Les anciennes familles de Pleine-Fougères.
Histoire de Pleine-Fougères
Les
Anciennes Familles.
L'histoire que nous avons entrepris de relater serait incomplète si nous ne
disions au moins quelques mots des anciennes, familles de Pleine-Fougères,
Déjà, au
sujet des Seigneuries nous ayons eu l'occasion de parler de quelques-unes
d'entre elles, mais ces familles de Seigneurs n'étaient qu'une minorité ;
nous voulons maintenant présenter celles qui formaient l'ensemble de la
population.
Cet
article intéressera d'autant plus, nous l'espérons, que la plupart de ces
familles ont encore des descendants dans la paroisse.
Nous
commencerons par celles qui nous, semblent les plus anciennes et dont nous
relevons les noms aux dates les plus lointaines dans les documents qui sont
à notre disposition.
La
famille Lambert était très nombreuse, au temps jadis, dans la paroisse. Elle
y possédait d'importantes propriétés notamment à Champlambert, à Villevrard,
à Beaurepaire. Cette famille comptait un grand nombre de branches que l'on
distinguait chacune, suivant la coutume du temps, par un surnon ou
sobriquet, tiré ordinairement des propriétés qu'elles habitaient, mais
quelquefois aussi de leurs vertus, de leurs prétendus défauts ou de leurs
métiers ou commerce. La grande situation des Lambert leur valait de la
considération, et les châtelains du pays ne dédaignaient point de rechercher
leur alliance. Ainsi, en 1680, Gabriel du Breil du Plessix, demanda la main
de Catherine Lambert, et, bien avant, Georges Lambert avait obtenu en
mariage Perrine de Saint-Gilles.
Parmi
les principaux membres de cette famille nous remarquons Guillaume Lambert,
sieur de Champlambert, avocat et sénéchal du Plessix en 1651, puis quelques
prêtres : Gilles, qui était vicaire de la paroisse en 1673 ; Julien, de
Beaurepaire, qui chanta sa première messe le 19 avril 1654 ; et Gabriel qui
devint recteur de Cendres et mourut à Villevrard. en 1786.
La
famille Bienvenu ne semble pas moins ancienne sur notre sol. Elle fit
plusieurs fois alliance avec des familles nobles, notoirement avec les De la
Noë et les de La Boue-xière. Nous trouvons chez les Bienvenu des prêtres,
des cultivateurs, plusieurs notaires et sénéchaux. Pierre fut ordonné prêtre
vers 1580 ; Gabriel fut recteur de Pleine-Fougères en 1613 et devint ensuite
notaire apostolique à l'êvêché de Dol. Parmi les magistrats issus de cette
famille nous remarquons : Mathurin, sénéchal de Montrouault, marié en 1654 à
Françoise Bienvenu, puis à Jeanne Guerche en 1679, et qui eut seize enfants
dont François qui fut prêtre, et Félix qui devint également sénéchal de
Montrouault. Thébaut, fils de Félix, fut lieutenant de Dol et avocat au
parlement.
Les
registres paroissiaux mentionnent aussi comme établies à Pleine-Fougères à
la fin du xvie siècle les familles; Bouvier, Palluel, Duines,
Gaslain, Barbot et Richard.
Robert
Bouvier épousa Jeanne Richard en 1607. Ils eurent pour fils Laurent, avocat,
qui mourut à l'âge de 24 ans. Sa pierre tombale que l'on peut voir dans,
l'église auprès de la balustrade du chœur porte encore lisiblement cette
inscription : « De par nobles personnes Robert Bouvier et Jeanne Richard sur
L. Bouvier, leur fils, avocat à la Cour-»
Un
Robert Palluel, prêtre, célébra sa première messe le2 octobre 1575.
Guillaume Palluel était greffier, procureur et notaire lorsqu'il épousa, à
24 ans, le 16 février 1676, Marie Bienvenu.
BPPF,
janvier 1923, (A suivre).
La
famille Duînes, elle aussi très ancienne dans la paroisse, eut le grand
honneur de donner à l'église un saint prêtre dans la personne de Jean Duines,
recteur de Roz-sur-Couesnon en 1631. C'est lui qui accueillit et reçut dans
son presbytère le Vénérable Jean de Saint-Samson, lorsque celui-ci vint
évangéliser et sanctifier cette contrée. Jean Duines fut lui-même un modèle
de grandes vertus ; il fonda un hospice auprès de sa demeure et, avec sa
sœur, il soignait les malades, il pansait leurs plaies en même temps qu'il
sanctifiait leurs âmes. Il mourut le 4 septembre 1656, laissant une grande
réputation de sainteté. — Guillaume Duines épousa noble personne Perrine de
la Nôë vers 1665, dont il eut un fils Gilles qui fut « officier de
juridiction inférieure. » Suzanne Duines fut mariée à Jacques, de Sceaux,
seigneur de Villebermont ; elle mourut en 1769, âgée de 61 ans.
Guillaume Gaslain appartenait à une famille déjà très répandue au xvie
siècle. Il épousa Jeanne Palluel en 1598. Parmi ses descendants nous
relevons le nom de François, notaire et procureur en 1685. Pierre, également
notaire et procureur, mourut en 1740, âgé de 38 ans. Cette famille donna
aussi des prêtres, parmi lesquels. Jean, cité dans un acte en 1578, et Guy,
mort en 1685 et inhumé dans l'église auprès de son oncle G. Gauthier.
Originaire de La Boussac, Guillaume Barbot s'établit à Pleine-Fougères en
1598, et sa descendance s'y est perpétuée. Elle se glorifie d'avoir donné
noble Maître Guillaume, avocat à la Cour, mort le 5 mai 1685, laissant de
nombreux garçons qui ont étendu le nom de la famille.
Les
Richard sont une autre grande famille de la paroisse. Ils étaient nombreux
et considérés, et aussi bien nommés, car ils possédaient de nombreuses
propriétés qui portent encore leur nom. Ils descendaient de Guillaume
Richard, sieur de la Croix, marié à Jeanne Dalimier en 1598. Parmi les
membres de cette famille on compte, au cours des xvire et xviiie
siècles, un grand nombre de notaires, et des prêtres réputés pour leurs
vertus et leur charité. Pendant l'époque de la Révolution, un Julien Richard
fut colonel de la Garde.
Il
est fait mention, vers la fin du xvie siècle,
d'un prêtre originaire de la paroisse nommé Gabriel Gauthier. Un
autre prêtre de la même famille et portant ce même nom
de Gabriel fut longtemps vicaire à Pleine-Fougères. Il mourut en 1675
et fut inhumé sous la tour, devant l'autel
de Saint-Sébastien « où il avait fait placer sa pierre tombale où étaient
ses ancêtres. » Cette famille Gauthier donna encore deux autres prêtres et
aussi un avocat, Jacques, dont il est question en
1655. Jean Gauthier est dit arpenteur royal en 1660.
BPPF, février 1923,
(A suivre).
II est
question de la famille Renault, en 1602. Me Gilles Renault,
prêtre, légua, par son testament daté du 28 août 1608, au profit de l'Eglise
une pièce de terre contenant environ un journal et demi, située dans la
Champagne de Coquerel et nommée la charrière. D'après les dispositions du
testateur, ce champ devait toujours appartenir à l'aîné de la famille, à
charge pour lui de faire acquitter les messes des fondations qu'il avait
faites à l'église. A cette époque la famille Renault se composait de deux
branches principales, celles de la Croix, représentant la branche aînée, et
celle de Villemarie. C'est une preuve que cette famille était déjà depuis de
longues années dans le pays.
La très
ancienne famille Brune, dont une branche, croyons-nous, fut anoblie et
obtint la seigneurie de Montlouet, donna aussi un prêtre dont il est
question en 1660.
On a
déjà parlé de la famille Leloup, très ancienne également à Pleine-Fougères.
Julien y avait épousé, vers 1570T Roberde Lebreton. Robert, sieur
de Villebermont, fut marié à Jeanne Bouvier en 1590. Parmi sa nombreuse
descendance nous relevons le nom de Georges, ancêtre de la branche du
Val-aux-Bretons, puis les noms de deux prêtres et d'un clerc tonsuré. Les
Leloup firent plusieurs fois alliance avec les familles de Cherrueix, de la
Noë et de Camprond. La plupart de leurs, mariages furent célébrés dans la
chapelle du Val qui leur appartenait.
BPPF,
mars 1923, (A suivre).
La famille des Le
Breton, venue de Saint-Georges, posséda à peu près seule, jusqu'au
commencement du xvue siècle, le village du Val, qui d'ailleurs a
conservé leur nom. Leur fortune passa ensuite par alliance dans la famille
des Leloup.
Maître Pierre Olivier,
sieur de La Lande et de Villevrard, épousa, vers 1625, Jeanne Gaslain. Il
eut pour fils Jean, marié à Julienne Guerche en 1651, qui fit construire le
manoir et la chapelle de Villecunan et fonda la branche de ce nom. Parmi les
Olivier de Villecunan nous relevons le nom d'Hyacinthe, sénéchal du
Chatellier, qui eut dix enfants. L'un de ceux-ci, Jean, fut prêtre ; une
fille, Georgine, se maria en 1700 avec Malo de Saint-Gilles ; un autre,
Jacques, né en 1688, épousa Anne Grohan et continua la branche de Villecunan.
Ce Jacques eut un fils nommé Malo, né en 1717, et qui devint avocat.
Nous trouvons encore
parmi les Olivier deux autres branches ; celle de Villevrard, fondue dans la
famille Lambert, et celle de la Sauvagère, éteinte à la fin du xviiie
siècle.
La famille Pigeon, venue
de La Boussac, s'établit à Pleine-Fougères au xvn° siècle et sa descendance
s'y est perpétuée.
Gilles Busnel, prêtre,
est mentionné en 1578. Un autre membre de la même famille. Jean, fut prêtre
aussi et célébra sa première messe à Sains, le 12 mai 1619 et devint recteur
de Pleine-Fougères, en 1631. Au siècle suivant, quelques membres de cette
famille se fixèrent dans notre paroisse.
Quelques autres familles
apparaissent au cours des xviie et xviiie siècle dont
les noms se sont conservés jusqu'à nos jours, notamment les familles
Jenouvrier, Auvré, Lemaréchal, Guyon, Bigot, Jan, David et Jus. Citons les
principaux personnages qu'elles ont donnés.
Marin Lemaréchal fut
chirurgien à Pleine-Fougères vers 1680. Jean Bigot, sieur du Léez, sénéchal
du Plessix et de Montlouet, épousa Denise Richard et mourut en 1751,
laissant une nombreuse postérité. Toussaint Jan du Vaudemaire, originaire de
Saint-Broladre, s'établit chez nous en 1745 et de son mariage avec Jeanne
Jus naquirent plusieurs enfants. Les David étaient originaires de Normandie,
ils vinrent à Pleine-Fougères au cours du xvme siècle. En 1598 on
les trouve à Saint-Senier-de-Beuvron. Chez nous cette famille donna noble
Maître Hyacinthe David, sieur de Villée de Saint-Georges, avocat au
Parlement et l'un des volontaires qui se trouvèrent à l'affaire de
Saint-Cast, combat où fut repoussée une descente anglaise, en 1758.
Quant à la famille Jus,
elle donna M. Jus, premier maire de Pleine-Fougères, pendant la Révolution,
(Guillaume Jus, prêtre, originaire, fut cité en 1579-1588).
BPPF, juillet 1923
Histoire de
Pleine-Fougères
CHAPITRE III
L'Époque
Révolutionnaire
Nous sortirions du cadre
de notre récit si nous voulions énumérer toutes les causes qui ont amené la
Révolution.
Disons seulement que le
besoin général de réformes qui se
faisait sentir par toute la France pesait également chez nous. ]La
dîme, le champart, la chasse et les colombiers (Les corvées, le
champart, les garennes et les colombiers, les obligations de services
militaires) étaient surtout l'objet de continuelles réclamations. Ces
charges, en effet, étaient devenues plus lourdes par suite de l'augmentation
des impôts royaux et de plusieurs années de disette.
Un malaise régnait entre
les différentes classes de la société. Deux faits, passés à cette époque a
Pleine-Fougères, montrent jusqu'où en étaient arrivés certains
(quelques) esprits.
Un soir d'hiver un
cultivateur de Rolande, armé d'un fusil s’en alla par le marais se poster
devant le château de Montlouet et par une fenêtre tira sur le seigneur
occupé à son bureau de travail. La balle éteignit seulement la lumière et
alla se perdre dans les lambris. Faute de preuve le coupable ne put être
arrêté. L'autre fait fut provoqué par les prétentions orgueilleuses du
seigneur du Plessix. Ce châtelain exigeait, paraît-il, que ses vassaux,
lorsqu'ils venaient payer leurs redevances, se missent à genoux en disant :
« Seigneur du Plessis, recevez vos rentes. ». C'était là un simple
acte de déférence, conforme à l'esprit du temps, et, il faut l'avouer, si
les sujets du Plessix n'avaient d'autres reproches à adresser à leur
seigneur, cela ne les aurait pas empêchés de vivre heureux. Un
certain Jean Renault, de la Louvrie, avait refusé de se plier à cet usage.
Le châtelain s'apprêtait à lui faire donner la correction lorsque Renault,
montrant le gourdin qu'il tenait dans la main, déclara qu'il allait se
défendre. On le laissa alors aller tranquille.
Ces faits marquent
l'état d'esprit de quelques (ces deux) exaltés, non celui
de la population en général qui en voulait aux privilèges
et non pas à la personne des nobles. D'ailleurs la noblesse, comme le
clergé, était généralement respectée et aimée. Dans nos campagnes ces deux
ordres qui vivaient au milieu des paysans, partageant souvent leur gêne et
leur pauvreté, se montraient disposés à faire droit aux réclamations de ces
derniers. Les paysans savaient qu'ils pouvaient compter, parmi leurs prêtres
et leurs nobles, de chaleureux partisans.
On ne pouvait prévoir
dans nos pays, les années troublées et sanglantes qui allaient suivre,
lorsqu'un beau dimanche le recteur, M. Plaine, annonça du haut de la chaire
la convocation des Etats Généraux pour le mois de mai 1789, en faisant
ressortir les motifs d'espérance qui en découlaient. Ce prône lie fut pas le
moins écouté ; il délia les langues et tout le reste du jour fut l'objet des
conversations.
Une agitation fiévreuse
anima tous les esprits pendant les élections des députés et les travaux des
Etats. On sait quels furent ces travaux.
Dans la nuit du 4 août,
un noble, le vicomte de Noailles, plaida lui-même pour l'abolition des
privilèges. Sa proposition fut accueillie avec enthousiasme et, dans une
sorte de délire de désintéressement, clergé et noblesse renoncèrent à tous
leurs avantages. Cette nouvelle se répandit dans nos campagnes comme une
traînée de poudre et y produisit partout une explosion de joie. Pour nos
paysans la grande œuvre était accomplie, ils allaient enfin recueillir seuls
les fruits de leur travail, amasser pour les années de vieillesse ou former
pour leurs enfants un héritage légitimement acquis.
Ce premier
vote resserra les liens, qui unissaient la population avec le clergé et ses
anciens maîtres, car, selon qu'elle l'avait prévu, c'est parmi eux qu'elle
avait trouvé ses plus ardents défenseurs ;Mgr Le Parc, l’abbé Seyes,
le comte de Mirabeau, le vicomte de Noailles.
L'Assemblée vota encore
deux autres lois répondant aux désirs exprimés dans les cahiers : l'une
limitant le pouvoir du roi, l'autre établissant une assemblée législative
permanente.
Malheureusement, après
les sages réformes, cette assemblée inexpérimentée et dominée bientôt par un
groupe d'exaltés, vota aussi pour l'Eglise de France une constitution
nouvelle, en contradiction avec les principes catholique, qui fut justement
condamnée par le Pape, et qui allait bientôt jeter le trouble dans les
consciences, déchaîner les haines les plus sauvages et mettre le pays à
sang.
BPPF, septembre 1923,
(A suivre).
La
Constitution civile pour le clergé de France avait été préparée dans les
loges maçonniques. Le but cherché était la ruine du catholicisme en France.
On pensait que le meilleur moyen était de rompre le lien qui unissait le
clergé au Siège Romain et de créer un schisme ; l'Église de France, privée
de cette union qui faisait sa force, serait ainsi plus facilement réduite et
dominée.
Dès lors
la Révolution entre dans une nouvelle phase, à peu près exclusivement
religieuse, et les faits; qui suivront ne sont que les épisodes de la
grandie lutte entre l'Église de France et ses ennemis.
Comme le
clergé dans son ensemble refusait de se soumettre à la nouvelle
organisation, le gouvernement révolutionnaire décida d'exiger de tous les
prêtres exerçant le ministère un serment de fidélité à la Constitution.
Le
clergé du district de Dol, dont Pleine-Fougères faisait partie, devait
prêter ce serment le dimanche 30 janvier 1791. Quelques prêtres étaient
encore perplexes. Mais la veille, un humble frère Eudiste, du Séminaire d'e
Dol, répandit à profusion dans la contrée une lettre de Mgr de Hercé, évêque
de Dol, portant condamnation de la nouvelle constitution. Cette lettre
parvint à Pleine-Fougères dans la soirée.
Le
clergé paroissial se composait alors de MM. Plaine, recteur, Egault et Dory,
vicaires. Tous les trois décidèrent de s'abstenir de prêter serment. Le
lendemain, du haut de la chaire, le prédicateur (prêtre)
leur fit connaître la décision qui avait été prise et les raisons qui la
justifiaient ; il invita ensuite les paroissiens a rester toujours unis a
leur clergé, leur évêque et le Souverain Pontife.
La
population, venue, nombreuse à la grand-messe, fut émue et se montra résolue
à garder cette union et à défendre sa foi envers et contre tous .C'est qu'à
cette époque la paroisse de Pleine-Fougères était des plus chrétiennes. Elle
avait quelque peu perdu de sa grande ferveur du siècle précédent, mais elle
avait encore une vie religieuse intense, entretenue par ces retraites
annuelles d'hommes et de femmes qui se donnaient dans; la paroisse.
C'est
justement pendant une de ces retraites que les ennuis commencèrent.
A partir
du 30 janvier tout prêtre non jureur (1) était déclaré
inapte à remplir le ministère. Le dimanche gras, deux Eudistes, appelés par
M. Plaine, commencèrent une retraite d'hommes dans l'église. Or, ces prêtres
n'avaient point non plus prêté serment. Cette retraite se passa cependant
sans incident et dans une grande ferveur. Le dimanche 27 mars, on commença
une autre retraite pour les femmes. Mais immédiatement une dénonciation
contre les deux prédicateurs fut portée aux administrateurs du district qui
prirent aussitôt l'arrêté suivant :
(1)
on appelait prêtres jureurs ceux qui avaient prêté le serment à la
Constitution civile, et prêtre non jureurs ceux qui avaient refusé le
serment.
29 mars
1791.
« Sur ce
qu'il a été appris que des prêtres qu'on dit être Eudistes, ont commencé
dimanche dernier, 27 de ce mois, une retraite de femmes dans, l'église de
Pleine-Fougères ;
«
Considérant que suivant les dispositions du décret du 5 février dernier, la
prédication n'est permise qu'à ceux qui ont prêté serment et qu'il est à
présumer que les directeurs de ladite retraite ne l'ont point fait ;
considérant qu'il pourrait être dangereux de laisser à la tête d'une
retraite, et surtout d'une retraite de femmes, des réfractaires à la loi et
des ennemis de la Constitution, le Directoire, ouï le procureur-syndic, est
d'avis d'écrire sur-le-champ, à la municipalité de Pleine Fougères pour lui
témoigner sa surprise de ce qu'elle souffre des prêtres réfractaire, aux
lois de l'État diriger une retraite, et de l'inviter à communiquer à ces
prêtres la présente aussitôt reçue, pour qu'ils aient à désemparer
sur-le-champ et à interrompre une retraite que leur désobéissance formelle à
la loi ne leur permet pas de conduire ».
(Registre des délibérations du district de Dol).
Effectivement la lettre fut écrite et expédiée. M. Jus, alors maire de
Pleine-Fougères, en donna connaissance aux directeurs de la, retraite, mais
au lieu de les inviter à se retirer, il les pria de continuer leurs
exercices et d'achever le bien qu'ils avaient commencé, les assurant de sa
bienveillance personnelle et de celle de la municipalité.
Cette
conduite de l'honorable municipalité de Pleine-Fougères n'était pas pour
plaire à ces Messieurs du district ; elle ne pouvait guère être plus
tranchante.
Cette
indépendance de la municipalité et de la population de Pleine-Fougères à
l'égard des autorités révolutionnaires se manifesta maintes fois au cours de
cette époque troublée. La lutte fut parfois très vive.
La
population qui était très religieuse et contente
(satisfaite) des réformes opérées, se rapprocha de plus en plus de ses
prêtres ; elle n'eut bientôt plus que de l'hostilité pour un régime qui, au
nom de la liberté, voulait lui enlever la plus chère de toutes, la liberté
de conscience. Nous verrons ces paysans entrer en lutte avec un gouvernement
qui les tyrannise et, leur municipalité en tête, résister aux autorités
révolutionnaires pour demeurer fidèles, à leurs croyances. Fidèles, ils le
furent au mépris de leurs biens et de la vie même, et combien consolant et
doux est, pour leurs descendants ! Restés
croyants, Le souvenir de cette fidélité !
BPPF,
octobre 1923, (A, suivre).
Le
clergé de Pleine-Fougères ne pouvait qu'encourager et affermir la population
dans, ses bonnes dispositions. On se prenait même parfois à espérer que,
malgré que l'avenir parût bien sombre, « l'ancien état de chose » ne
tarderait pas à revenir. En attendant, les prêtres de la paroisse ne
négligeaient rien pour éclairer et soutenir les âmes chancelantes et par
leurs paroles et par leurs écrits.
La
situation devenait critique car déjà quelques prêtres schismatiques
exerçaient à Sains et à Saint-Georges. Les prêtres catholiques mirent la
population en garde contre ces malheureux. C'était leur devoir.
Mais
bientôt les dénonciations commencèrent. Ce furent d'abord le clergé
schismatique et la municipalité de Sains qui, au mois de juin, de l'année
1791, écrivaient aux administrateurs du district une lettre dont nous
extrayons quelques passages :
«
Messieurs,
« Les
soussignés ont l'honneur de vous représenter que les trois prêtres
fonctionnaires de Pleine-Fougères, le vicaire de Roz-sur-Couesnon et celui
de La Boussac avec le chapelain de l'Angevinière, ennemis jurés de la
Constitution, ne cessent de publier à leurs paroissiens et même aux nôtres
qu'ayant fait le serment civique nous sommes excommuniés et que les
sacrements que nous administrons sont autant de sacrilèges...
« Le
sieur Egault, vicaire de Pleine-Fougères, traite d'impiétés tous les motifs
qu'on a voulu lui alléguer pour justifier le serment civique et va jusqu'à
dire non seulement, mais aussi écrire que c'est la crasse du clergé de
France qui a fait le serment. Nous l'avons averti, il y a longtemps, de
mettre un frein à sa langue et à sa plume, et voyant que tout est inutile
nous croyons être obligés de vous en donner avis, etc... »
D'autre
part, le curé jureur de Saint-Georges dénonce à la même autorité deux Pères
Capucins retirés à Montlouet. L'esprit religieux de Pleine-Fougères,
la paix et la tranquillité dont on y jouissait, firent en effet qu'au début
de la Révolution plusieurs prêtres catholiques étrangers vinrent s’y retirer
(y attira en cette paroisse plusieurs prêtres catholiques étrangers qui y
séjournèrent plus ou moins longtemps). Montlouet en reçut au moins quatre.
Les deux Pères Capucins pour occuper leur temps faisaient la classe aux
enfants et se livraient à la prédiction. Ce fut à la suite d'un sermon donné
à Pontorson par l'un de ces Pères que la dénonciation se fit.
Voici en
partie la lettre du Curé de Saint-Georges dénonçant ces capucins et
indirectement la municipalité de Pleine-Fougères qui les protégeait.
« A
Messieurs les membres composant le Directoire et au procureur syndic du
district de Dol.
«
Expose,
«
François Penault, curé de la paroisse de St-Georges-de-Grehaigne,
« Que
depuis environ six mois deux ex-capucins d'Avranches habitent le ci-devant
château de Montlouet, en la paroisse de Pleine-Fougères. Ces prêtres non
assermentés... remplissent deux fonctions très importantes : ils prêchent et
enseignent la jeunesse.
«
L'exposant ignore si dans leurs leçons aux enfants ils cherchent à leur
inspirer la haine contre notre bienfaisante Constitution, mais il sait que
dans leurs sermons ils ne la ménagent pas.
«
L'exposant aurait porté plainte à la municipalité de Pleine-Fougères s'il
avait pu se persuader qu'elles eussent été accueillies. C'était
naturellement là qu'il devait se pourvoir, mais le peu de patriotisme, pour
ne pas dire l'incivisme connu de cette municipalité l'oblige de négliger
cette marche et de s'adresser directement. Sa réclamation ne sera pas vaine,
il obtiendra près de vous, Messieurs, une justice prompte que la
municipalité de Pleine-Fougères lui aurait sûrement refusée ; il demande«
Con-sidérer :
« Qu'il
vous plaise, Messieurs, ordonner que dans un court délai les deux Capucins
seront tenus d'évacuer le château de Montlouet, faute de quoi ils seront
contraints par la force publique.
« Dol,
le 1er juillet 1791. »
BPPF, novembre 1923,
(A suivre.)
Le Bulletin, de
novembre dernier citait une lettre adressée au Directoire de Dol le ler
juillet 1701 dénonçant deux Capucins réfugiés à Montlouet, qui instruisaient
les enfants et prêchaient dans les environs.
Dès le 2 juillet, le
Directoire ordonnait l'expulsion demandée, mais se rappelant comment le
maire de Pleine-Fougères lui avait joué le tour quelques mois auparavant
dans l'affaire des Eudistes, il écrivit cette fois directement aux Religieux
:
« 2 juillet 1791.
« Depuis longtemps on
parlait désavantageusement de votre conduite et de vos procédés ; vous
exercez deux fonctions que vous ne pouvez remplir qu'après, avoir juré de
maintenir une constitution que vous déchirez...
« II est bien étonnant
qu'on ait entendu l'un de vous dans la chaire d'une paroisse' voisine de
celle que vous habitez dire : que les prêtres non assermentés se faisaient,
un devoir sacré de demeurer constamment attachés à la loi de Dieu et de
s'immoler pour défendre la religion qu'on cherchait à détruire; ...qu'il n'y
avait que l'intérêt et l'ignorance à faire prêter un serment rejeté de
Dieu... qu'on méprisait entièrement la religion de ses pères pour suivre
avec avidité les innovations absurdes de quelques modernes... mais: qu'il
n'y .avait aucune force capable de les empêcher de distribuer à leurs frères
le pain de la vie et dei se révolter contre le schisme odieux qu'on
s'amusait à répandre en France où on ne cherchait qu'à allumer une guerre
civile et armer le père contre le fils et le fils contre le père.
« S'il est vrai que vous
vous soyez oubliés jusqu'à ce point, vous mériteriez trop d'être poursuivis
et punis par toute la rigueur des lois. Nous ne renonçons pas à vous y
livrer, mais avant tout il faut quitter notre territoire vingt-quatre heures
après, que vous aurez reçu la présente. Vous voudrez bien désemparer ; dans
le cas contraire, nous vous prouverons qu'il existe une force capable de
vous empêcher de distribuer à vos frères le pain que vous appelez celui de
la vie. » (Archives départementales).
Cette lettre devait
demeurer sans résultat. Une nouvelle sommation, datée du 22 juillet, n'eut
pas plus, de succès.
D'autres difficultés
surgirent
Un vicaire, M. Dory,
avait refusé de monter la garde parce que les règlements ecclésiastiques lui
interdisaient de porter les armes. Le procès-verbal de ce refus fut adressé
au Directoire de Dol et y parvint le jour même où l'on envoyait l'ordre
d'expulsion aux Capucins de Montlouet. Aussitôt une nouvelle lettre fut
rédigée pour la garde nationale de Pleine-Fougères, afin de lui rappeler
qu'elle devait imposer à tous l'obligation de monter la garde.
Pleine-Fougères, on le
voit, donnait de l'occupation aux administrateurs du district.
(révolutionnaires).
Mais toutes ces
vexations surexcitèrent la population, et au mois d'août les têtes étaient
fort montées. Un révolutionnaire de la paroisse ayant osé se plaindre qu'à
Pleine- Fougères la Constitution avait peu d'amis », la population
indignée s’attroupa et lui administra. (Les auditeurs indignés lui
administrèrent) une correction en règle pour lui apprendre au moins à
retenir sa langue.
BPPF, février 1924,
(A suivre).
La municipalité de
Pleine-Fougères continuait à ne tenir aucun compte des décrets persécuteurs
de l'Assemblée Nationale. Le clergé de son côté était plus résolu que jamais
à résister au schisme.
Aussi, le 12 août, le
Directoire de Dol faisait de nouveau des observation et écrivait au Conseil
municipal : « Un citoyen dont nous devons respecter le témoignage,
Messieurs, nous atteste sur l'heure :
« 1°) qu'à
Pleine-Fougères on ne lit aucun décret ;
« 2°) que le sieur Dory,
vicaire, prêche hautement contre l'Assemblée nationale et ses décrets ;
« 3°) Que, lui, Dory,
les sieurs Rozé, Marie et Briand, prêtres vont repetant
(criant) par les villages que l'ancien état de choses va revenir. (et que
les prêtres qui ont juré seront bien heureux s’ils ne sont point chassé de
leurs places).
« 4°) Qu'un des deux
capucins que nous avons éloignés
de Montlouet est encore
à Pleine-Fougères et demeure habituellement chez M. Gaudrion ; qu'un
habitant de la paroisse avait été battu et maltraité pour avoir paru ami de
la Constitution, et que le maire voyait cela d'un bon œil...
« Quelqu'égards qu'on
doive à un homme qui révèle avec courage les abus (d’une
paroisse), nous n’avons pas cru devoir prendre de parti avant que de vous
communiquer ces faits. Il n'est pas possible qu'il n'y en ait pas
quelques-uns de vrais... Nous vous prions de nous répondre au plus tôt...
Nous comptons sur votre exactitude à nous répondre. » (Archives
départementales).
La réponse demandée
fut-elle jamais envoyée ? Nous l'ignorons, mais nous savons que
Pleine-Fougères ne changea pas encore de ligne de conduite.
Le zélé M. Egault,
continuant son ardent apostolat, répandit à profusion un catéchisme intitulé
: « Catéchisme très simple à l'usage des fidèles de la campagne dans .les
circonstances actuelles. » Cet ouvrage, que M. Egault avait composé
lui-même croyons nous était destiné à éclairer les fidèles sur
l'attitude de l'Eglise en face de la constitution civile du clergé. Il
paraît que sa lecture porta des fruits puisque le clergé et la municipalité
de Sains qui s'en saisirent l'envoyèrent au Directoire comme livre très
dangereux pour la Révolution, déclarant en outre qu'après l'avoir lu les
familles qui les avaient suivi dans le schisme s étaient maintenant
désolées... ». .
La situation du clergé
fidèle allait cependant devenir bientôt de plus en plus inquiétante.
Le serment, qui n'avait
d'abord été exigé des prêtres que sous peine de perdre leurs fonctions,
devint, à partir du 29 novembre 1791, obligatoire sous peine de
bannissement.
M. Plaine et ses deux
vicaires devaient encore rester à Pleine-Fougères jusqu'au mois d'avril
1792, faute de prêtre jureur pour les remplacer, mais leur traitement leur
fut supprimé aussitôt. M. Egault, au nom de ses confrères, adressa aux
administrateurs du district une protestation contre cette mesure ; il
terminait sa lettre par ces mots : « Si l'on s'imagine nous affamer, on ne
se trompe pas, mais la faim ne nous fera jamais agir contre notre
conscience. » Les paroissiens de Pleine-Fougères, hâtons-nous de le dire, ne
laissèrent jamais leurs prêtres manquer du nécessaire ; ils pourvurent
généreusement à tous leurs besoins et leur sollicitude pour eux continua
même lorsqu'ils eurent quitté la paroisse.
Pendant le Carême 1792
on donna de nombreux sermons et, chaque fois, l'église était comble. Comme
l'avenir devenait menaçant, on dût hâter les communions pascales. En cette
circonstance solennelle lès habitants de Pleine-Fougères firent, la main
levée devant le Crucifix le serment de demeurer fidèles au siège, romain et
à leurs pasteurs légitimes.
De nouveaux événements
allaient tout bouleverser.
BPPF, avril 1924, (A
suivre).
Nous
reprenons aujourd'hui cette histoire interrompue depuis quelques mois. On se
souvient que depuis le commencement de la Révolution jusqu'à Pâques 1792, le
clergé de Pleine-Fougères avait pu rester à son poste, grâce à la protection
de la municipalité et à la sympathie générale de la, population qui lui
était très attachée. Mais la persécution allait bientôt devenir plus
violente.
Le 15
avril 1792, les Administrateurs d'Ille-et-Vilaine, par un décret
particulier, appelèrent à Rennes, sous leur surveillance, tous les prêtres
qui n'avaient pas prêté serment.
Aussitôt
le décret connu et avant sa publication, M. Egault, afin de s'y soustraire,
se hâta; des le 30 avril, de gagner Saint-Carné, dans les Côtes-du-Nord, son
pays natal. M. Plaine dut, quelques temps après, céder la
place à un intrus et se retira à Rennes chez un de ses parents, maître
d'hôtel. Quant à M. Dory, il resta un certain (quelques)
temps caché dans le pays, tantôt à Pleine-Fougères même, chez les familles
Hardouin, Barbe et Onnée, du Bourg ; tantôt à La Fontenelle, sa paroisse
d'origine, continuant son ministère autant qu'il le pouvait.
L'église
de Pleine-Fougères fut alors remise à un intrus, M. Jacob, installé Curé
constitutionnel par le Curé de Sains, le dimanche 22 avril.
Quelques
jours (semaines) plus tard, M. Jus, maire, dressa le
procès-verbal suivant :
« Je,
soussigné, maire de la paroisse de Pleine-Fougères, district de Dol,
département d'Ille-et-Vilaine, certifie que l'arrêté de notre département du
15 avril dernier concernant les prêtres réfractaires, a été lu et publié en
chaire le dimanche 22 avril aussi dernier, par M. Daron, Curé de Saints, et
qu'avant l'installation de notre Curé, M. Jacob, résidaient dans notre
paroisse habituellement MM. Plaine, Egault et Dory, Curé et Vicaires ; M.
Jarnouën, prêtre grabataire, ci-devant chapelain de Mme Lepoitevin de la
Crochardière ; M. Lalande, maître d'école, élu par intérim ; M. Baudet,
prêtre septuagénaire aveugle, chapelain, de Villebermont ; M. Carton
ci-devant cellerier de l'Abbaye du Mont Saint-Michel, grabataire, fermier de
la retenue de Montlouet ; ces quatre derniers ne remplissant aucune fonction
dans notre paroisse ; et que j'ai connaissance que M. Plaine a obéi audit
arrêté du 15 avril, que M. Egault habitait sa paroisse natale avant la
publication du dit arrêté ; que MM. Jarnouën, Boudet et Carton, grabataires
infirmes, restent dans notre commune ; et quant à M. Dory et M. Lalande, ne
peux certifier la résidence depuis la huitaine après l'arrêté du département
ci-dessus cité.
« En
foi, de quoi j'ai signé, ce 15 mai 1792.
« Jus,
Maire de Pleine-Fougères ».
Cette
lettre est intéressante en ce qu'elle nous donne les noms des prêtres
habitant alors Pleine-Fougères. A cette nomenclature, nous pouvons ajouter
quelques noms de prêtres ayant séjourné dans la paroisse
pendant (au début de) la Révolution, et en particulier : le R. P.
Gouallic, religieux du Mont, Saint-Michel, qui séjourna à Montlouet en 1791
; M. Marie, vicaire de La Boussac, qui se retira à Pleine-Fougères en
juillet 1791, ainsi que M. Briand de La Fontenelle, ancien professeur au
collège de Dol, et un autre prêtre du nom de Rozé ; M. Jean Guérin, ancien
Recteur de Plesder, qui demeura séjourna à Villecherel en
mai 1792, après avoir demandé (et demanda) au district une
autorisation de résidence.
M. Marie s'exila plus
tard à Jersey, et M. Briand s'enfuit enEspagne.
BPPF,août 1924, (A suivre).
La persécution suivit
son cours. Plusieurs membres du clergé, voyant le danger s'acheminèrent vers
l'exil. M. Dory, vicaire, fut le premier de nos prêtres à quitter le sol
français. Au mois de juin 1792 il se rendit à Rennes où il demanda le 10
juillet un passeport pour Jersey. Il s'embarqua à Saint-Coulomb en compagnie
de M. Forget, prêtre (sous-diacre) de La Fontenelle.
A ce moment M. Egault,
l'autre vicaire était encore dans sa famille à Saint-Carné, mais il n'allait
pas tarder à rejoindre son confrère. Un habitant de Pleine-Fougères avec
lequel il était resté en relations lui écrivait à la date du 26 juillet :
« Monsieur et ami,
« II y a quinze jours
que nous n'avons reçu de vos nouvelles, il nous semble qu'il y a quinze ans,
tant nous sommes inquiets sur votre sort et celui de tous vos confrères dans
le sacerdoce dans votre département. Nous souhaitons de tout notre cœur que
vous ne soyiez pas plus malheureux qu'au passé et que vous vous portiez bien
ainsi que vos parents. On met ici le décret de déportation en exécution.
Faisant semblant d'accorder des faveurs aux requérants, on est bien aise au
département de donner des passeports pour Jersey aux prêtres qui en
demandent ; c'est autant de pris et ainsi peu à peu on évacue le pays de
prêtres orthodoxes. Votre confrère et les deux de La Fontenelle ont profité
de cette faveur et ont obtenu sans peine des passeports pour Jersey où je
crois qu'ils sont passés tous les trois; nous n'avons point reçu de leurs
nouvelles depuis leur départ ; si nous en recevons nous nous empresserons de
vous les faire passer pour soulager votre inquiétude. Le grand Gabriel va
toujours son train et vous pourrez le voir avec nous dans peu... Bien de
particulier ici, sinon que Basselin (1) a assisté au baptême de Jean Guyon
en surplis et en étole, avant hier au soir.
Tous vos amis vous
présentent leurs respects.
Je suis avec
attachement, Monsieur et ami, votre très humble et obéissant serviteur
F. P. A. (Archives
Départementales).
Au reçu de cette lettre
M. Egault, (qui se trouvait souffrant), demanda aux Administrateurs du
département l'autorisation d'aller faire un voyage à Pleine-Fougères pour
consulter ses médecins ordinaires, mais cette autorisation lui fut refusée.
Peu après, il gagna les îles de la Manche.
Au commencement d'août,
M. Plaine, qui avait dû quitter sa cure de Pleine-Fougères,
était toujours à Rennes, chez son cousin et ne s'estimait pas encore trop
malheureux, malgré l'étroite surveillance a laquelle il était soumis. Mais
le 14 août il fut arrêté et emprisonné à Saint-Melaine. La loi du 16 août et
des ordres venus de la capitale allaient bientôt précipiter sa déportation.
(A suivre.)
(1) M. Basselin était
alors notaire à Pleine-Fougères.
BPPF, septembre 1924,
(A suivre).
La loi
du 16 août 1792 portait que tout prêtre, assujetti au serment et ne l'ayant
pas fait, était tenu de sortir, sous les huit jours, du département de sa
résidence et, dans la quinzaine, hors du royaume. Chacun devait se présenter
au district pour recevoir un passeport. Les sexagénaires et les infirmes
étaient exempts de la déportation, à moins qu'elle ne fut demandée par six
citoyens, mais ils restaient sous la surveillance de la police.
Quelques
jours après avoir fait voter cette loi, les révolutionnaires, pensant qu'à
l'étranger tous ces prêtres (environ cinquante mille) pourraient peut-être
encore leur nuire, décidèrent de tout simplifier en les faisant égorger en
masse. Le Comité de Salut Public donna l'exemple de la tuerie en faisant
massacrer dans la capitale, les 2 et 3 septembre, deux mille prisonniers,
dont quatre cents prêtres.
Nous
arrivons aux jours les plus sombres de la Révolution. Une dame en renom, Mme
Tallien, traduisant ses impressions, écrivait : « Si vous connaissiez les
affreux détails des exécutions ! Les femmes odieusement outragées avant
d'être déchirées..., les boyaux coupés, portés en rubans, des chairs
humaines mangées sanglantes !... Vous connaissez mon enthousiasme pour la
Révolution, ajoutait-elle, eh bien ! J’en ai honte, elle est devenue hideuse
».
Le
Comité de Salut Public envoya dans tous les départements des commissaires
pour inviter les communes à agir comme lui. Pour exciter le peuple, ils
firent répandre contre les prêtes fidèles des chansons les plus odieuses et
les plus sanguinaires, avec des refrains de ce genre :
« Qu'ils
soient pendus ou égorgés Sur leurs autels ensanglantés ! »
Mais les
populations de nos campagnes qui aimaient leurs prêtres, frémirent
d'épouvante. Les administrateurs d'Ille-et-Vilaine, point façonnés encore à
ces scènes de sauvagerie, et constatant l'hostilité des populations, se
contentèrent de mettre immédiatement en vigueur le décret de déportation.
M.
Plaine fut dirigé sur Saint-Malo le 8 septembre, avec les autres prêtres
détenus à Rennes, et tous furent embarqués pour Jersey le 14 septembre,
après avoir subi, de la part des révolutionnaires, toutes sortes d'injures
et d'outrages. Le Recteur de Pleine-Fougères ne devait jamais revoir le sol
de France. Il mourut en exil.
BPPF,
octobre 1924, (A suivre).
Après le départ pour
l'exil de M. Plaine et de ses deux vicaires, MM. Dory et Egault, le clergé
catholique n'était plus représenté à Pleine-Fougères que par quelques
prêtres âgés ou infirmes que nous avons déjà nommés. Ces prêtres, non
assujettis au serment, ne pouvaient exercer leur ministère qu'en cachette et
avec les plus grandes précautions. La plupart, d'ailleurs, n'allaient pas
tarder à disparaître.
M. Boudet, muni d'un
passeport de la municipalité de Pleine-Fougères, se fit conduire au Vivier
au mois de septembre 1792, avec l'espoir d'y prendre le bateau pour Jersey,
mais les autorités de Dol empêchèrent son embarquement sous prétexte que son
passeport n'était pas valide. Il devait cependant réussir, quelques jours
après, à accompagner M. Jus dans son exil.
M. Jarnouën mourut le 24
novembre 1792. Jusqu'à l'a fin, il demeura fidèle à sa foi. Dans les actes
publics relatifs à son décès, il est qualifié de « prêtre réfractaire »,
c'est-à-dire ayant refusé le serment. Quand, au siècle dernier, on répara la
maison où mourut ce prêtre, au Bourg, on trouva dans une cachette un cilice
en crin et ses ornements sacerdotaux.
Nous avons déjà eu
plusieurs fois l'occasion, au cours de ce récit, de montrer la belle et
fière attitude de la municipalité de Pleine-Fougères pendant les premières
années de la Révolution. Elle était d'ailleurs toujours soutenue par
l'immense majorité de la population, très attachée à, la religion, dans sa
résistance aux décrets persécuteurs. Lorsqu'on voulut implanter le schisme
dans la paroisse, le maire, M. Jus, ne manqua pas d'éclairer ses administrés
et de les encourager à demeurer fidèles à leur foi. Aussi les
administrateurs du district, le considérant comme l'un des plus ardents
défenseurs de l'orthodoxie, ne tardèrent pas à lancer contre lui un mandat
d'arrêt. Le 26 mai 1792, ils avaient ordonné son emprisonnement.
M. Jus, averti à temps,
put s'échapper de sa maison par une fenêtre, juste au moment où des agents
arrivaient à sa porte pour le prendre (1). Il s'enfuit avec l'intention de
gagner le bois du Plessix, alors une petite forêt. Mais
arrivé à Villebermont, il rencontra un habitant du bourg, nommé Le Barbier,
et, devinant que celui-ci n'aurait pas le courage de se taire s'il était
interrogé, M. Jus fit semblant d'aller vers le Léez, puis, après quelques
cents mètres, reprit sa route vers Le Plessix. Effectivement, le citoyen Le
Barbier, interrogé, répondit : « Oui, j'ai vu M. Jus, il est tout décolleté
et se sauve à toutes jambes vers la Costardière ». Les agents s'en furent
donc perquisitionner jusqu'au manoir de la Costardière, mais n'y trouvèrent
point le maire, et ils retournèrent à Dol comme ils étaient venus.
(1) M. Jus habitait la
maison située en face l'église, reconstruite depuis, et habitée actuellement
par M. Cruche. Le soir même, M. Jus s'en fut frapper à la porte de Jacques
Bonhomme, à Rasette, et chez Raoul Lefrançois, à Villetain, les priant de
bien vouloir subvenir à ses besoins pendant le temps qu'il devrait se tenir
caché. Ces deux familles s'acquittèrent avec empressement de ce soin : et
bien régulièrement on allait porter des vivres à M. Jus qui s'était réfugié
dans un chêne creux du bois du Plessix.
M. Jus se décida à
donner au District des explications qui calmèrent les autorités et il put
rentrer chez lui à Pleine-Fougères. Mais, voyant la tournure que prenaient
les événements, il se rendit à Dol le 12 septembre et demanda un passeport
pour Jersey, par Granville, ce qui lui fut accordé « avec plaisir ».
Quelques jours plus tard, le premier maire de Pleine-Fougères prenait le
bateau, emmenant avec lui M. Boudet.
BPPF, décembre 1924,
(A suivre).
M. François Lambert,
second maire de Pleine-Fougères, se montra encore plus intrépide que son
vaillant prédécesseur dans la longue lutte qu'il soutint avec sa
municipalité contre les autorités révolutionnaires à propos de l'enlèvement
des vases sacrés et autres objets du culte 'appartenant à l'église.
Un clergé
constitutionnel avait été placé à la tête de la paroisse, mais les habitants
de Pleine-Fougères étaient convaincus que la tourmente révolutionnaire
durerait peu. Ils avaient le ferme espoir de revoir bientôt leurs prêtres
exilés et ils entendaient leur conserver leur église et ses objets du culte.
Les registres du
district de Dol nous conservent le souvenir de la résistance qu'ils
opposèrent à, ceux qui voulaient dépouiller leur église1. Le 26
juin 1793, les administrateurs du District prenaient la délibération
suivante : « Considérant que l'administration du district a été informée de
la grande infidélité commise par la municipalité de Pleine-Fougères dans
l'inventaire qu'elle fit des objets d'ostentation en argent de son église en
n'y comprenant pas une lampe et une vierge en argent qui en dépendent; que
d'ailleurs, quoique l'administration ait prévenu la municipalité de faire
l'apport au Directoire de ces deux objets, elle s'y est constamment refusée
et paraît même décidée à se soustraire
à l'envoi qu'exige la
loi, les administrateurs ont nommé le citoyen Portai, leur collègue,
commissaire, avec deux gendarmes qu'il requerra dans le plus bref délai,
pour se transporter dans les paroisses de Roz-Sur-Couesnon, Saint-Broladre
et Pleine-Fougères, et rapporter les effets d'ornementation en or et argent
qui existent dans les églises de ces paroisses. »
Le 1er
ventôse, an II (mars 1794), le Directoire envoyait au maire de
Pleine-Fougères la lettre suivante : « Citoyen, nous vous engageons à faire
disparaître en entier les vestiges de la religion qui se trouvent dans votre
commune tels que croix, bannières, statues des ci-devant saints. Faites-nous
aussi passer votre argenterie : les besoins de l'Etat vous le commandent
impérieusement. Salut et fraternité. »
Cette lettre, comme
beaucoup d'autres, devait rester sans résultat. La municipalité refusait de
se prêter à ces actes odieux. D'où nouvelles menaces : le 6 juin, le
Directoire faisait des remontrances à la municipalité, et, le lendemain, il
écrivait encore :
« Nous sommes informés,
que vous faites des difficultés de faire descendre et apporter au chef-lieu
de ce district une seconde cloche existante dans le clocher de votre
ci-devant église (1), nous vous enjoignons donc, citoyens, de faire
incessamment descendre et transporter cette cloche en ce lieu de Dol, sans
quoi vous nous mettrez dans l'obligation de le faire à vos frais et vous
serez responsables de tout ce qui résultera de votre négligence.
« Nous apprenons à
l'instant que malgré nos différentes demandes d'argenterie et ornements de
votre église, vous n'y avez pas déféré. Ce refus annonce de votre part du
fanatisme. La loi a parlé, vous devez obéir... Voici les effets qui vous
restent à notre connaissance : deux ciboires, une custode, deux calices, un
ou deux soleils d'argent, etc..., tous les chandeliers, lampes et
encensoirs, croix et Christs de cuivre, tous les ornements et linges...
« Si sous trois jours
vous ne nous apportez pas tous ces effets avec la cloche dont il est parlé
ci-dessus, nous vous prévenons que nous vous ferons amener et mettre en état
d'arrestation... »
C'est alors que la
municipalité de Pleine-Fougères donna un bel exemple de courage et de foi.
Malgré les menaces que contenait cette lettre, elle persista dans sa
résolution de ne point participer à ce sacrilège, quoiqu'il put en advenir.
Cette conduite était vraiment admirable en un temps où tant de tètes
tombaient sur l'échafaud. Les municipalités qui résistèrent à ce point aux
ordres révolutionnaires furent rares.
Quelques jours plus
tard, le maire et deux des principaux conseillers étaient arrêtés et
conduits en prison. Le registre d'écrou des prisons de Dol contient en effet
la note suivante : « Incarcéré le 23 prairial, an II (12 juin 1794),
Lambert, maire, Gilles Couespel et Olive Bigot, officiers municipaux de la
paroisse de Pleine-Fougères, conformément au réquisitoire de
l'administration de Dol en date du 22 prairial »
Rendus à la liberté
quelques jours après, le maire et ses conseillers, que leur séjour en prison
n'avait pas ébranlés, allaient encore continuer la lutte.
(1) Une cloche avait
déjà été enlevée à la suite du décret du 3 août 1793, ordonnant l'enlèvement
des cloches pour la fabrication des canons.
BPPF, février 1925,
(A suivre).
Nos lecteurs se
souviennent des luttes soutenues par la municipalité de Pleine-Fougères
contre les administrateurs du District pour sauver les objets du culte
appartenant à l'église. Nous continuons ici le récit de ces démêlés.
Malgré tous les efforts
des administrateurs de Dol, l'église possédait encore, au mois de septembre
1794, une partie de ses ornements et de son argenterie. Le 19 septembre, des
experts se présentèrent à la sacristie pour un inventaire. Ils se
disposaient à forcer une armoire fermée, de trois clefs, lorsque l'énergique
intervention du maire les arrêta dans leur opération.
Cette résistance excita
la colère de ces messieurs du District. Ils résolurent de se venger, et le
23 septembre ils prenaient la décision suivante :
« Vu la lettre du sieur
Guyon, agent national do Pleine-Fougères, où il expose que dans la maison de
la ci-devant retraite ainsi que dans l'église de cette commune, il existe
des objets qu'il serait avantageux de vendre, les administrateurs arrêtent
que les vieux bois de lit, tables, bancelles, armoires et autres objets qui
se trouvent dans la maison de la ci-devant retraite de Pleine-Fougères,
ainsi que les coffres, confessionnaux existant dans la ci-devant église
seront vendus dans le cours de la prochaine décade ».
Cette fois, le
dépouillement fut complet ; tout fut mis aux enchères et vendu à des
revendeurs étrangers. L'autel avait été excepté de la vente, mais quelques
révolutionnaires de Dol qui se trouvaient présents, brisèrent, par
vengeance, la table du Sacrifice, enlevèrent quatre colonnes de marbre noir
qui encadraient le retable et les emportèrent avec eux. La force triomphait
donc pour un temps.
La belle Vierge
d'argent, donnée par la famille de Lorgerot, et les autres objets du culte
s'en furent enrichir le nouveau gouvernement, ce qui, d'ailleurs, ne
l'empêcha pas de faire banqueroute. Tous ces ornements d'église, qui
donnèrent en galons d'or et d'argent un poids de 17 marcs 1 once, furent
envoyés avec ceux des autres paroisses à la Monnaie, à Paris, le 29 décembre
1794.
L'Église restait vide
avec ses murs et son toit, mais le clocher conserva la fameuse cloche dont
nous avons déjà parlé et que la municipalité s'était refusée à descendre.
Toutes les réclamations dont elle fut l'objet restèrent vaines.
Les statues des saints
avaient été reléguées dans la tour, tant pour éviter leur profanation que
pour les conserver pour des jours meilleurs. Voici à ce sujet une histoire
dont on a gardé le souvenir :
Un jour, des
révolutionnaires montèrent dans le clocher, et l'un d'eux, apercevant la
statue de Saint Roc'h couverte de poussière, se mit à dire avec dérision : «
Voilà un petit Saint bien crasseux, il faut que je lui lave lès yeux ». En
même temps, il se mit à accomplir son œuvre ordurière. Le misérable fut
aussitôt frappé de cécité et un camarade dut le prendre par la main pour le
reconduire chez lui. Longtemps on, le vit par les chemins, toujours aveugle
et menant une vie malheureuse. Il mourut avec cette infirmité. Ce châtiment,
que tout le monde regarda comme miraculeux, fit beaucoup d'impression dans
le pays et contribua à la conservation de la foi. Les moins croyants
disaient eux-mêmes tout haut qu'il ne faut point se moquer des Saints.
Dans les années qui
suivirent furent vendus les bâtiments de la retraite, estimés 120 livres de
rente, ou capital de 900 livres.
Le domaine de
Montrouault, dépendant de l'Abbaye du Mont St-Michel, eut le même sort.
BPPF, avril 1925,
(A suivre).
Nous
avons dit comment la paroisse de Pleine-Fougères avait été, par la
Constitution civile du Clergé, privée, de ses prêtres, et nous avons vu
comment, ensuite, son église avait été dépouillée de ses ornements.
Ce
n'était là que le commencement de ces terribles et cruelles mesures de
persécutions contre les catholiques qui allaient sévir pendant cette triste
époque. On distingue trois persécutions principales. La première commença
avec l'application de la Constitution civile du Clergé et se termina au
commencement de 1795. L'année n'était pas terminée que la persécution
reprenait pour se continuer jusqu'au mois de juin de l'année suivante. En
1798, les catholiques furent de nouveau traqués avec sauvagerie jusqu'à
l'arrivée de Napoléon au pouvoir,
Même au
plus fort de la tourmente, quelques prêtres catholiques demeurèrent dans le
pays pour y soutenir le courage des fidèles, mais ils durent s'y tenir
cachés. Souvent, ils durent changer de costume et de cachette pour ne pas
éveiller les soupçons Ils administraient les Sacrements le plus souvent la
nuit, au fond des granges ou dans les greniers, pendant que des jeunes gens
montaient la garde aux environs. Au premier signal d'alarme, chacun se
sauvait comme il pouvait.
Les
prêtres et les catholiques qui les cachaient couraient, en effet, de grands
dangers.
La
persécution de 1794 fut particulièrement terrible. Les prêtres qui avaient
fait le serment de fidélité à la Constitution durent eux-mêmes cesser toute
fonction ecclésiastique et choisir entre l'apostasie complète ou
l'emprisonnement.
Ce fut
bien autre chose pour le clergé demeuré fidèle. Tout prêtre catholique
trouvé caché sur le territoire de la France devait être puni de mort. La
même peine fut décrétée contre ceux qui leur donnaient asile.
C'est
ainsi que nos voisins, M. Lemaréchal, prêtre de Vieux-Viel, et M. Bodin,
prêtre de Sougéal, furent guillotinés à Rennes, à la fin de 1794. Deux
membres de la famille Boullé, de l'Epinay, coupables d'avoir donné asile à
M. Bodin, subirent la même peine.
Une
certaine accalmie se produisit en 1795. Des prêtres détenus furent même
relâchés, et Pleine-Fougères en reçut un certain nombre venus des prisons du
Mont Saint-Michel. Le culte catholique étant toléré, M. Porcher, prêtre
originaire de Cendres, retiré à la Déholière, ouvrit une chapelle dans ses
bâtiments pour le jour de Pâques 1795. M. Carton reprit les exercices
religieux dans la chapelle de Montlouet. D'autres prêtres célébraient les
saints Mystères dans, les autres chapelles de la paroisse. L'affluence à
tous ces offices était fort grande.
Mais
cette tolérance fut de courte durée.
BPPF,
août 1925, (A suivre).
Dès le 1er
juillet 1795, la persécution reprenait. A cette même date, le Directoire de
Dol écrivait à la Municipalité de Pleine-Fougères pour lui rappeler que les
ministres du culte devaient faire leur soumission aux lois, faute de quoi,
ils ne pourraient exercer leur ministère sans encourir une amende de mille
livres ; chaque assistant était passible de la même peine; et il ajoutait :
« De plus, ils ne peuvent exercer que dans les églises qui servaient au
culte le 1er de l'An II, toute autre chapelle leur est interdite.
Nous apprenons néanmoins que plusieurs prêtres se sont retirés dans votre
commune, qu'ils se portent dans les différentes chapelles de votre
arrondissement les jours de fête pour y célébrer la messe. Aussitôt la
présente lettre reçue, nous vous enjoignons de nous faire passer les noms
des prêtres qui peuvent demeurer dans votre commune. Nous vous invitons et
enjoignons même à nous déclarer les chapelles où ces prêtres ont dit leurs
dernières messes ».
La Municipalité donna
une réponse évasive. Mais comme l’église paroissiale était alors louée à M.
Jacob, curé constitutionnel, bientôt le clergé catholique dut cesser
publiquement toute fonction. On reprit donc le culte en cachette, la nuit,
au fond des granges ou dans des endroits connus des seuls initiés.
Il faut croire que
plusieurs prêtres purent, grâce au dévouement de la population, traverser
cette nouvelle persécution, car le 11 avril 1796 les autorités de Dol,
écrivant aux administrateurs d'Ille-et-Vilaine, constataient que le nombre
des prêtres réfractaires cachés dans le pays était grand, et ils ajoutaient
: « Mais où sont-ils ? Ils sont cachés avec tant de soin et de précautions
qu'on ne peut les découvrir ni les atteindre ».
Le nombre de ces prêtres
allait encore augmenter, car la peine de mort contre eux ayant été retirée
vers le milieu de l'année 1796, plusieurs revinrent d'exil, entre autres M.
Dory, qui revint faire du ministère à Pleine-Fougères.
Parmi les prêtres qui
administrèrent les Sacrements dans la paroisse au cours de la Révolution, il
faut nommer : M. Porcher, de Cendres ; M. Bigot, recteur de Trans ; M.
Beaudouïn vicaire de Vieuxviel ; M. Toullier, chanoine de Dol, et M. Dory,
revenu d'Angleterre. Parmi ceux qui leur donnèrent asile et les secondèrent
dans leur difficile ministère, il faut également citer : M. de Lestrade et
M. Julien Onnée, du bourg ; M. Corbe, de Villehonnête ; les familles
Besnard, de Villechérel ; Jarnouën, de la Rivière ; Richard, de
Villartay ; Renault, de Villemarie ; Lema-fou-réchal, de Villevrard ;
Lemétayer, de La Croix ; de Saint-Gilles, à Villeclerc, et Ollivier, à
Villecunan.
BPPF, septembre 1925,
(A suivre).
M. PORCHER
Parmi les prêtres que
nous avons nommés et qui, malgré les dangers auxquels ils étaient exposés,
contribuèrent à maintenir pendant la Révolution la foi dans notre pays, M.
Porcher mérite une mention spéciale.
Voici les renseignements
recueillis à son, sujet:
M. François Porcher
était né à Cendres en 1735. Prêtre en 1760 il fut professeur de philosophie
au collège de Dol, et Recteur de Bonaban. A la Révolution, ne voulant pas
prêter serment, il vint se retirer à La Déholière et exerça pendant toute
cette terrible période, tantôt publiquement, tantôt en cachette, son saint
ministère, allant souvent la nuit, dans les différents villages de la
paroisse baptiser les enfants ou administrer les mourants.
II fut le véritable
Pasteur de Pleine-Fougères jusqu’au retour de M. Dory.
Le Directoire de Dol le
considérait comme très dangereux pour la Révolution à cause de l’autorité
que lui donnait son savoir. Il le signala plusieurs fois comme ennemi
acharné et fanatique dangereux.
Nous avons déjà dit
qu’en 1795, il avait ouvert une chapelle à la Déholière.
Peu après, la
Municipalité de Cendres le signalait au Directoire de Dol, parce que,
disait-elle, « ce prêtre ne cesse de répéter que nous sommes dans le schisme
et schismatiques, et que les mariages faits à la République sont nuls »,
Au mois de juillet 1795,
M. Porcher faisait soumission aux lois de la République, mais il réservait
expressément tout ce qui concernait dans cette législation le côté
religieux. Cette réserve lui valut d’être poursuivi peu après.
Arrêté le 13 septembre
en vertu d’un mandat lancé par le citoyen Rapinel, officier de police du
canton de Trans, il fut conduit dans les prisons de Dol. Mais il fut bientôt
relâché, grâce à l’intervention d’amis puissants qu’il avait parmi ses
anciens élèves.
Pendant l’accalmie de
1796, profitant de la présence de plusieurs prêtres à Pleine-Fougères,
il se fit missionnaire et parcourut les paroisses de Saint-Georges, Roz-sur-Couesnon
et Saint-Marcan, où il eut la consolation de ramener un grand nombre
d’égarés dans la voie du salut. Bien qu’il eût pris toutes les précautions
pour ne pas attirer l’attention des autorités, il ne tarda pas à être
dénoncé de nouveau. Le 16 août 1796, le Commissaire de Dol écrivait à celui
du Département : « Je viens d’être informé, citoyen, qu’un nommé Porcher,
prêtre insermenté, parcourt les communes du canton de Roz-sur-Couesnon,
qu’il y confesse, baptise, dit la messe et qu’il se forme des rassemblement
considérables à sa suite ; enfin, qu’il perpétue le fanatisme dans ces
contrées. Je vous observerai qu’il est suivi de nombreux convertis. Je vous
invite à prendre à son égard les mesures la sagesse vous suggérera, ».
Mais M. Porcher échappa
encore cette fois.
Plus tard, alors qu’il
se cache, à Baguer-Morvan, il est de nouveau signalé par le Commissaire de
Dol, en même temps que deux autres prêtres et, ajoute la lettre, « Porcher
est celui qui paraît faire le plus sensation.» auprès des habitants de la
région.
M. Porcher fut arrêté de
nouveau en septembre 1797 et relâché encore sur l’intervention de ses amis.
Arrêté pour la troisième fois le 14 avril 1799, il fut cette fois conduit à
Rennes et enfermé à la tour Le Bat, mais ayant prouvé que les peines contre
les émigrés ne pouvaient l’atteindre puisqu’il n’était pas sorti du
territoire français et que, de plus, il était sexagénaire, il obtint d’être
remis en liberté dès le lendemain, et il se retira à Rennes.
BPPF, septembre 1925,
(A suivre).
M. BIGOT
Au plus fort de la
Révolution., Monsieur Bigot recteur de Trans, se tint caché chez son neveu,
M. Corbe, à la Villehonnête, blotti tantôt dans un coin du grenier, tantôt
dans un souterrain dont l'ouverture se trouvait dissimulée entre deux meules
de paille. Ce saint prêtre eut quelques occasions d'exercer son ministère
dans notre paroisse.
M. BAUDOUR
M. Baudour, vicaire de
Vieuxviel, administra aussi les Sacrements aux habitants de Pleine-Fougères
voisins de sa paroisse, où d'ailleurs il reprit publiquement le culte en
1796.
M. TOULLIER
M. le Chanoine Toullier
fut caché à Villecunan chez la famille Ollivier, et an manoir de Villeclerc.
Comme il allait être découvert dans cette dernière demeure, il dut son salut
à M, Corbe. Celui-ci, se trouvant un soir dans une réunion de patriotes,
apprit que le lendemain, à la première heure, une perquisition devait être
faite chez la famille de Saint-Gilles pour y saisir un prêtre. Dans la nuit
même, M. Corbe se rendit au manoir avertir du danger et emmena chez lui, M.
Toullier qu’il cacha auprès de son oncle. Là où il passa, M. Toullier exerça
aussi son ministère. Plus tard, ce prêtre fût arrêté et déporté à l'île de
Ré, d'où il réussit à s'évader; il mourut recteur de Saint-Georges en 1830.
M. DORY
M. Dory, vicaire de
Pleine-Fougères, rentra, à l'exil en 1796. Il vint aussitôt apporter aux
paroissiens des nouvelles des exilés et reprendre parmi eux son ministère.
Il vivait ordinairement avec M. Touquet chez la sœur de ce prêtre à la
Fontenelle. Au mois d'octobre 1797, il fut accusé de l'assassinat, d'un
volontaire de là garnison de Trans. Arrêté ; et conduit à Solidor, il n'eut
pas de peine à se disculper et fut, immédiatement : relâché. Recherché
activement pendant la persécution de 1798 il échappa aux révolutionnaires
grâce
au dévouement de Mme T…
et de la famille Onnée, de Pleine-Fougères. Même au plus fort de cette
persécution, il ne cessa d'exercer. Il fut aidé par un jeune homme dont le
nom mérité de passer à la postérité : M. Julien Onnée.
Lorsque les catholiques
de Pleine-Fougères avaient besoin de M. Dory, Julien Onnée se rendait de
nuit à La Fontenelle avec deux camarades aussi décidés que lui et emmenait
le prêtre à travers les champs au lieu convenu où il y avait des mourants à
confesser et à communier. Le prêtre demeurait quelques jours caché chez les
parents de Julien Onnée, aux Riaux, puis les dévoués jeunes gens le
reconduisaient à La Fontenelle, toujours de nuit et à travers champs.
Découverts une fois par des chiens dressés à cet effet, ils furent vivement
poursuivis par une patrouille qui, ne pouvant les rejoindre, tira dans leur
direction quelques coups de fusil.
BPPF, février 1926,
(A suivre).
Nos lecteurs se
souviennent de ce que nous avons écrit au sujet de M. Jus, premier maire de
Pleine-Fougères, qui avait eu de nombreux démêlés avec les chefs
révolutionnaires du District de Dol. Il avait dû devant leurs menaces se
réfugier à Jersey avec M. Plaine.
M. Jus, qui était diacre
au moment de la Révolution, avait été ordonné prêtre en exil. En 1800, il
reparut au milieu de ses administrés, non plus cette fois avec l'écharpe de
maire, mais avec l'étole du pasteur et les pouvoirs du sacerdoce. Lorsque
les bons paroissiens de Pleine-Fougères revirent M. Jus, ce fut une France.
Sa présence réconforta les catholiques. La lutte entre les joie délirante.
Il leur apportait des nouvelles de M. Plaine qui préférait attendre des
temps encore plus sûrs pour rentrer en partisans des deux cultes,
c'est-à-dire entre les partisans du culte traditionnel conforme à la foi
catholique et ceux du culte constitutionnel instauré par la Révolution,
allait redevenir ardente.
Avant d'entrer dans des
détails sur ce sujet, il est utile de dire comment s'installa le culte
constitutionnel à Pleine-Fougères.
Le clergé de
Pleine-Fougères ayant refusé de prêter serment dans les conditions que nous
avons dit précédemment, les électeurs de Dol, dès le 19 mai 1791, avaient
nommé à la cure de la paroisse M. du Cognet, religieux prémontré, qui
d'ailleurs ne prit jamais possession de son poste. C'est M. Jacob qui y
commença, le 22 avril 1792, le culte constitutionnel. Ce prêtre n'était pas
un inconnu. Originaire de La Boussac, M. Joseph Jacob avait exercé à
Pleine-Fougères en qualité de vicaire en 1787 et l’année suivante. Il avait
été ensuite nommé recteur de Radepont, au diocèse de Rouen.
Quoiqu'intrus, M. Jacob
fut cependant considéré comme prêtre catholique par la population jusqu'au
jour où il prêta solennellement le serment, c'est-à-dire jusqu'au deuxième
dimanche de septembre 1792. Il prononça ce serment du haut de la chaire, au
prône de sa grand'messe, devant aine assistance qui se montra aussitôt
hostile, car le curé avait à peine achevé sa formule qu'elle protesta tout
haut contre sa conduite et « immédiatement tout le monde sortit ». Quelques
patriotes restèrent cependant. Mais dès ce jour commencèrent les déboires du
pauvre curé; il sentit autour de lui une hostilité qui faillit plus d'une
fois tourner au tragique. Grâce à la pression du Directoire de Dol, M. Jacob
fut reçu membre du Conseil municipal et il continua la rédaction des actes
de l'Etat-civil jusqu'en 1794.
M. Jacob fut parfois
aidé dans son ministère par des confrères voisins : MM. Egault, vicaire de
Sains; Roussin, recteur de Trans; Pessis vicaire de Saint Broladre;
Legallays, vicaire de Bazouges. Mais en 1793 il reçut un vicaire, M. Thomas
du Parc, ordonné par l'évêque Le Coz le 27 septembre 1793.
BPPF, mars 1926,
(A suivre).
Devant les
difficultés qu'il rencontra dans la paroisse, M. Jacob,
curé de Pleine-Fougères, se décida à mettre sa démission en déposant
(déposa) ses Lettres de prêtrise au Directoire de Dol le 2 mars 1794. Ce
geste ne l'empêcha pas d'ailleurs et bien qu'il eût prêté serment d'aller
passer quelque temps dans les prisons du Mont-Saint-Michel. Son vicaire
aussi remit ses lettres à la municipalité de Pleine-Fougères le 11 avril.
En 1795 ces deux mêmes
prêtres reprirent l'exercice du culte dans la paroisse et M. Jacob loua
l'église au Directoire de Dol le 23 mai. Leur ministère fut cette fois de
courte durée. Poursuivis d'une part par les révolutionnaires exaltés qui les
traitaient d'aristocrates, mal vus d'autre part par les catholiques
fidèles, ils s'enfuirent à Pontorson, alors protégé par la troupe,
où nous les retrouvons au mois de novembre 1795, prêtant de nouveau serment.
En juillet 1797, M.
Jacob était titulaire du « Collège de Roz ». Rappelé à Pleine-Fougères, il y
reprit le culte au mois de janvier 1799 et devint même agent municipal. Mais
il ne tarda pas à être en butte à de nouvelles tracasseries.
Dénoncé par les
autorités de Dol au mois de mars 1799 comme remplissant deux fonctions
incompatibles, dénoncé de nouveau pour sonneries de cloches d'abord par le
ministre de la police du canton de Trans en février 1800, puis par la
municipalité de Pleine-Fougères l'année suivante, il eut encore de la part
de la population des ennuis sans nombre.
En 1801 la situation
n'étant plus tenable pour lui, M. Jacob avertit son évêque. Celui-ci écrivit
au Préfet pour le prier d'intervenir. Après avoir relaté l'effervescence qui
régnait à Pleine-Fougères, Mgr Le Coz écrivait :
On a déjà été jusqu'à
menacer le Curé de le tuer et malheureusement les officiers
municipaux paraissent favoriser les dissidents. Ils viennent de le dénoncer
près le tribunal de Saint-Malo parce que quelques patriotes, sans même le
consulter ont sonné quelques coups de cloches (la cloche)
au moment où il allait commencer sa grand'messe... Et il n'y a qu'une
malveillance aveugle qui puisse vouloir le traduire devant les tribunaux,
pour quelques coups de cloches qui n'ont pas dépendu de lui, alors
(tandis) que dans plus de deux cents paroisses on les entend chaque
dimanche (toutes les cloches sonnent) à la grande joie
(satisfaction) des habitants... Permettez-moi de vous le dire, citoyen
préfet, parce que vous seul pouvez remédier au mal, il est des maires
impatriotes qui font les petits tyrans. Je puis vous citer ceux de
Pleine-Fougères, Visseiche et de Louvigné près Bais. » (Bulletin de la
Société d'Archéologie d'I.-et-V. 1921). Comme résultat, il fallut bien de
part et, d'autre user de patience. On savait d'ailleurs que des relations en
vue d'un concordat étaient alors engagées entre Napoléon et le Saint-Siège
et on espérait de bonnes, et prochaines décisions.
BPPF, avril 1926,
(A suivre).
LES
FAUX CHOUANS (Suite)
LA
MORT TRAGIQUE DE M. BASSELIN.
Louis
Basselin était né à Pleine-Fougères, le 20 septembre 1738, de François
Basselin et de Jeanne Pinson. Au moment de la Révolution, il habitait au
bourg avec sa sœur Jeanne Basselin. Au fond, il était peu sympathique à la
population et avait été dans la paroisse un des principaux agents des idées
nouvelles dont il devait être une des victimes.
Mais il
s'était surtout attiré des ennemis dans une histoire toute différente parmi
les partisans d'un de ses confrères, lui aussi notaire à Pleine-Fougères,
qui en 1794 avait été condamné à vingt ans de fers comme complice dans un
assassinat commis en 1787. Ceux-ci rêvaient une vengeance et trouvèrent des
hommes tout disposés à les aider dans cette fameuse bande de faux chouans
organisée à Trans et dont nous avons déjà parlé.
Ces
bandits furent d'autant plus faciles à décider que l'appât du vol venait
s'ajouter comme mobile du crime ; âpre au gain, sans charge de famille, le
notaire Basselin passait pour posséder un fort magot. Les égorgeurs
pénétrèrent chez lui dans la nuit du 22 au 23 ventôse an IV, le
poignardèrent et traitèrent son cadavre avec un raffinement de cruauté. Ils
obligèrent ensuite sa sœur à les éclairer pour faire le pillage de la
maison. Le lendemain, le bruit de cet assassinat se répandit dans toute la
contrée pendant que M. François Lambert, agent municipal, muni des pouvoirs
de M. Hodouin, juge de paix à Trans, faisait procéder à l'inhumation.
Évidemment, les révolutionnaires essayèrent de mettra ce meurtre sur le
compte des vrais chouans et le commissaire de police de Trans fit la même
chose dans un rapport; qu'il adressa quelques jours plus tard au chef du
pouvoir exécutif de Rennes.Mais il n'était guère possible de tromper ceux
qui connaissaient les véritables meurtriers. Aussi, vu la surexcitation des
habitants, il se crut obligé de demander une mesure de répression.
Après
avoir relaté le meurtre de M. Basselin, il se répand en lamentations sur les
atrocités commises par les soldats cantonnés à Trans, et il supplie de les
retirer pour les remplacer par d'autres volontaires qui déshonorent moins le
nom républicain.
(Lettre
aux Archives départementales).
BPPF,
mars 1928, (A suivre).
Histoire de Pleine-Fougères
L'EPOQUE CONCORDATAIRE
LE RETABLISSEMENT DU CULTE APRES LA
REVOLUTION
Le premier curé
régulièrement nommé après la Révolution à Pleine-Fougères fut M. Julien
Bérel. M. Jus, dont il a été plusieurs fois parlé au cours de notre histoire
de l'époque révolutionnaire, avait reçu les ordres et fut adjoint comme
vicaire à M. Bérel.
Ce dernier, né à La
Bazouges-du-Désert, était vicaire à Gahard au moment où éclata la
Révolution. Il eut la faiblesse de prêter serment ; ce qui lui valut la cure
constitutionnelle de Chauvigné. Mais plus tard, en 1795, mieux éclairé et
touché par l'exemple et l'héroïsme de ses confrères restés fidèles, il
rétracta publiquement son serment. Et dès lors il fut lui aussi l'objet de
violentes persécutions.
Dès le rétablissement
officiel du culte il fut nommé à Pleine-Fougères, et c’est en qualité de
curé de cette paroisse qu’il assista à la réunion des ecclésiastiques qui se
tint à Rennes en 1803, sous Mgr de Maillé.
M. Jacob, curé
constitutionnel de Pleine-Fougères pendant la Révolution avait dû quitter la
paroisse. D'après les arrangements conclus à l'occasion du Concordat, il
avait été stipulé que, parmi les prêtres assermentés, les plus dignes
seraient pourvus de postes après avoir rétracté leur serment. M. Jacob qui
avait toujours eu une conduite régulière fut de ce nombre. Nommé à la tête
de l'importante paroisse de La Gravelle, au diocèse de Laval, il la dirigea
plusieurs années et y mourut vers 1820.
M. Bérel put se
féliciter du concours de M. Jus qui avait .beaucoup souffert pour la cause
catholique. Son autorité était très grande dans la paroisse dont il avait
été le premier maire et son influence s'exerçait efficacement sur toutes les
familles. Les ruines accumulées par la Révolution étaient
immenses et l'état spirituel de la paroisse était lamentable. Beaucoup
d'enfants, baptisés par les parents à la maison n'avaient pas reçu le
supplément des cérémonies ; un grand nombre d'unions matrimoniales n'étaient
pas régulières ; l'église n'avait plus ni meuble ni ornement.
M. Jus se dépensa sans
compter.
Un don de Mme de
Malherbe mit l'église en possession d'un calice et de quelques vêtements
sacerdotaux provenant de la Chapelle du Plessix. M. Jus y alla ensuite de sa
bourse et l'église se trouva pourvue du plus nécessaire. Le zélé vicaire
parcourut la paroisse en quête d'âmes à ramener dans le droit chemin. Il
baptisa les enfants et bénit un grand nombre d'unions. En fait il fut le
véritable pasteur de Pleine-Fougères. Très versé dans la connaissance du
droit civil, il était fréquemment consulté, il apaisait les querelles et
remplissait auprès des paroissiens l'office d'un bon juge de Paix.
Il prit un soin
particulier de l'enfance qu'il réunissait souvent et qu'il s'efforçait
d'instruire des connaissances religieuses nécessaires. Il avait un don
particulier de rendre intéressantes ces études par elles-mêmes abstraites.
Il racontait à ses jeunes élèves des épisodes de la Révolution, des traits
de sa vie si mouvementée, de sa fuite, de son séjour en Angleterre, de ses
visites nocturnes aux mourants et il savait en tirer des conclusions
pratiques qu'il gravait dans l'esprit de ses jeunes auditeurs tout oreilles
à l'entendre. Beaucoup devaient en garder un souvenir qui ne devait jamais
s'effacer.
BPPF,
juin 1929, (A suivre).
Le
départ de Monsieur le Chanoine Saillard
Lorsque
la Semaine Religieuse du 6 juillet annonça que M. le Chanoine Saillard,
curé-doyen de Pleine-Fougères, était nommé par Son Éminence le Cardinal
aumônier de la Communauté Saint-Thomas, rue Saint-Louis, à Rennes, la
nouvelle était déjà connue dans toute la paroisse. Ce départ inattendu
provoquait d'unanimes regrets.
Depuis
plus de 23 ans, M. le Chanoine Saillard exerçait le saint ministère à
Pleine-Fougères. Sa grande bonté, sa piété édifiante, la dignité de sa vie
sacerdotale, en même temps qu'elles n’imposaient le respect, lui gagnaient
toutes les sympathies. Son autorité réelle qu'il exerçait avec discrétion
n'était à charge à personne. Quel bien n'a-t-il pas fait au cours de son
long apostolat dans notre paroisse qui lui était chère malgré tout ? Qui
dira en particulier son dévouement pour l'école chrétienne qu'il aimait tant
? Et combien d'âmes ont profité de sa prudente direction et de ses bons
conseils ! Nous n'osons insister de peur de blesser sa modestie.
Depuis
quelque temps M. le Chanoine Saillard se sentait fatigué. Il ne pouvait
plus, autant qu'il l'aurait voulu, visiter ses paroissiens et ses malades,
ni entreprendre à cause de l'âge les œuvres nouvelles qui paraissent utiles
; c'est pourquoi il a désiré céder la place à un plus jeune. En priant Son
Éminence le Cardinal de le relever de sa charge et de lui donner un poste
plus doux, il a pris une décision qui l'honore grandement sans doute, mais
qui fut pour lui un pénible sacrifice.
Qu'il
soit bien assuré que ses anciens paroissiens ne l'oublieront pas. Ils se
trouveront au rendez-vous de la prière où il les a invités au cours de ce
touchant discours d'adieu qui émut si vivement l'assistance.
Le
Bulletin, Paroissial se fait leur interprète en priant Monsieur le Chanoine
Saillard d'agréer leur profond respect, leurs sincères regrets et leur bien
vive reconnaissance.
BPPF, août 1930.
d'après notes manuscrites Eugène Jarnouen, anciens bulletins
paroissiaux, archives privées.
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