtout d'une retraite de femmes, des réfractaires à la loi et des ennemis de la Constitution, le Directoire, ouï le procureur-syndic, est d'avis d'écrire sur-le-champ, à la municipalité de Pleine Fougères pour lui témoigner sa surprise de ce qu'elle souffre des prêtres réfractaire, aux lois de l'État diriger une retraite, et de l'inviter à communiquer à ces prêtres la présente aussitôt reçue, pour qu'ils aient à désemparer sur-le-champ et à interrompre une retraite que leur désobéissance formelle à la loi ne leur permet pas de conduire ».

(Registre des délibérations du district de Dol).

Effectivement la lettre fut écrite et expédiée. M. Jus, alors maire de Pleine-Fougères, en donna connaissance aux directeurs de la, retraite, mais au lieu de les inviter à se retirer, il les pria de continuer leurs exercices et d'achever le bien qu'ils avaient commencé, les assurant de sa bienveillance personnelle et de celle de la municipalité.

Cette conduite de l'honorable municipalité de Pleine-Fougères n'était pas pour plaire à ces Messieurs du district ; elle ne pouvait guère être plus tranchante.

Cette indépendance de la municipalité et de la population de Pleine-Fougères à l'égard des autorités révolutionnaires se manifesta maintes fois au cours de cette époque troublée. La lutte fut parfois très vive.

La population qui était très religieuse et contente (satisfaite) des réformes opérées, se rapprocha de plus en plus de ses prêtres ; elle n'eut bientôt plus que de l'hostilité pour un régime qui, au nom de la liberté, voulait lui enlever la plus chère de toutes, la liberté de conscience. Nous verrons ces paysans entrer en lutte avec un gouvernement qui les tyrannise et, leur municipalité en tête, résister aux autorités révolutionnaires pour demeurer fidèles, à leurs croyances. Fidèles, ils le furent au mépris de leurs biens et de la vie même, et combien consolant et doux est, pour leurs descendants ! Restés
croyants, Le souvenir de cette fidélité !

BPPF, octobre 1923, (A, suivre).

Le clergé de Pleine-Fougères ne pouvait qu'encourager et affermir la population dans, ses bonnes dispositions. On se prenait même parfois à espérer que, malgré que l'avenir parût bien sombre, « l'ancien état de chose » ne tarderait pas à revenir. En attendant, les prêtres de la paroisse ne négligeaient rien pour éclairer et soutenir les âmes chancelantes et par leurs paroles et par leurs écrits.

La situation devenait critique car déjà quelques prêtres schismatiques exerçaient à Sains et à Saint-Georges. Les prêtres catholiques mirent la population en garde contre ces malheureux. C'était leur devoir.

Mais bientôt les dénonciations commencèrent. Ce furent d'abord le clergé schismatique et la municipalité de Sains qui, au mois de juin, de l'année 1791, écrivaient aux administrateurs du district une lettre dont nous extrayons quelques passages :

« Messieurs,

« Les soussignés ont l'honneur de vous représenter que les trois prêtres fonctionnaires de Pleine-Fougères, le vicaire de Roz-sur-Couesnon et celui de La Boussac avec le chapelain de l'Angevinière, ennemis jurés de la Constitution, ne cessent de publier à leurs paroissiens et même aux nôtres qu'ayant fait le serment civique nous sommes excommuniés et que les sacrements que nous administrons sont autant de sacrilèges...

« Le sieur Egault, vicaire de Pleine-Fougères, traite d'impiétés tous les motifs qu'on a voulu lui alléguer pour justifier le serment civique et va jusqu'à dire non seulement, mais aussi écrire que c'est la crasse du clergé de France qui a fait le serment. Nous l'avons averti, il y a longtemps, de mettre un frein à sa langue et à sa plume, et voyant que tout est inutile nous croyons être obligés de vous en donner avis, etc... »

D'autre part, le curé jureur de Saint-Georges dénonce à la même autorité deux Pères Capucins retirés à Montlouet. L'esprit religieux de Pleine-Fougères, la paix et la tranquillité dont on y jouissait, firent en effet qu'au début de la Révolution plusieurs prêtres catholiques étrangers vinrent s’y retirer (y attira en cette paroisse plusieurs prêtres catholiques étrangers qui y séjournèrent plus ou moins longtemps). Montlouet en reçut au moins quatre. Les deux Pères Capucins pour occuper leur temps faisaient la classe aux enfants et se livraient à la prédiction. Ce fut à la suite d'un sermon donné à Pontorson par l'un de ces Pères que la dénonciation se fit.

Voici en partie la lettre du Curé de Saint-Georges dénonçant ces capucins et indirectement la municipalité de Pleine-Fougères qui les protégeait.

« A Messieurs les membres composant le Directoire et au procureur syndic du district de Dol.

« Expose,

« François Penault, curé de la paroisse de St-Georges-de-Grehaigne,

« Que depuis environ six mois deux ex-capucins d'Avranches habitent le ci-devant château de Montlouet, en la paroisse de Pleine-Fougères. Ces prêtres non assermentés... remplissent deux fonctions très importantes : ils prêchent et enseignent la jeunesse.

« L'exposant ignore si dans leurs leçons aux enfants ils cherchent à leur inspirer la haine contre notre bienfaisante Constitution, mais il sait que dans leurs sermons ils ne la ménagent pas.

« L'exposant aurait porté plainte à la municipalité de Pleine-Fougères s'il avait pu se persuader qu'elles eussent été accueillies. C'était naturellement là qu'il devait se pourvoir, mais le peu de patriotisme, pour ne pas dire l'incivisme connu de cette municipalité l'oblige de négliger cette marche et de s'adresser directement. Sa réclamation ne sera pas vaine, il obtiendra près de vous, Messieurs, une justice prompte que la municipalité de Pleine-Fougères lui aurait sûrement refusée ; il demande« Con-sidérer :

« Qu'il vous plaise, Messieurs, ordonner que dans un court délai les deux Capucins seront tenus d'évacuer le château de Montlouet, faute de quoi ils seront contraints par la force publique.

« Dol, le 1er juillet 1791. »

BPPF, novembre 1923, (A suivre.)
 

Le Bulletin, de novembre dernier citait une lettre adressée au Directoire de Dol le ler juillet 1701 dénonçant deux Capucins réfugiés à Montlouet, qui instruisaient les enfants et prêchaient dans les environs.

Dès le 2 juillet, le Directoire ordonnait l'expulsion demandée, mais se rappelant comment le maire de Pleine-Fougères lui avait joué le tour quelques mois auparavant dans l'affaire des Eudistes, il écrivit cette fois directement aux Religieux :

« 2 juillet 1791.

« Depuis longtemps on parlait désavantageusement de votre conduite et de vos procédés ; vous exercez deux fonctions que vous ne pouvez remplir qu'après, avoir juré de maintenir une constitution que vous déchirez...

« II est bien étonnant qu'on ait entendu l'un de vous dans la chaire d'une paroisse' voisine de celle que vous habitez dire : que les prêtres non assermentés se faisaient, un devoir sacré de demeurer constamment attachés à la loi de Dieu et de s'immoler pour défendre la religion qu'on cherchait à détruire; ...qu'il n'y avait que l'intérêt et l'ignorance à faire prêter un serment rejeté de Dieu... qu'on méprisait entièrement la religion de ses pères pour suivre avec avidité les innovations absurdes de quelques modernes... mais: qu'il n'y .avait aucune force capable de les empêcher de distribuer à leurs frères le pain de la vie et dei se révolter contre le schisme odieux qu'on s'amusait à répandre en France où on ne cherchait qu'à allumer une guerre civile et armer le père contre le fils et le fils contre le père.

« S'il est vrai que vous vous soyez oubliés jusqu'à ce point, vous mériteriez trop d'être poursuivis et punis par toute la rigueur des lois. Nous ne renonçons pas à vous y livrer, mais avant tout il faut quitter notre territoire vingt-quatre heures après, que vous aurez reçu la présente. Vous voudrez bien désemparer ; dans le cas contraire, nous vous prouverons qu'il existe une force capable de vous empêcher de distribuer à vos frères le pain que vous appelez celui de la vie. » (Archives départementales).

Cette lettre devait demeurer sans résultat. Une nouvelle sommation, datée du 22 juillet, n'eut pas plus, de succès.

D'autres difficultés surgirent

Un vicaire, M. Dory, avait refusé de monter la garde parce que les règlements ecclésiastiques lui interdisaient de porter les armes. Le procès-verbal de ce refus fut adressé au Directoire de Dol et y parvint le jour même où l'on envoyait l'ordre d'expulsion aux Capucins de Montlouet. Aussitôt une nouvelle lettre fut rédigée pour la garde nationale de Pleine-Fougères, afin de lui rappeler qu'elle devait imposer à tous l'obligation de monter la garde.

Pleine-Fougères, on le voit, donnait de l'occupation aux administrateurs du district. (révolutionnaires).

Mais toutes ces vexations surexcitèrent la population, et au mois d'août les têtes étaient fort montées. Un révolutionnaire de la paroisse ayant osé se plaindre qu'à Pleine- Fougères la Constitution avait peu d'amis », la population indignée s’attroupa et lui administra. (Les auditeurs indignés lui administrèrent) une correction en règle pour lui apprendre au moins à retenir sa langue.

BPPF, février 1924, (A suivre).

La municipalité de Pleine-Fougères continuait à ne tenir aucun compte des décrets persécuteurs de l'Assemblée Nationale. Le clergé de son côté était plus résolu que jamais à résister au schisme.

Aussi, le 12 août, le Directoire de Dol faisait de nouveau des observation et écrivait au Conseil municipal : « Un citoyen dont nous devons respecter le témoignage, Messieurs, nous atteste sur l'heure :

« 1°) qu'à Pleine-Fougères on ne lit aucun décret ;

« 2°) que le sieur Dory, vicaire, prêche hautement contre l'Assemblée nationale et ses décrets ;

« 3°) Que, lui, Dory, les sieurs Rozé, Marie et Briand, prêtres vont repetant (criant) par les villages que l'ancien état de choses va revenir. (et que les prêtres qui ont juré seront bien heureux s’ils ne sont point chassé de leurs places).

« 4°) Qu'un des deux capucins que nous avons éloignés

de Montlouet est encore à Pleine-Fougères et demeure habituellement chez M. Gaudrion ; qu'un habitant de la paroisse avait été battu et maltraité pour avoir paru ami de la Constitution, et que le maire voyait cela d'un bon œil...

« Quelqu'égards qu'on doive à un homme qui révèle avec courage les abus (d’une paroisse), nous n’avons pas cru devoir prendre de parti avant que de vous communiquer ces faits. Il n'est pas possible qu'il n'y en ait pas quelques-uns de vrais... Nous vous prions de nous répondre au plus tôt... Nous comptons sur votre exactitude à nous répondre. » (Archives départementales).

La réponse demandée fut-elle jamais envoyée ? Nous l'ignorons, mais nous savons que Pleine-Fougères ne changea pas encore de ligne de conduite.

Le zélé M. Egault, continuant son ardent apostolat, répandit à profusion un catéchisme intitulé : « Catéchisme très simple à l'usage des fidèles de la campagne dans .les circonstances actuelles. » Cet ouvrage, que M. Egault avait composé lui-même croyons nous était destiné à éclairer les fidèles sur l'attitude de l'Eglise en face de la constitution civile du clergé. Il paraît que sa lecture porta des fruits puisque le clergé et la municipalité de Sains qui s'en saisirent l'envoyèrent au Directoire comme livre très dangereux pour la Révolution, déclarant en outre qu'après l'avoir lu les familles qui les avaient suivi dans le schisme s étaient maintenant désolées... ». .

La situation du clergé fidèle allait cependant devenir bientôt de plus en plus inquiétante.

Le serment, qui n'avait d'abord été exigé des prêtres que sous peine de perdre leurs fonctions, devint, à partir du 29 novembre 1791, obligatoire sous peine de bannissement.

M. Plaine et ses deux vicaires devaient encore rester à Pleine-Fougères jusqu'au mois d'avril 1792, faute de prêtre jureur pour les remplacer, mais leur traitement leur fut supprimé aussitôt. M. Egault, au nom de ses confrères, adressa aux administrateurs du district une protestation contre cette mesure ; il terminait sa lettre par ces mots : « Si l'on s'imagine nous affamer, on ne se trompe pas, mais la faim ne nous fera jamais agir contre notre conscience. » Les paroissiens de Pleine-Fougères, hâtons-nous de le dire, ne laissèrent jamais leurs prêtres manquer du nécessaire ; ils pourvurent généreusement à tous leurs besoins et leur sollicitude pour eux continua même lorsqu'ils eurent quitté la paroisse.

Pendant le Carême 1792 on donna de nombreux sermons et, chaque fois, l'église était comble. Comme l'avenir devenait menaçant, on dût hâter les communions pascales. En cette circonstance solennelle lès habitants de Pleine-Fougères firent, la main levée devant le Crucifix le serment de demeurer fidèles au siège, romain et à leurs pasteurs légitimes.

De nouveaux événements allaient tout bouleverser.

BPPF, avril 1924, (A suivre).

Nous reprenons aujourd'hui cette histoire interrompue depuis quelques mois. On se souvient que depuis le commencement de la Révolution jusqu'à Pâques 1792, le clergé de Pleine-Fougères avait pu rester à son poste, grâce à la protection de la municipalité et à la sympathie générale de la, population qui lui était très attachée. Mais la persécution allait bientôt devenir plus violente.

Le 15 avril 1792, les Administrateurs d'Ille-et-Vilaine, par un décret particulier, appelèrent à Rennes, sous leur surveillance, tous les prêtres qui n'avaient pas prêté serment.

Aussitôt le décret connu et avant sa publication, M. Egault, afin de s'y soustraire, se hâta; des le 30 avril, de gagner Saint-Carné, dans les Côtes-du-Nord, son pays natal. M. Plaine dut, quelques temps après, céder la place à un intrus et se retira à Rennes chez un de ses parents, maître d'hôtel. Quant à M. Dory, il resta un certain (quelques) temps caché dans le pays, tantôt à Pleine-Fougères même, chez les familles Hardouin, Barbe et Onnée, du Bourg ; tantôt à La Fontenelle, sa paroisse d'origine, continuant son ministère autant qu'il le pouvait.

L'église de Pleine-Fougères fut alors remise à un intrus, M. Jacob, installé Curé constitutionnel par le Curé de Sains, le dimanche 22 avril.

Quelques jours (semaines) plus tard, M. Jus, maire, dressa le procès-verbal suivant :

« Je, soussigné, maire de la paroisse de Pleine-Fougères, district de Dol, département d'Ille-et-Vilaine, certifie que l'arrêté de notre département du 15 avril dernier concernant les prêtres réfractaires, a été lu et publié en chaire le dimanche 22 avril aussi dernier, par M. Daron, Curé de Saints, et qu'avant l'installation de notre Curé, M. Jacob, résidaient dans notre paroisse habituellement MM. Plaine, Egault et Dory, Curé et Vicaires ; M. Jarnouën, prêtre grabataire, ci-devant chapelain de Mme Lepoitevin de la Crochardière ; M. Lalande, maître d'école, élu par intérim ; M. Baudet, prêtre septuagénaire aveugle, cha­pelain, de Villebermont ; M. Carton ci-devant cellerier de l'Abbaye du Mont Saint-Michel, grabataire, fermier de la retenue de Montlouet ; ces quatre derniers ne remplissant aucune fonction dans notre paroisse ; et que j'ai connaissance que M. Plaine a obéi audit arrêté du 15 avril, que M. Egault habitait sa paroisse natale avant la publication du dit arrêté ; que MM. Jarnouën, Boudet et Carton, grabataires infirmes, restent dans notre commune ; et quant à M. Dory et M. Lalande, ne peux certifier la résidence depuis la huitaine après l'arrêté du département ci-dessus cité.

« En foi, de quoi j'ai signé, ce 15 mai 1792.

« Jus, Maire de Pleine-Fougères ».

Cette lettre est intéressante en ce qu'elle nous donne les noms des prêtres habitant alors Pleine-Fougères. A cette nomenclature, nous pouvons ajouter quelques noms de prêtres ayant séjourné dans la paroisse pendant (au début de) la Révolution, et en particulier : le R. P. Gouallic, religieux du Mont, Saint-Michel, qui séjourna à Montlouet en 1791 ; M. Marie, vicaire de La Boussac, qui se retira à Pleine-Fougères en juillet 1791, ainsi que M. Briand de La Fontenelle, ancien professeur au collège de Dol, et un autre prêtre du nom de Rozé ; M. Jean Guérin, ancien Recteur de Plesder, qui demeura séjourna à Villecherel en mai 1792, après avoir demandé (et demanda) au district une autorisation de résidence.

M. Marie s'exila plus tard à Jersey, et M. Briand s'enfuit enEspagne.

BPPF,août 1924, (A suivre).

La persécution suivit son cours. Plusieurs membres du clergé, voyant le danger s'acheminèrent vers l'exil. M. Dory, vicaire, fut le premier de nos prêtres à quitter le sol français. Au mois de juin 1792 il se rendit à Rennes où il demanda le 10 juillet un passeport pour Jersey. Il s'embarqua à Saint-Coulomb en compagnie de M. Forget, prêtre (sous-diacre) de La Fontenelle.

A ce moment M. Egault, l'autre vicaire était encore dans sa famille à Saint-Carné, mais il n'allait pas tarder à rejoindre son confrère. Un habitant de Pleine-Fougères avec lequel il était resté en relations lui écrivait à la date du 26 juillet :

« Monsieur et ami,

« II y a quinze jours que nous n'avons reçu de vos nouvelles, il nous semble qu'il y a quinze ans, tant nous sommes inquiets sur votre sort et celui de tous vos confrères dans le sacerdoce dans votre département. Nous souhaitons de tout notre cœur que vous ne soyiez pas plus malheureux qu'au passé et que vous vous portiez bien ainsi que vos parents. On met ici le décret de déportation en exécution. Faisant semblant d'accorder des faveurs aux requérants, on est bien aise au département de donner des passeports pour Jersey aux prêtres qui en demandent ; c'est autant de pris et ainsi peu à peu on évacue le pays de prêtres orthodoxes. Votre confrère et les deux de La Fontenelle ont profité de cette faveur et ont obtenu sans peine des passeports pour Jersey où je crois qu'ils sont passés tous les trois; nous n'avons point reçu de leurs nouvelles depuis leur départ ; si nous en recevons nous nous empresserons de vous les faire passer pour soulager votre inquiétude. Le grand Gabriel va toujours son train et vous pourrez le voir avec nous dans peu... Bien de particulier ici, sinon que Basselin (1) a assisté au baptême de Jean Guyon en surplis et en étole, avant hier au soir.

Tous vos amis vous présentent leurs respects.

Je suis avec attachement, Monsieur et ami, votre très humble et obéissant serviteur

F. P. A. (Archives Départementales).

Au reçu de cette lettre M. Egault, (qui se trouvait souffrant), demanda aux Administrateurs du département l'autorisation d'aller faire un voyage à Pleine-Fougères pour consulter ses médecins ordinaires, mais cette autorisation lui fut refusée. Peu après, il gagna les îles de la Manche.

Au commencement d'août, M. Plaine, qui avait dû quitter sa cure de Pleine-Fougères, était toujours à Rennes, chez son cousin et ne s'estimait pas encore trop malheureux, malgré l'étroite surveillance a laquelle il était soumis. Mais le 14 août il fut arrêté et emprisonné à Saint-Melaine. La loi du 16 août et des ordres venus de la capitale allaient bientôt précipiter sa déportation.

(A suivre.)

(1) M. Basselin était alors notaire à Pleine-Fougères.

BPPF, septembre 1924, (A suivre).

La loi du 16 août 1792 portait que tout prêtre, assujetti au serment et ne l'ayant pas fait, était tenu de sortir, sous les huit jours, du département de sa résidence et, dans la quinzaine, hors du royaume. Chacun devait se présenter au district pour recevoir un passeport. Les sexagénaires et les infirmes étaient exempts de la déportation, à moins qu'elle ne fut demandée par six citoyens, mais ils restaient sous la surveillance de la police.

Quelques jours après avoir fait voter cette loi, les révolutionnaires, pensant qu'à l'étranger tous ces prêtres (environ cinquante mille) pourraient peut-être encore leur nuire, décidèrent de tout simplifier en les faisant égorger en masse. Le Comité de Salut Public donna l'exemple de la tuerie en faisant massacrer dans la capitale, les 2 et 3 septembre, deux mille prisonniers, dont quatre cents prêtres.

Nous arrivons aux jours les plus sombres de la Révolution. Une dame en renom, Mme Tallien, traduisant ses impressions, écrivait : « Si vous connaissiez les affreux détails des exécutions ! Les femmes odieusement outragées avant d'être déchirées..., les boyaux coupés, portés en rubans, des chairs humaines mangées sanglantes !... Vous connaissez mon enthousiasme pour la Révolution, ajoutait-elle, eh bien ! J’en ai honte, elle est devenue hideuse ».

Le Comité de Salut Public envoya dans tous les départements des commissaires pour inviter les communes à agir comme lui. Pour exciter le peuple, ils firent répandre contre les prêtes fidèles des chansons les plus odieuses et les plus sanguinaires, avec des refrains de ce genre :

« Qu'ils soient pendus ou égorgés Sur leurs autels ensanglantés ! »

Mais les populations de nos campagnes qui aimaient leurs prêtres, frémirent d'épouvante. Les administrateurs d'Ille-et-Vilaine, point façonnés encore à ces scènes de sauvagerie, et constatant l'hostilité des populations, se contentèrent de mettre immédiatement en vigueur le décret de déportation.

M. Plaine fut dirigé sur Saint-Malo le 8 septembre, avec les autres prêtres détenus à Rennes, et tous furent embarqués pour Jersey le 14 septembre, après avoir subi, de la part des révolutionnaires, toutes sortes d'injures et d'outrages. Le Recteur de Pleine-Fougères ne devait jamais revoir le sol de France. Il mourut en exil.

BPPF, octobre 1924, (A suivre).

Après le départ pour l'exil de M. Plaine et de ses deux vicaires, MM. Dory et Egault, le clergé catholique n'était plus représenté à Pleine-Fougères que par quelques prêtres âgés ou infirmes que nous avons déjà nommés. Ces prêtres, non assujettis au serment, ne pouvaient exercer leur ministère qu'en cachette et avec les plus grandes précautions. La plupart, d'ailleurs, n'allaient pas tarder à disparaître.

M. Boudet, muni d'un passeport de la municipalité de Pleine-Fougères, se fit conduire au Vivier au mois de septembre 1792, avec l'espoir d'y prendre le bateau pour Jersey, mais les autorités de Dol empêchèrent son embarquement sous prétexte que son passeport n'était pas valide. Il devait cependant réussir, quelques jours après, à accompagner M. Jus dans son exil.

M. Jarnouën mourut le 24 novembre 1792. Jusqu'à l'a fin, il demeura fidèle à sa foi. Dans les actes publics relatifs à son décès, il est qualifié de « prêtre réfractaire », c'est-à-dire ayant refusé le serment. Quand, au siècle dernier, on répara la mai­son où mourut ce prêtre, au Bourg, on trouva dans une cachette un cilice en crin et ses ornements sacerdotaux.

Nous avons déjà eu plusieurs fois l'occasion, au cours de ce récit, de montrer la belle et fière attitude de la municipalité de Pleine-Fougères pendant les premières années de la Révolution. Elle était d'ailleurs toujours soutenue par l'immense majorité de la population, très attachée à, la religion, dans sa résistance aux décrets persécuteurs. Lorsqu'on voulut implanter le schisme dans la paroisse, le maire, M. Jus, ne manqua pas d'éclairer ses administrés et de les encourager à demeurer fidèles à leur foi. Aussi les administrateurs du district, le considérant comme l'un des plus ardents défenseurs de l'orthodoxie, ne tardèrent pas à lancer contre lui un mandat d'arrêt. Le 26 mai 1792, ils avaient ordonné son emprisonnement.

M. Jus, averti à temps, put s'échapper de sa maison par une fenêtre, juste au moment où des agents arrivaient à sa porte pour le prendre (1). Il s'enfuit avec l'intention de gagner le bois du Plessix, alors une petite forêt. Mais arrivé à Villebermont, il rencontra un habitant du bourg, nommé Le Barbier, et, devinant que celui-ci n'aurait pas le courage de se taire s'il était interrogé, M. Jus fit semblant d'aller vers le Léez, puis, après quelques cents mètres, reprit sa route vers Le Plessix. Effectivement, le citoyen Le Barbier, interrogé, répondit : « Oui, j'ai vu M. Jus, il est tout décolleté et se sauve à toutes jambes vers la Costardière ». Les agents s'en furent donc perquisitionner jusqu'au manoir de la Costardière, mais n'y trouvèrent point le maire, et ils retournèrent à Dol comme ils étaient venus.

(1) M. Jus habitait la maison située en face l'église, reconstruite depuis, et habitée actuellement par M. Cruche. Le soir même, M. Jus s'en fut frapper à la porte de Jacques Bonhomme, à Rasette, et chez Raoul Lefrançois, à Villetain, les priant de bien vouloir subvenir à ses besoins pendant le temps qu'il devrait se tenir caché. Ces deux familles s'acquittèrent avec empressement de ce soin : et bien régulièrement on allait porter des vivres à M. Jus qui s'était réfugié dans un chêne creux du bois du Plessix.

M. Jus se décida à donner au District des explications qui calmèrent les autorités et il put rentrer chez lui à Pleine-Fougères. Mais, voyant la tournure que prenaient les événements, il se rendit à Dol le 12 septembre et demanda un passeport pour Jersey, par Granville, ce qui lui fut accordé « avec plaisir ». Quelques jours plus tard, le premier maire de Pleine-Fougères prenait le bateau, emmenant avec lui M. Boudet.

BPPF, décembre 1924, (A suivre).

M. François Lambert, second maire de Pleine-Fougères, se montra encore plus intrépide que son vaillant prédécesseur dans la longue lutte qu'il soutint avec sa municipalité contre les autorités révolutionnaires à propos de l'enlèvement des vases sacrés et autres objets du culte 'appartenant à l'église.

Un clergé constitutionnel avait été placé à la tête de la paroisse, mais les habitants de Pleine-Fougères étaient convaincus que la tourmente révolutionnaire durerait peu. Ils avaient le ferme espoir de revoir bientôt leurs prêtres exilés et ils entendaient leur conserver leur église et ses objets du culte.

Les registres du district de Dol nous conservent le souvenir de la résistance qu'ils opposèrent à, ceux qui voulaient dépouiller leur église1. Le 26 juin 1793, les administrateurs du District prenaient la délibération suivante : « Considérant que l'administration du district a été informée de la grande infidélité commise par la municipalité de Pleine-Fougères dans l'inventaire qu'elle fit des objets d'ostentation en argent de son église en n'y comprenant pas une lampe et une vierge en argent qui en dépendent; que d'ailleurs, quoique l'administration ait prévenu la municipalité de faire l'apport au Directoire de ces deux objets, elle s'y est constamment refusée et paraît même décidée à se soustraire

à l'envoi qu'exige la loi, les administrateurs ont nommé le citoyen Portai, leur collègue, commissaire, avec deux gendarmes qu'il requerra dans le plus bref délai, pour se transporter dans les paroisses de Roz-Sur-Couesnon, Saint-Broladre et Pleine-Fougères, et rapporter les effets d'ornementation en or et argent qui existent dans les églises de ces paroisses. »

Le 1er ventôse, an II (mars 1794), le Directoire envoyait au maire de Pleine-Fougères la lettre suivante : « Citoyen, nous vous engageons à faire disparaître en entier les vestiges de la religion qui se trouvent dans votre commune tels que croix, bannières, statues des ci-devant saints. Faites-nous aussi passer votre argenterie : les besoins de l'Etat vous le commandent impérieusement. Salut et fraternité. »

Cette lettre, comme beaucoup d'autres, devait rester sans résultat. La municipalité refusait de se prêter à ces actes odieux. D'où nouvelles menaces : le 6 juin, le Directoire faisait des remontrances à la municipalité, et, le lendemain, il écrivait encore :

« Nous sommes informés, que vous faites des difficultés de faire descendre et apporter au chef-lieu de ce district une seconde cloche existante dans le clocher de votre ci-devant église (1), nous vous enjoignons donc, citoyens, de faire incessamment descendre et transporter cette cloche en ce lieu de Dol, sans quoi vous nous mettrez dans l'obligation de le faire à vos frais et vous serez responsables de tout ce qui résultera de votre négligence.

« Nous apprenons à l'instant que malgré nos différentes demandes d'argenterie et ornements de votre église, vous n'y avez pas déféré. Ce refus annonce de votre part du fanatisme. La loi a parlé, vous devez obéir... Voici les effets qui vous restent à notre connaissance : deux ciboires, une custode, deux calices, un ou deux soleils d'argent, etc..., tous les chandeliers, lampes et encensoirs, croix et Christs de cuivre, tous les ornements et linges...

« Si sous trois jours vous ne nous apportez pas tous ces effets avec la cloche dont il est parlé ci-dessus, nous vous prévenons que nous vous ferons amener et mettre en état d'arrestation... »

C'est alors que la municipalité de Pleine-Fougères donna un bel exemple de courage et de foi. Malgré les menaces que contenait cette lettre, elle persista dans sa résolution de ne point participer à ce sacrilège, quoiqu'il put en advenir. Cette conduite était vraiment admirable en un temps où tant de tètes tombaient sur l'échafaud. Les municipalités qui résistèrent à ce point aux ordres révolutionnaires furent rares.

Quelques jours plus tard, le maire et deux des principaux conseillers étaient arrêtés et conduits en prison. Le registre d'écrou des prisons de Dol contient en effet la note suivante : « Incarcéré le 23 prairial, an II (12 juin 1794), Lambert, maire, Gilles Couespel et Olive Bigot, officiers municipaux de la paroisse de Pleine-Fougères, conformément au réquisitoire de l'administration de Dol en date du 22 prairial »

Rendus à la liberté quelques jours après, le maire et ses conseillers, que leur séjour en prison n'avait pas ébranlés, allaient encore continuer la lutte.

(1) Une cloche avait déjà été enlevée à la suite du décret du 3 août 1793, ordonnant l'enlèvement des cloches pour la fabrication des canons.
 

BPPF, février 1925, (A suivre).
 

Nos lecteurs se souviennent des luttes soutenues par la municipalité de Pleine-Fougères contre les administrateurs du District pour sauver les objets du culte appartenant à l'église. Nous continuons ici le récit de ces démêlés.

Malgré tous les efforts des administrateurs de Dol, l'église possédait encore, au mois de septembre 1794, une partie de ses ornements et de son argenterie. Le 19 septembre, des experts se présentèrent à la sacristie pour un inventaire. Ils se disposaient à forcer une armoire fermée, de trois clefs, lorsque l'énergique intervention du maire les arrêta dans leur opération.

Cette résistance excita la colère de ces messieurs du District. Ils résolurent de se venger, et le 23 septembre ils prenaient la décision suivante :

« Vu la lettre du sieur Guyon, agent national do Pleine-Fougères, où il expose que dans la maison de la ci-devant retraite ainsi que dans l'église de cette commune, il existe des objets qu'il serait avantageux de vendre, les administrateurs arrêtent que les vieux bois de lit, tables, bancelles, armoires et autres objets qui se trouvent dans la maison de la ci-devant retraite de Pleine-Fougères, ainsi que les coffres, confessionnaux existant dans la ci-devant église seront vendus dans le cours de la prochaine décade ».

Cette fois, le dépouillement fut complet ; tout fut mis aux enchères et vendu à des revendeurs étrangers. L'autel avait été excepté de la vente, mais quelques révolutionnaires de Dol qui se trouvaient présents, brisèrent, par vengeance, la table du Sacrifice, enlevèrent quatre colonnes de marbre noir qui encadraient le retable et les emportèrent avec eux. La force triomphait donc pour un temps.

La belle Vierge d'argent, donnée par la famille de Lorgerot, et les autres objets du culte s'en furent enrichir le nouveau gouvernement, ce qui, d'ailleurs, ne l'empêcha pas de faire banqueroute. Tous ces ornements d'église, qui donnèrent en galons d'or et d'argent un poids de 17 marcs 1 once, furent envoyés avec ceux des autres paroisses à la Monnaie, à Paris, le 29 décembre 1794.

L'Église restait vide avec ses murs et son toit, mais le clocher conserva la fameuse cloche dont nous avons déjà parlé et que la municipalité s'était refusée à descendre. Toutes les réclamations dont elle fut l'objet restèrent vaines.

Les statues des saints avaient été reléguées dans la tour, tant pour éviter leur profanation que pour les conserver pour des jours meilleurs. Voici à ce sujet une histoire dont on a gardé le souvenir :

Un jour, des révolutionnaires montèrent dans le clocher, et l'un d'eux, apercevant la statue de Saint Roc'h couverte de poussière, se mit à dire avec dérision : « Voilà un petit Saint bien crasseux, il faut que je lui lave lès yeux ». En même temps, il se mit à accomplir son œuvre ordurière. Le misérable fut aussitôt frappé de cécité et un camarade dut le prendre par la main pour le reconduire chez lui. Longtemps on, le vit par les chemins, toujours aveugle et menant une vie malheureuse. Il mourut avec cette infirmité. Ce châtiment, que tout le monde regarda comme miraculeux, fit beaucoup d'impression dans le pays et contribua à la conservation de la foi. Les moins croyants disaient eux-mêmes tout haut qu'il ne faut point se moquer des Saints.

Dans les années qui suivirent furent vendus les bâtiments de la retraite, estimés 120 livres de rente, ou capital de 900 livres.

Le domaine de Montrouault, dépendant de l'Abbaye du Mont St-Michel, eut le même sort.

BPPF, avril 1925, (A suivre).

Nous avons dit comment la paroisse de Pleine-Fougères avait été, par la Constitution civile du Clergé, privée, de ses prêtres, et nous avons vu comment, ensuite, son église avait été dépouillée de ses ornements.

Ce n'était là que le commencement de ces terribles et cruelles mesures de persécutions contre les catholiques qui allaient sévir pendant cette triste époque. On distingue trois persécutions principales. La première commença avec l'application de la Constitution civile du Clergé et se termina au commencement de 1795. L'année n'était pas terminée que la persécution reprenait pour se continuer jusqu'au mois de juin de l'année suivante. En 1798, les catholiques furent de nouveau traqués avec sauvagerie jusqu'à l'arrivée de Napoléon au pouvoir,

Même au plus fort de la tourmente, quelques prêtres catholiques demeurèrent dans le pays pour y soutenir le courage des fidèles, mais ils durent s'y tenir cachés. Souvent, ils durent changer de costume et de cachette pour ne pas éveiller les soupçons Ils administraient les Sacrements le plus souvent la nuit, au fond des granges ou dans les greniers, pendant que des jeunes gens montaient la garde aux environs. Au premier signal d'alarme, chacun se sauvait comme il pouvait.

Les prêtres et les catholiques qui les cachaient couraient, en effet, de grands dangers.

La persécution de 1794 fut particulièrement terrible. Les prêtres qui avaient fait le serment de fidélité à la Constitution durent eux-mêmes cesser toute fonction ecclésiastique et choisir entre l'apostasie complète ou l'emprisonnement.

Ce fut bien autre chose pour le clergé demeuré fidèle. Tout prêtre catholique trouvé caché sur le territoire de la France devait être puni de mort. La même peine fut décrétée contre ceux qui leur donnaient asile.

C'est ainsi que nos voisins, M. Lemaréchal, prêtre de Vieux-Viel, et M. Bodin, prêtre de Sougéal, furent guillotinés à Rennes, à la fin de 1794. Deux membres de la famille Boullé, de l'Epinay, coupables d'avoir donné asile à M. Bodin, subirent la même peine.

Une certaine accalmie se produisit en 1795. Des prêtres détenus furent même relâchés, et Pleine-Fougères en reçut un certain nombre venus des prisons du Mont Saint-Michel. Le culte catholique étant toléré, M. Porcher, prêtre originaire de Cendres, retiré à la Déholière, ouvrit une chapelle dans ses bâtiments pour le jour de Pâques 1795. M. Carton reprit les exercices religieux dans la chapelle de Montlouet. D'autres prêtres célébraient les saints Mystères dans, les autres chapelles de la paroisse. L'affluence à tous ces offices était fort grande.

Mais cette tolérance fut de courte durée.

BPPF, août 1925, (A suivre).

Dès le 1er juillet 1795, la persécution reprenait. A cette même date, le Directoire de Dol écrivait à la Municipalité de Pleine-Fougères pour lui rappeler que les ministres du culte devaient faire leur soumission aux lois, faute de quoi, ils ne pourraient exercer leur ministère sans encourir une amende de mille livres ; chaque assistant était passible de la même peine; et il ajoutait : « De plus, ils ne peuvent exercer que dans les églises qui servaient au culte le 1er de l'An II, toute autre chapelle leur est interdite. Nous apprenons néanmoins que plusieurs prêtres se sont retirés dans votre commune, qu'ils se portent dans les différentes chapelles de votre arrondissement les jours de fête pour y célébrer la messe. Aussitôt la présente lettre reçue, nous vous enjoignons de nous faire passer les noms des prêtres qui peuvent demeurer dans votre commune. Nous vous invitons et enjoignons même à nous déclarer les chapelles où ces prêtres ont dit leurs dernières messes ».

La Municipalité donna une réponse évasive. Mais comme l’église paroissiale était alors louée à M. Jacob, curé constitutionnel, bientôt le clergé catholique dut cesser publiquement toute fonction. On reprit donc le culte en cachette, la nuit, au fond des granges ou dans des endroits connus des seuls initiés.

Il faut croire que plusieurs prêtres purent, grâce au dévouement de la population, traverser cette nouvelle persécution, car le 11 avril 1796 les autorités de Dol, écrivant aux administrateurs d'Ille-et-Vilaine, constataient que le nombre des prêtres réfractaires cachés dans le pays était grand, et ils ajoutaient : « Mais où sont-ils ? Ils sont cachés avec tant de soin et de précautions qu'on ne peut les découvrir ni les atteindre ».

Le nombre de ces prêtres allait encore augmenter, car la peine de mort contre eux ayant été retirée vers le milieu de l'année 1796, plusieurs revinrent d'exil, entre autres M. Dory, qui revint faire du ministère à Pleine-Fougères.

Parmi les prêtres qui administrèrent les Sacrements dans la paroisse au cours de la Révolution, il faut nommer : M. Porcher, de Cendres ; M. Bigot, recteur de Trans ; M. Beaudouïn vicaire de Vieuxviel ; M. Toullier, chanoine de Dol, et M. Dory, revenu d'Angleterre. Parmi ceux qui leur donnèrent asile et les secondèrent dans leur difficile ministère, il faut également citer : M. de Lestrade et M. Julien Onnée, du bourg ; M. Corbe, de Villehonnête ; les familles Besnard, de Villechérel ; Jarnouën, de la Rivière ; Richard, de Villartay ; Renault, de Villemarie ; Lema-fou-réchal, de Villevrard ; Lemétayer, de La Croix ; de Saint-Gilles, à Villeclerc, et Ollivier, à Villecunan.

BPPF, septembre 1925, (A suivre).
 

M. PORCHER

Parmi les prêtres que nous avons nommés et qui, malgré les dangers auxquels ils étaient exposés, contribuèrent à maintenir pendant la Révolution la foi dans notre pays, M. Porcher mérite une mention spéciale.

Voici les renseignements recueillis à son, sujet:

M. François Porcher était né à Cendres en 1735. Prêtre en 1760 il fut professeur de philosophie au collège de Dol, et Recteur de Bonaban. A la Révolution, ne voulant pas prêter serment, il vint se retirer à La Déholière et exerça pendant toute cette terrible période, tantôt publiquement, tantôt en cachette, son saint ministère, allant souvent la nuit, dans les différents villages de la paroisse baptiser les enfants ou administrer les mourants.

II fut le véritable Pasteur de Pleine-Fougères jusqu’au retour de M. Dory.

Le Directoire de Dol le considérait comme très dangereux pour la Révolution à cause de l’autorité que lui donnait son savoir. Il le signala plusieurs fois comme ennemi acharné et fanatique dangereux.

Nous avons déjà dit qu’en 1795, il avait ouvert une chapelle à la Déholière.

Peu après, la Municipalité de Cendres le signalait au Directoire de Dol, parce que, disait-elle, « ce prêtre ne cesse de répéter que nous sommes dans le schisme et schismatiques, et que les mariages faits à la République sont nuls »,

Au mois de juillet 1795, M. Porcher faisait soumission aux lois de la République, mais il réservait expressément tout ce qui concernait dans cette législation le côté religieux. Cette réserve lui valut d’être poursuivi peu après.

Arrêté le 13 septembre en vertu d’un mandat lancé par le citoyen Rapinel, officier de police du canton de Trans, il fut conduit dans les prisons de Dol. Mais il fut bientôt relâché, grâce à l’intervention d’amis puissants qu’il avait parmi ses anciens élèves.

Pendant l’accalmie de 1796, profitant de la présence de plusieurs prêtres à Pleine-Fougères, il se fit missionnaire et parcourut les paroisses de Saint-Georges, Roz-sur-Couesnon et Saint-Marcan, où il eut la consolation de ramener un grand nombre d’égarés dans la voie du salut. Bien qu’il eût pris toutes les pré­cautions pour ne pas attirer l’attention des autorités, il ne tarda pas à être dénoncé de nouveau. Le 16 août 1796, le Commissaire de Dol écrivait à celui du Département : « Je viens d’être informé, citoyen, qu’un nommé Porcher, prêtre insermenté, parcourt les communes du canton de Roz-sur-Couesnon, qu’il y confesse, baptise, dit la messe et qu’il se forme des rassemblement considérables à sa suite ; enfin, qu’il perpétue le fanatisme dans ces contrées. Je vous observerai qu’il est suivi de nombreux convertis. Je vous invite à prendre à son égard les mesures la sagesse vous suggérera, ».

Mais M. Porcher échappa encore cette fois.

Plus tard, alors qu’il se cache, à Baguer-Morvan, il est de nouveau signalé par le Commissaire de Dol, en même temps que deux autres prêtres et, ajoute la lettre, « Porcher est celui qui paraît faire le plus sensation.» auprès des habitants de la région.

M. Porcher fut arrêté de nouveau en septembre 1797 et relâché encore sur l’intervention de ses amis. Arrêté pour la troisième fois le 14 avril 1799, il fut cette fois conduit à Rennes et enfermé à la tour Le Bat, mais ayant prouvé que les peines contre les émigrés ne pouvaient l’atteindre puisqu’il n’était pas sorti du territoire français et que, de plus, il était sexagénaire, il obtint d’être remis en liberté dès le lendemain, et il se retira à Rennes.

BPPF, septembre 1925, (A suivre).

M. BIGOT

Au plus fort de la Révolution., Monsieur Bigot recteur de Trans, se tint caché chez son neveu, M. Corbe, à la Villehonnête, blotti tantôt dans un coin du grenier, tantôt dans un souterrain dont l'ouverture se trouvait dissimulée entre deux meules de paille. Ce saint prêtre eut quelques occasions d'exercer son ministère dans notre paroisse.

M. BAUDOUR

M. Baudour, vicaire de Vieuxviel, administra aussi les Sacrements aux habitants de Pleine-Fougères voisins de sa paroisse, où d'ailleurs il reprit publiquement le culte en 1796.

M. TOULLIER

M. le Chanoine Toullier fut caché à Villecunan chez la famille Ollivier, et an manoir de Villeclerc. Comme il allait être découvert dans cette dernière demeure, il dut son salut à M, Corbe. Celui-ci, se trouvant un soir dans une réunion de patriotes, apprit que le lendemain, à la première heure, une perquisition devait être faite chez la famille de Saint-Gilles pour y saisir un prêtre. Dans la nuit même, M. Corbe se rendit au manoir avertir du danger et emmena chez lui, M. Toullier qu’il cacha auprès de son oncle. Là où il passa, M. Toullier exerça aussi son ministère. Plus tard, ce prêtre fût arrêté et déporté à l'île de Ré, d'où il réussit à s'évader; il mourut recteur de Saint-Georges en 1830.

M. DORY

M. Dory, vicaire de Pleine-Fougères, rentra, à l'exil en 1796. Il vint aussitôt apporter aux paroissiens des nouvelles des exilés et reprendre parmi eux son ministère. Il vivait ordinairement avec M. Touquet chez la sœur de ce prêtre à la Fontenelle. Au mois d'octobre 1797, il fut accusé de l'assassinat, d'un volontaire de là garnison de Trans. Arrêté ; et conduit à Solidor, il n'eut pas de peine à se disculper et fut, immédiatement : relâché. Recherché activement pendant la persécution de 1798 il échappa aux révolutionnaires grâce

au dévouement de Mme T… et de la famille Onnée, de Pleine-Fougères. Même au plus fort de cette persécution, il ne cessa d'exercer. Il fut aidé par un jeune homme dont le nom mérité de passer à la postérité : M. Julien Onnée.

Lorsque les catholiques de Pleine-Fougères avaient besoin de M. Dory, Julien Onnée se rendait de nuit à La Fontenelle avec deux camarades aussi décidés que lui et emmenait le prêtre à travers les champs au lieu convenu où il y avait des mourants à confesser et à communier. Le prêtre demeurait quelques jours caché chez les parents de Julien Onnée, aux Riaux, puis les dévoués jeunes gens le reconduisaient à La Fontenelle, toujours de nuit et à travers champs. Découverts une fois par des chiens dressés à cet effet, ils furent vivement poursuivis par une patrouille qui, ne pouvant les rejoindre, tira dans leur direction quelques coups de fusil.

BPPF, février 1926, (A suivre).
 

Nos lecteurs se souviennent de ce que nous avons écrit au sujet de M. Jus, premier maire de Pleine-Fougères, qui avait eu de nombreux démêlés avec les chefs révolutionnaires du District de Dol. Il avait dû devant leurs menaces se réfugier à Jersey avec M. Plaine.

M. Jus, qui était diacre au moment de la Révolution, avait été ordonné prêtre en exil. En 1800, il reparut au milieu de ses administrés, non plus cette fois avec l'écharpe de maire, mais avec l'étole du pasteur et les pouvoirs du sacerdoce. Lorsque les bons paroissiens de Pleine-Fougères revirent M. Jus, ce fut une France. Sa présence réconforta les catholiques. La lutte entre les joie délirante. Il leur apportait des nouvelles de M. Plaine qui préférait attendre des temps encore plus sûrs pour rentrer en partisans des deux cultes, c'est-à-dire entre les partisans du culte traditionnel conforme à la foi catholique et ceux du culte constitutionnel instauré par la Révolution, allait redevenir ardente.

Avant d'entrer dans des détails sur ce sujet, il est utile de dire comment s'installa le culte constitutionnel à Pleine-Fougères.

Le clergé de Pleine-Fougères ayant refusé de prêter serment dans les conditions que nous avons dit précédemment, les électeurs de Dol, dès le 19 mai 1791, avaient nommé à la cure de la paroisse M. du Cognet, religieux prémontré, qui d'ailleurs ne prit jamais possession de son poste. C'est M. Jacob qui y commença, le 22 avril 1792, le culte constitutionnel. Ce prêtre n'était pas un inconnu. Originaire de La Boussac, M. Joseph Jacob avait exercé à Pleine-Fougères en qualité de vicaire en 1787 et l’année suivante. Il avait été ensuite nommé recteur de Radepont, au diocèse de Rouen.

Quoiqu'intrus, M. Jacob fut cependant considéré comme prêtre catholique par la population jusqu'au jour où il prêta solennellement le serment, c'est-à-dire jusqu'au deuxième dimanche de septembre 1792. Il prononça ce serment du haut de la chaire, au prône de sa grand'messe, devant aine assistance qui se montra aussitôt hostile, car le curé avait à peine achevé sa formule qu'elle protesta tout haut contre sa conduite et « immédiatement tout le monde sortit ». Quelques patriotes restèrent cependant. Mais dès ce jour commencèrent les déboires du pauvre curé; il sentit autour de lui une hostilité qui faillit plus d'une fois tourner au tragique. Grâce à la pression du Directoire de Dol, M. Jacob fut reçu membre du Conseil municipal et il continua la rédaction des actes de l'Etat-civil jusqu'en 1794.

M. Jacob fut parfois aidé dans son ministère par des confrères voisins : MM. Egault, vicaire de Sains; Roussin, recteur de Trans; Pessis vicaire de Saint Broladre; Legallays, vicaire de Bazouges. Mais en 1793 il reçut un vicaire, M. Thomas du Parc, ordonné par l'évêque Le Coz le 27 septembre 1793.

BPPF, mars 1926, (A suivre).

Devant les difficultés qu'il rencontra dans la paroisse, M. Jacob, curé de Pleine-Fougères, se décida à mettre sa démission en déposant (déposa) ses Lettres de prêtrise au Directoire de Dol le 2 mars 1794. Ce geste ne l'empêcha pas d'ailleurs et bien qu'il eût prêté serment d'aller passer quelque temps dans les prisons du Mont-Saint-Michel. Son vicaire aussi remit ses lettres à la municipalité de Pleine-Fougères le 11 avril.

En 1795 ces deux mêmes prêtres reprirent l'exercice du culte dans la paroisse et M. Jacob loua l'église au Directoire de Dol le 23 mai. Leur ministère fut cette fois de courte durée. Poursuivis d'une part par les révolutionnaires exaltés qui les traitaient d'aristocrates, mal vus d'autre part par les catholiques fidèles, ils s'enfuirent à Pontorson, alors protégé par la troupe, où nous les retrouvons au mois de novembre 1795, prêtant de nouveau serment.

En juillet 1797, M. Jacob était titulaire du « Collège de Roz ». Rappelé à Pleine-Fougères, il y reprit le culte au mois de janvier 1799 et devint même agent municipal. Mais il ne tarda pas à être en butte à de nouvelles tracasseries.

Dénoncé par les autorités de Dol au mois de mars 1799 comme remplissant deux fonctions incompatibles, dénoncé de nouveau pour sonneries de cloches d'abord par le ministre de la police du canton de Trans en février 1800, puis par la municipalité de Pleine-Fougères l'année suivante, il eut encore de la part de la population des ennuis sans nombre.

En 1801 la situation n'étant plus tenable pour lui, M. Jacob avertit son évêque. Celui-ci écrivit au Préfet pour le prier d'intervenir. Après avoir relaté l'effervescence qui régnait à Pleine-Fougères, Mgr Le Coz écrivait :

On a déjà été jusqu'à menacer le Curé de le tuer et malheureusement les officiers municipaux paraissent favoriser les dissidents. Ils viennent de le dénoncer près le tribunal de Saint-Malo parce que quelques patriotes, sans même le consulter ont sonné quelques coups de cloches (la cloche) au moment où il allait commencer sa grand'messe... Et il n'y a qu'une malveillance aveugle qui puisse vouloir le traduire devant les tribunaux, pour quelques coups de cloches qui n'ont pas dépendu de lui, alors (tandis) que dans plus de deux cents paroisses on les entend chaque dimanche (toutes les cloches sonnent) à la grande joie (satisfaction) des habitants... Permettez-moi de vous le dire, citoyen préfet, parce que vous seul pouvez remédier au mal, il est des maires impatriotes qui font les petits tyrans. Je puis vous citer ceux de Pleine-Fougères, Visseiche et de Louvigné près Bais. » (Bulletin de la Société d'Archéologie d'I.-et-V. 1921). Comme résultat, il fallut bien de part et, d'autre user de patience. On savait d'ailleurs que des relations en vue d'un concordat étaient alors engagées entre Napoléon et le Saint-Siège et on espérait de bonnes, et prochaines décisions.

BPPF, avril 1926, (A suivre).

 

LES FAUX CHOUANS (Suite)

LA MORT TRAGIQUE DE M. BASSELIN.
 

Louis Basselin était né à Pleine-Fougères, le 20 septembre 1738, de François Basselin et de Jeanne Pinson. Au moment de la Révolution, il habitait au bourg avec sa sœur Jeanne Basselin. Au fond, il était peu sympathique à la population et avait été dans la paroisse un des principaux agents des idées nouvelles dont il devait être une des victimes.

Mais il s'était surtout attiré des ennemis dans une histoire toute différente parmi les partisans d'un de ses confrères, lui aussi notaire à Pleine-Fougères, qui en 1794 avait été condamné à vingt ans de fers comme complice dans un assassinat commis en 1787. Ceux-ci rêvaient une vengeance et trouvèrent des hommes tout disposés à les aider dans cette fameuse bande de faux chouans organisée à Trans et dont nous avons déjà parlé.

Ces bandits furent d'autant plus faciles à décider que l'appât du vol venait s'ajouter comme mobile du crime ; âpre au gain, sans charge de famille, le notaire Basselin passait pour posséder un fort magot. Les égorgeurs pénétrèrent chez lui dans la nuit du 22 au 23 ventôse an IV, le poignardèrent et traitèrent son cadavre avec un raffinement de cruauté. Ils obligèrent ensuite sa sœur à les éclairer pour faire le pillage de la maison. Le lendemain, le bruit de cet assassinat se répandit dans toute la contrée pendant que M. François Lambert, agent municipal, muni des pouvoirs de M. Hodouin, juge de paix à Trans, faisait procéder à l'inhumation.

Évidemment, les révolutionnaires essayèrent de mettra ce meurtre sur le compte des vrais chouans et le commissaire de police de Trans fit la même chose dans un rapport; qu'il adressa quelques jours plus tard au chef du pouvoir exécutif de Rennes.Mais il n'était guère possible de tromper ceux qui connaissaient les véritables meurtriers. Aussi, vu la surexcitation des habitants, il se crut obligé de demander une mesure de répression.

Après avoir relaté le meurtre de M. Basselin, il se répand en lamentations sur les atrocités commises par les soldats cantonnés à Trans, et il supplie de les retirer pour les remplacer par d'autres volontaires qui déshonorent moins le nom républicain.

(Lettre aux Archives départementales).

BPPF, mars 1928, (A suivre).
 

Histoire de Pleine-Fougères

L'EPOQUE CONCORDATAIRE

LE RETABLISSEMENT DU CULTE APRES LA REVOLUTION

Le premier curé régulièrement nommé après la Révolution à Pleine-Fougères fut M. Julien Bérel. M. Jus, dont il a été plusieurs fois parlé au cours de notre histoire de l'époque révolutionnaire, avait reçu les ordres et fut adjoint comme vicaire à M. Bérel.

Ce dernier, né à La Bazouges-du-Désert, était vicaire à Gahard au moment où éclata la Révolution. Il eut la faiblesse de prêter serment ; ce qui lui valut la cure constitutionnelle de Chauvigné. Mais plus tard, en 1795, mieux éclairé et touché par l'exemple et l'héroïsme de ses confrères restés fidèles, il rétracta publiquement son serment. Et dès lors il fut lui aussi l'objet de violentes persécutions.

Dès le rétablissement officiel du culte il fut nommé à Pleine-Fougères, et c’est en qualité de curé de cette paroisse qu’il assista à la réunion des ecclésiastiques qui se tint à Rennes en 1803, sous Mgr de Maillé.

M. Jacob, curé constitutionnel de Pleine-Fougères pendant la Révolution avait dû quitter la paroisse. D'après les arrangements conclus à l'occasion du Concordat, il avait été stipulé que, parmi les prêtres assermentés, les plus dignes seraient pourvus de postes après avoir rétracté leur serment. M. Jacob qui avait toujours eu une conduite régulière fut de ce nombre. Nommé à la tête de l'importante paroisse de La Gravelle, au diocèse de Laval, il la dirigea plusieurs années et y mourut vers 1820.

M. Bérel put se féliciter du concours de M. Jus qui avait .beaucoup souffert pour la cause catholique. Son autorité était très grande dans la paroisse dont il avait été le premier maire et son influence s'exerçait efficacement sur toutes les familles. Les ruines accumulées par la Révolution étaient immenses et l'état spirituel de la paroisse était lamentable. Beaucoup d'enfants, baptisés par les parents à la maison n'avaient pas reçu le supplément des cérémonies ; un grand nombre d'unions matrimoniales n'étaient pas régulières ; l'église n'avait plus ni meuble ni ornement.

M. Jus se dépensa sans compter.

Un don de Mme de Malherbe mit l'église en possession d'un calice et de quelques vêtements sacerdotaux provenant de la Chapelle du Plessix. M. Jus y alla ensuite de sa bourse et l'église se trouva pourvue du plus nécessaire. Le zélé vicaire parcourut la paroisse en quête d'âmes à ramener dans le droit chemin. Il baptisa les enfants et bénit un grand nombre d'unions. En fait il fut le véritable pasteur de Pleine-Fougères. Très versé dans la connaissance du droit civil, il était fréquemment consulté, il apaisait les querelles et remplissait auprès des paroissiens l'office d'un bon juge de Paix.

Il prit un soin particulier de l'enfance qu'il réunissait souvent et qu'il s'efforçait d'instruire des connaissances religieuses nécessaires. Il avait un don particulier de rendre intéressantes ces études par elles-mêmes abstraites. Il racontait à ses jeunes élèves des épisodes de la Révolution, des traits de sa vie si mouvementée, de sa fuite, de son séjour en Angleterre, de ses visites nocturnes aux mourants et il savait en tirer des conclusions pratiques qu'il gravait dans l'esprit de ses jeunes auditeurs tout oreilles à l'entendre. Beaucoup devaient en garder un souvenir qui ne devait jamais s'effacer.

BPPF, juin 1929, (A suivre).
 

Le départ de Monsieur le Chanoine Saillard

Lorsque la Semaine Religieuse du 6 juillet annonça que M. le Chanoine Saillard, curé-doyen de Pleine-Fougères, était nommé par Son Éminence le Cardinal aumônier de la Communauté Saint-Thomas, rue Saint-Louis, à Rennes, la nouvelle était déjà connue dans toute la paroisse. Ce départ inattendu provoquait d'unanimes regrets.

Depuis plus de 23 ans, M. le Chanoine Saillard exerçait le saint ministère à Pleine-Fougères. Sa grande bonté, sa piété édifiante, la dignité de sa vie sacerdotale, en même temps qu'elles n’imposaient le respect, lui gagnaient toutes les sympathies. Son autorité réelle qu'il exerçait avec discrétion n'était à charge à personne. Quel bien n'a-t-il pas fait au cours de son long apostolat dans notre paroisse qui lui était chère malgré tout ? Qui dira en particulier son dévouement pour l'école chrétienne qu'il aimait tant ? Et combien d'âmes ont profité de sa prudente direction et de ses bons conseils ! Nous n'osons insister de peur de blesser sa modestie.

Depuis quelque temps M. le Chanoine Saillard se sentait fatigué. Il ne pouvait plus, autant qu'il l'aurait voulu, visiter ses paroissiens et ses malades, ni entreprendre à cause de l'âge les œuvres nouvelles qui paraissent utiles ; c'est pourquoi il a désiré céder la place à un plus jeune. En priant Son Éminence le Cardinal de le relever de sa charge et de lui donner un poste plus doux, il a pris une décision qui l'honore grandement sans doute, mais qui fut pour lui un pénible sacrifice.

Qu'il soit bien assuré que ses anciens paroissiens ne l'oublieront pas. Ils se trouveront au rendez-vous de la prière où il les a invités au cours de ce touchant discours d'adieu qui émut si vivement l'assistance.

Le Bulletin, Paroissial se fait leur interprète en priant Monsieur le Chanoine Saillard d'agréer leur profond respect, leurs sincères regrets et leur bien vive reconnaissance.

BPPF, août 1930.

d'après notes manuscrites Eugène Jarnouen, anciens bulletins paroissiaux, archives privées.

 

 

mise à jour du site : 08-sept.-2009          Contact         retour accueil